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Le Covid-19 crée un "environnement idéal" au développement du trafic des êtres humains

Près de 25 millions de personnes dans le monde sont concernées par ce type de trafic, selon des estimations du département d'Etat américain.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des migrantes en situation irrégulière font la queue dans la cour d'une prison en Libye après avoir été "vendues" par une milice qui dirigeait un camp de détention dans l'ouest de la Libye en juin 2016.  (NARCISO CONTRERAS / HANS LUCAS)

Le département d'Etat américain publie chaque année un rapport exhaustif sur le trafic d'êtres humains dans le monde. Il porte sur 188 pays dont les Etats-Unis. L'étude révèle que l'esclavage moderne s'est intensifié en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Les informations recueillies sur le continent africain confirment les abus, mais suscitent également un espoir sur l'évolution de la situation.

Près de 200 pays passés au crible

Le rapport (en anglais) du département d’Etat américain sur le trafic d’êtres humains est très détaillé. Il passe en revue la situation globale dans plus de plus de 180 pays de toutes les régions du monde à partir d’informations fournies notamment par les ambassades des Etats-Unis, les représentants officiels du pays concerné, les ONG ou encore certaines études universitaires.

Les pays sont ensuite classés en fonction des efforts des gouvernements pour lutter contre l’esclavage moderne. La traite des êtres humains est une notion très large qui inclut le travail forcé, l’exploitation sexuelle, le travail des mineurs, les enfants soldats. Des problèmes récurrents sur le continent africain.

"Pour de nombreuses personnes, la traite des êtres humains évoque des images de femmes et d'enfants emmenés de force et vendus comme esclaves sexuels par des étrangers. (…) La plupart des victimes sont souvent exploitées par leurs voisins, parents, partenaires amoureux"

Rapport du département d'Etat américain sur la traite des êtres humains

publié en juin 2021

Une année particulière

Selon Washington, la pandémie de Covid-19 a créé un "environnement idéal" pour que le trafic d'êtres humains se développe à travers le monde. D’abord, parce que les gouvernements ont recentré leurs ressources vers la crise sanitaire tandis que les trafiquants en profitaient pour cibler les plus vulnérables.

Dans certains pays occidentaux, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, les exemples cités concernent des propriétaires qui ont forcé leurs locataires (souvent des femmes) à avoir des relations sexuelles avec eux s'ils ne pouvaient plus payer leur loyer. Mais les pires crimes ont eu lieu dans les pays en développement. Des trafiquants ont offert de "fausses promesses" d'emplois pour "recruter les enfants" de familles appauvries, "tandis que d'autres familles exploitaient ou vendaient leurs enfants", selon le rapport américain.

"Au Niger et au Mali, des gangs opérant dans les camps de déplacés internes ont profité de la baisse de la sécurité et des protections pour forcer les résidents à se soumettre à des actes sexuels payés"

Rapport du département d'Etat américain sur la traite des êtres humains

publié en juin 2021

Des pays sur liste noire

Au-delà de la pandémie, l’étude américaine classe chaque année les pays selon les efforts entrepris pour lutter contre le trafic des êtres humains. Il y a ainsi les bons élèves comme les Etats-Unis, la France ou bien encore la Namibie, ceux qui font des efforts mais dont la lutte reste insuffisante et puis ceux mis à l’index par le département d’Etat. En Afrique, la Guinée-Bissau a rejoint cette année la liste noire américaine recensant 17 pays qui, aux yeux de Washington, ne répondent pas aux critères minimaux de lutte contre le trafic des êtres humains.

L'Algérie, les Comores, l'Erythrée, le Soudan du Sud figurent également sur cette liste, ce qui peut entraîner des sanctions ou le retrait d'aides américaines. La Libye, où des migrants africains avaient été vendus comme esclaves par des trafiquants en 2019, constitue un cas particulier en raison de l’absence d’Etat.

Et des "héros" à l'américaine

Lors de la publication du rapport annuel, le département d’Etat récompense des personnes qui se consacrent à la lutte contre toutes les formes d’esclavage moderne et de traite des êtres humains. Et dans cette édition 2021, deux Africaines sont à l’honneur. La Gabonaise Chantal Sagbo Sasse et la Centrafricaine Josiane Lina Bemaka-Soui. Les deux "héroïnes", selon le terme désigné, figurent parmi les huit lauréats de cette année. "Ils sont reconnus pour leurs efforts inlassables – malgré la résistance, l'opposition et les menaces – pour protéger les victimes, punir les contrevenants et sensibiliser aux pratiques criminelles en cours dans leur pays et à l'étranger", peut-on lire dans le rapport. A ce jour, plus de 110 personnes d’Afrique et d’ailleurs ont reçu ce prix.

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