Après l’Erythrée, l’Ethiopie tend la main à l’Egypte, un tournant diplomatique
Sortir de la crise provoquée par la construction du plus grand barrage hydroélectrique d'Afrique, dans le nord de l'Ethiopie, c'était le but de la visite surprise du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le 11 juin 2018 au Caire.
L’Ethiopie entretient des relations difficiles avec l’Egypte depuis le lancement en 2012 du Grand Barrage de la renaisssance qui risque de réduire le débit du Nil, vital pour l’économie égyptienne.
L'eau du Nil
«Personne ne peut toucher à l'eau de l'Egypte», avait averti le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi lors d'un discours, en novembre 2017, parlant d'une question «de vie ou de mort». L'Egypte est dépendante à 90% du Nil pour son approvisionnement en eau douce, ressource vitale pour sa population de presque 100 millions d'habitants, et qui doit doubler d'ici à 2060.
Une fois ce barrage terminé (5 milliards de dollars), il deviendra la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique qui fournira à l'Ethiopie 6000 mégawatts et pourra stocker plus de 70 milliards de m3 d'eau, selon le cabinet BRL.
Nouvelle donne à Addis-Abeba
Le nouveau Premier ministre éthiopien, qualifié de Gorbatchev éthiopien pour l’ampleur de ses réformes amorcées, se serait engagé à ne pas réduire le débit du Nil qui alimente l’Egypte, y compris durant le long remplissage du barrage.
L’Ethiopie opère un tournant diplomatique dans la Corne de l’Afrique. Abiy Ahmed a annoncé le 6 juin 2018 la fin de son différend frontalier avec l’Erythrée, qui s’est détachée en 1991 de l’Ethiopie, au terme d’une longue guerre fratricide. Les deux pays ont englouti durant 25 ans des centaines de millions d'euros dans ce conflit et ont dû supporter la perte de dizaines de milliers d'hommes.
«Dans les derniers mois, des émissaires américains ont mené des va-et-vient discrets entre Addis-Abeba et Asmara», affirme Jean Philippe Remy dans le journal Le Monde. Il faut dire que pour l’Ethiopie la menace ne cessait de grandir: «Depuis un an, des militaires Egyptiens entraînent secrètement l’armée érythréenne.»
Pour l’heure, l’Ethiopie aurait même interrompu les travaux du plus grand barrage du monde, plus par manque de fonds que pour des raisons diplomatiques. L’Egypte et l’Erythrée partagent également deux alliés de poids: l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis qui pèsent de tout leur poids pour enrôler le poids lourd éthiopien (104 millions d’habitants) dans leur alliance contre l'Iran.
L'axe Ryad Washington
Ryad, soutenu par les Etats-Unis, peut également compter sur le soudan, Djibouti et l’Erythrée dans son combat contre l’Iran. Ryad n’a cessé de recruter des mercenaires au soudan et en Afrique de l’Est pour combattre au Yémen contre la rébellion houthie soutenue par Téhéran. Une diplomatie saoudienne du carnet de chèque, qui ne laisse pas insensible le nouveau gouvernement éthiopien.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.