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Au Bénin, les professionnels du cinéma à la recherche d'une nouvelle dynamique

A l'initiative de la comédienne Tella Kpomahou, ils se sont réunis les 16 et 17 décembre 2021 à Ouidah, la capitale culturelle du sud du Bénin. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des professionnels du cinéma se sont réunis les 16 et 17 décembre 2021 à Ouidah, dans le sud du Bénin, pour penser l'avenir de leur secteur.  (WANI AYO)

Les récents succès du producteur béninois Faissol Gnonlonfin, qui a coproduit le film Freda de l'Haïtienne Gessica Généus soutenu par le réalisateur Francis Ford Coppola dans sa course aux Oscars 2022, paraissent de bon augure pour le cinéma béninois. "Son parcours est désormais une source d'inspiration", estime la comédienne franco-béninoise Tella Kpomahou qui ressent depuis quelques mois la nécessité de contribuer à une nouvelle dynamique dans le secteur.

Un "vrai fonds" pour le cinéma au Bénin 

Sa récente expérience de jurée dans la section Series de la dernière édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) l’aura confortée. Depuis la fin du plus grand rendez-vous du cinéma africain au Burkina Faso, Tella Kpomahou réfléchit davantage à la meilleure façon de contribuer au développement du septième art au Bénin. Elle a depuis longtemps pris les avis de ses compatriotes, s'est rendue régulièrement au Bénin et récemment, entre deux visionnages au Fespaco, elle a rencontré les professionnels béninois présents à Ouagadougou. Dans la foulée, l'actrice a initié deux jours de réflexion sur le cinéma béninois, les 16 et 17 décembre à Ouidah (sud du Bénin), via l’association Wani Ayo dont elle est la directrice artistique.

Elle espère que ces échanges seront le début d'un mouvement et que le Bénin, à l'instar de la Côte d'Ivoire ou du Sénégal, disposera d'un "vrai fonds" pour le  cinéma. "Je suis membre de commissions de l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie). Je lis des dossiers "séries" et "documentaires" et j’ai constaté que le Bénin est un parent pauvre dans ce domaine. Soit les dossiers sont mal montés, soit la thématique est très intéressante mais le montage financier est bancal… Par ailleurs, ce qui fait souvent défaut, c’est l’absence de soutien public. Généralement, on accorde du crédit à des projets soutenus par des fonds nationaux", confiait-elle à franceinfo Afrique de retour du Fespaco.

Outre l'Etalon d’argent et le meilleur son pour la fiction Freda, le producteur béninois Faissol Gnonlonfin a été, entre autres, indirectement récompensé par l'Etalon d'or du documentaire décerné à Garderie nocturne de Moumouni Sanou à Ouagadougou. Quelques mois plus tôt, à Cannes, lors de la présentation du film Freda à Un Certain Regard où il a décroché la mention spéciale Découverte en juillet dernier, il avait confié à franceinfo Afrique son souhait de voir, comme Tella Kpomahou, la création d'un fonds dédié au cinéma. "Au Bénin, il y a un fonds d’aide à la culture pour tout le secteur. Or, le cinéma est cher. Si je rencontre les politiques, je leur dirai qu'un fonds pour la culture en général, ce n'est pas possible pour le cinéma", expliquait-il. 

Plus récemment, à Ouagadougou, le Bénin est reparti avec le Prix du meilleur plus jeune réalisateur de film d'école attribué par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à Agnon Flora Dongbehounde pour son film Intraduisible décision. Tout un symbole. La jeune femme est issue des rangs de l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel (ISMA) qui avait été sacrée Meilleure école africaine de cinéma en 2019 pendant le festival panafricain. Deux ans plus tôt, c'était L'Orage africain du cinéaste béninois Sylvestre Amoussou qui remportait l'Etalon d'argent. Le film fait partie d'un triple DVD, Résistances africaines, sorti il y a quelques mois où l'on retrouve Africa Paradis (2006), un autre succès du cinéaste, avec le comédien Eriq Ebouaney.  

Un cinéma qui peut compter sur sa diaspora

Ainsi, jeunes et moins jeunes peuvent revendiquer l'héritage de Paulin Soumanou Vieyra, disparu à Paris en 1987. Le plus Béninois des cinéastes sénégalais a été le premier Africain diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC, l'actuelle FEMIS) et on lui doit le court métrage, Afrique-sur-Seine (1955), un des films cultes du cinéma naissant du continent. Paulin Soumanou Vieyra est également considéré comme le premier critique et le premier historien du cinéma africain grâce à son livre Le Cinéma africain : des origines à 1973 publié en 1975. Le parcours de Vieyra rappelle l'importante contribution de la diaspora au rayonnement du cinéma béninois, leur apport aux cinémas du continent était d'ailleurs le thème du colloque de la dernière édition du Fespaco. 

Jean Odoutan, comédien et réalisateur franco-béninois à l'origine du festival Quintescence de Ouidah qui a notamment signé Pim-Pim Tché (2016), fait exister le Bénin sur les écrans. Tout comme le comédien béninois Djimon Hounsou (Amistad, Black Diamond et récemment The King's Man) qui a fait carrière aux Etats-Unis et a réalisé un film documentaire sur le vaudou aux allures de retour aux sources, In Search of Voodoo : Roots to Heaven (2018). Cette mise en lumière s'associe à de multiples initiatives locales, comme le Festival international de films de femmes lancé en 2019 par la journaliste et cinéaste Cornelia Glèlè. 

En 2022, le Bénin devrait être souvent associé au cinéma. The Woman King sur les légendaires amazones béninoises, dont la sortie est prévue l'année prochaine avec notamment Viola Davis devant la caméra, devrait éclairer encore ce petit poucet, en comparaison du voisin et géant nigérian Nollywood, que les professionnels du cinéma espèrent bien voir grandir.

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