Coronavirus : la ruée des consommateurs africains sur les denrées alimentaires fait flamber les prix
Depuis que le coronavirus a atteint le continent africain, avec plus de 400 cas dans au moins 30 pays, la panique s'est emparée de la population qui cherche à se constituer des réserves de nourriture.
Alors que le nombre de cas de personnes atteintes du Covid-19 augmente en Afrique depuis début mars 2020 – parfois très rapidement, comme en Afrique du Sud –, des consommateurs inquiets, souvent munis de masques et de gants, se précipitent dans les marchés et supermarchés pour faire des stocks de provisions. A l'instar de ce qui se passe sur d'autres continents.
Reprenant le terme employé par le chef de l'Etat français Emmanuel Macron, un commerçant rwandais, interrogé par l'AFP, s'est exclamé : "C'est comme si les gens se préparaient pour une guerre". Il était tout simplement médusé par l'afflux de clients réclamant du riz, de l'huile, du sucre et de la farine sur un marché de Kigali, la capitale du Rwanda.
Dans un premier temps préservé du nouveau coronavirus qui a émergé à Wuhan en Chine en décembre 2019 avant de se propager à travers le monde, l'Afrique est aujourd'hui frappée par la pandémie. Avec la crainte que leur système de santé fragile ne puisse faire face, les différents gouvernements du continent mettent en place des mesures drastiques pour tenter d'enrayer la progression de l'épidémie, comme la fermeture de leurs frontières. Le 18 mars, plus de 400 cas d'infection avaient été identifiés dans au moins 30 pays africains.
"Si j'avais assez d'argent, j'achèterais bien plus de nourriture"
Dans ce contexte de crise sanitaire, les prix des produits alimentaires ont augmenté dans beaucoup de régions et de nombreux habitants peinant déjà à joindre les deux bouts en temps normal se retrouvent dans une situation encore plus difficile.
Pour l'instant, au moins un pays, le Rwanda, qui compte sept cas confirmés de contamination par le coronavirus, a tenté d'encadrer les prix des denrées de première nécessité. Son ministre du Commerce a annoncé le 16 mars tard dans la soirée des prix fixes pour 17 produits, dont le riz, le lait et l'huile, mais sans préciser les sanctions éventuelles pour ceux qui s'affranchiraient de ces tarifs.
Le commerçant de Kigali cité ci-dessus, qui a refusé de communiquer son identité par crainte d'une visite des services du gouvernement, a précisé que dans le marché où il travaille, le prix du sac de 25 kilos de riz tanzanien est passé de 27 000 à 30 000 francs rwandais (soit de 26 euros environ à près de 29 euros). Pour le riz pakistanais, les prix sont passés de 22 000 francs à 28 000 francs. Une hausse imputable, selon lui, aux grossistes.
Sur le même marché Nyarugenge, Béatrice, âgée de 52 ans, avec un enfant à charge, ne cache pas son exaspération face à la flambée des prix. "Je suis ici pour acheter du riz mais je n'ai pas de quoi le payer", dit-elle en constatant que le prix du sac de riz a progressé quasiment devant elle pour atteindre 32 000 francs au moment de son arrivée. "On ne peut pas laisser nos enfants avoir faim, donc j'en achèterai quand même, a-t-elle ajouté. Nous ne savons pas quand ce coronavirus va s'arrêter. Si j'avais assez d'argent, j'achèterais bien plus de nourriture."
Le spectre des ruptures de stock
Pour sa part, le Kenya, puissance économique d'Afrique de l'Est, n'échappe pas non plus à un début de panique. Dès l'annonce de son premier cas de coronavirus le 13 mars, les supermarchés ont été pris d'assaut. A l'image d'une grande surface située près d'un complexe de l'ONU à Nairobi, la capitale, d'où les clients sont ressortis avec des chariots remplis delingettes, de désinfectant, de riz ou encore de lait. Face à ce pic de demande, plusieurs grands magasins kényans ont lancé des appels au calme à leur clientèle, certains ayant inauguré un service de livraison à domicile.
En revanche, la chaîne de supermarchés Cleanshelf a été mise à l'index par l'autorité de la concurrence qui lui a ordonné de rembourser les clients après avoir surfacturé des désinfectants pour les mains. "Ce qui s'est passé récemment est injustifiable et nous sommes vraiment désolés", a réagi dans un communiqué Veronica Wambui, la responsable des ventes et du marketing du groupe qui a imputé la surfacturation à l'un de ses employés.
Partout, de l'Afrique du Sud au Sénégal, les files d'attente se multiplient devant les magasins où les familles viennent s'approvisionner en produits de santé et de première nécessité. Les ventes, confie Anna, gérante d'une grande surface à Dakar dans le quartier Mermoz, ont doublé depuis le 1er mars et les gels désinfectants sont en rupture de stock. L'association des commerçants et industriels du Sénégal craint même de voir une pénurie élargie aux denrées indispensables. De quoi redouter aussi de fortes hausse des prix et l'éclosion du marché noir. Comme en temps de guerre.
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