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Mali : à quoi servent les sanctions de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ?

L'embargo économique et financier est un moyen de pression efficace sur les militaires.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une capture d'écran du sommet extraordinaire (en visioconférence) des chefs d'Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) sur la situation sociopolitique au Mali, le 20 août 2020.  (ECOWAS/REUTERS)

Bis repetita. En neuf mois, le Mali vient de connaître un nouveau coup d’Etat, le 25 mai dernier. Un putsch de la junte qui déjà avait renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 et qui a laissé bien des Maliens stupéfaits. Le colonel Assimi Goïta, ex-chef de la junte du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) devenu vice-président de la Transition, revenait au pouvoir après avoir écarté le président de la Transition Bah N'daw et le Premier ministre Moctar Ouane, garants d’un processus de transition que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) exigeait. Comme en août dernier, l’instance sous-régionale a pris des mesures pour sanctionner ce nouveau coup de force lors d’un sommet extraordinaire qui s’est tenu le 30 mai 2021 à Accra, la capitale ghanéenne, conformément à son Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001 qu'elle cite souvent.

La Cédéao plus clémente qu'en 2020

Si certains titres de la presse malienne affirment que "l’épée de Damoclès" est encore maintenue sur la transition, la Cédéao s’est montrée plus clémente que la fois précédente puisque les autorités maliennes sont seulement suspendues des instances de l’organisation. Pas d’embargo économique cette fois-ci. Décidées dès le 20 août 2020 lors d'un sommet extraordinaire en visioconférence, les sanctions avaient été levées en octobre après que l'ex-CNSP a nommé le président et le Premier ministre de la Transition, conditions pré-requises par la Cédéao, comme le notait son communiqué du 5 octobre 2020.

Leur volet économique et financier, qui avait exclu "les denrées de première nécessité, les médicaments et autres produits de lutte contre le Covid-19 (et) les produits pétroliers et l'électricité", a très vite pesé sur les Maliens dont le pays est enclavé."Toutes nos marchandises qui sont dans les ports d’Abidjan, de Lomé, Cotonou ou Dakar sont bloquées actuellement en raison des sanctions économiques et financières contre le Mali. En tant que citoyen, nous trouvons cela inadmissible et nous dénonçons cet embargo injuste et illégal" , confiait un opérateur économique à la Deutsche Welle en août 2020. Cependant, l'embargo a également pesé sur les partenaires commerciaux du Mali. En guise de représailles, les professionnels du bétail avaient arrêté leurs exportations vers les pays membres de la Cédéao. "Nous, nous avons le bétail, eux ils n’ont pas de bétail. Nous, on peut s’en servir entre nous ici, mais eux, ils n’en ont pas. Donc forcément, ils seront obligés de venir se ravitailler sur le marché malien. Je crois que ce ne sera pas quelque chose d’aussi durable que cela", assurait alors un éleveur malien à la Deutsche Welle. Les sanctions ont néanmoins persisté pendant plusieurs le mois, le temps que la classe politique s'accorde sur un shéma de sortie de crise

Au lendemain de l'annonce des nouvelles sanctions, cette dernière s’est d’ailleurs dite soulagée de l’absence de sanctions économiques, rapporte RFI "Pour Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti Yéléma qui a condamné le coup de force, 'ces décisions ne compromettent pas les pauvres citoyens qui auraient pu subir les conséquences des actes qu’ils n’ont pas posés.'"

Efficace mais pas dissuasif

Il faut remonter au coup d'Etat de 2012 au Mali pour retrouver trace de l’intransigeance de l’organisation dans un passé récent. A la junte militaire menée alors par Amadou Sanogo, qui avait renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, la Cédéao avait imposé le 2 avril 2012 "des sanctions diplomatiques, économiques et financières". Quatre jours plus tard, le processus de transition était enclenché. Ce que constatait le communiqué de l’organisation qui annonçait le 7 avril la fin des sanctions imposées à Bamako.

"Les discussions menées par (Blaise Compaoré, l’ancien président du Bukina Faso, NDLR) et médiateur désigné par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement pour le suivi de ce dossier, notamment avec la Junte, les différentes forces politiques, les religieux et la société civile ont abouti le vendredi 6 avril 2012 à la signature d’un accord cadre pour le retour à l’ordre constitutionnel", expliquait le document. "En effet, poursuivait-il, le président du Comité national du Redressement de la Démocratie et de la Restauration de l’Etat (CNRDRE), le Capitaine Amadou Haya Sanogo, (…) a déclenché effectivement, le vendredi 6 avril 2012, le processus de mise en œuvre de l’Article 36 de la Constitution du 25 février 1992, permettant ainsi le retour à l’ordre constitutionnel au Mali."

La Cédéao avait ainsi "utilisé la carotte et le bâton pour aider le Mali à rétablir l’ordre constitutionnel"analysait alors The New Humanitarian qui soulignait que l’organisation "dispose d’une foule de mesures pour punir les juntes récalcitrantes". Cependant, il semble que quel que soit l’arsenal répressif adopté, la Cédéao peine à dissuader les armées de la sous-région de prendre le pouvoir. La preuve, Assimi Goïta et ses hommes n’ont pas eu peur de remettre le couvert en promettant toutefois de respecter le précédent calendrier établi dans le cadre la transition, à savoir l’organisation d’un scrutin présidentiel en février 2022. Un espoir auquel les Maliens et la communauté internationale s'accrochent désormais. 

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