Du rachat au changement de nom, l'année où Elon Musk a transformé Twitter en cinq actes

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Depuis son rachat de la plateforme le 27 octobre 2022, Elon Musk a opéré de profondes transformations chez Twitter, désormais rebaptisé X. (JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES - JOEL SAGET / AFP - JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)
Depuis qu'il en est devenu le propriétaire, le milliardaire n'a cessé de brouiller les pistes sur l'avenir du réseau social, renommé X en juillet, dernière mutation en date de la plateforme.

En l'espace d'un an, Twitter est devenu X. L'oiseau bleu a cédé sa place à une croix striée de blanc sur fond noir. Le 27 octobre 2022, Elon Musk déboursait 44 milliards de dollars pour acquérir le réseau social créé en 2006. Un an après ce rachat, l'homme d'affaires à la triple nationalité américaine, sud-africaine et canadienne n'a cessé d'alimenter les spéculations sur l'avenir de la plateforme, dont la disparition a été maintes fois annoncée. Retour sur l'année passée par le milliardaire à la tête de Twitter en cinq étapes clés.

1 Il acquiert le groupe à grand prix

Déjà propriétaire de Tesla, Neuralink ou SpaceX, Elon Musk jette son dévolu dès le début de l'année 2022 sur le réseau social Twitter, où il publie compulsivement des messages, au point d'en être devenu l'un des utilisateurs les plus influents. Alors qu'il s'y insurge depuis plusieurs mois contre les orientations prises par la direction, le régulateur de la Bourse de Washington révèle début avril qu'Elon Musk a acquis plus de 9% de l'ensemble des actions du réseau social. Il en devient de fait l'actionnaire le plus important, après avoir déboursé 2,6 milliards d'euros.

Le directeur de Twitter de l'époque, Parag Agrawal, invite Elon Musk à siéger au conseil d'administration dès le lendemain de cette publication. Lequel se réjouit de "travailler" avec la direction de Twitter "pour apporter des améliorations significatives" au réseau social. L'ambiance va pourtant très vite se dégrader. Six jours plus tard, le directeur de Twitter affirme que "Elon a décidé de ne pas rejoindre le conseil d'administration".

Le milliardaire formalise alors une offre d'achat d'un montant surprise de 44 milliards de dollars, bien au-delà de ce que vaut Twitter à l'époque. Un accord est noué avant qu'Elon Musk ne se rétracte et que Twitter ne le poursuive en justice pour l'avoir rompu. Alors que le procès approche, les deux parties annoncent finalement qu'Elon Musk a fait l'acquisition de Twitter le 27 octobre 2022. Un investissement salué par un tweet, entré dans l'histoire : "L'oiseau est libéré."

2 Il mène une purge du personnel

Dès son arrivée en fonction, Elon Musk multiple les lettres de licenciement. Parag Agrawal est le premier à en faire les frais, très vite suivi par le directeur financier et la responsable des affaires juridiques de Twitter. Il dissout également le conseil d'administration, dont les neuf membres prennent la porte. Dans les semaines qui suivent, la purge se poursuit à grande échelle : il remercie près de 50% de l'effectif mondial de Twitter, soit près de 4 000 personnes.

"Au fil des mois, la perspective de son arrivée dans l'entreprise s'est mise à sentir de plus en plus mauvais", a témoigné dans Le Monde Manu Cornet. Cet ingénieur logiciel français n'a subitement plus pu accéder à son ordinateur, après avoir été averti qu'il avait "violé plusieurs points de règlement". Toujours dans un tweet, Elon Musk assure alors n'avoir "malheureusement pas d'autre choix, quand l'entreprise perd plus de 4 millions de dollars par jour".

Parmi les effectifs non remplacés, les modérateurs paient un lourd tribut. L'équipe "Trust and Safety", chargée de la sécurité des utilisateurs de la plateforme, est décimée au point de ne rassembler qu'une vingtaine de personnes en janvier 2023. Le nouveau patron de Twitter réfute ces chiffres, affirmant que "plusieurs centaines de personnes travaillent encore pour la sécurité des utilisateurs", tout en assumant que la modération peut se passer d'humains, au profit d'algorithmes.

3 Il tente des "choses stupides"

Au nom de la liberté d'expression, Elon Musk rétablit aussi les comptes de personnalités jusque-là bannies, dont Donald Trump, avant de s'attaquer à la modification du système de certification des usagers du réseau social. Début novembre, ses équipes lancent Twitter Blue, un abonnement payant qui permet d'obtenir davantage de visibilité et le fameux badge certifié – jusque-là gratuit – même si l'identité de l'utilisateur n'a pas été vérifiée. Cette nouveauté donne lieu à une profusion de faux comptes (dont Elon Musk en personne).

Pris à son propre jeu, le propriétaire de Twitter suspend un temps cette nouvelle fonctionnalité avant de la réactiver quatre mois plus tard. Depuis le mois d'avril, le badge bleu n'est en effet attribué qu'aux seuls souscripteurs de la formule payante. Un compte qui imite le New York Times obtient ainsi ce sésame, au détriment de celui réellement détenu par le journal américain.

Elon Musk multiplie également les attaques contre des journalistes. Certains voient leurs comptes suspendus et une tentative d'étiquetage des médias parachève la séquence. Les mentions "affiliés à un Etat", "financés par un gouvernement" ou "financements par des fonds publics" apparaissent sur les comptes en question. C'est la goutte de trop pour certains médias, dont le New York Times et la radio publique américaine NPR, qui quittent la plateforme.

Le multimilliardaire avertit dans un tweet : "Veuillez noter que Twitter fera beaucoup de choses stupides dans les mois à venir. Nous garderons ce qui fonctionne et modifierons ce qui ne fonctionne pas." "Il observe une stratégie dite de 'test and learn' : c'est-à-dire qu'il lance des bouées à la mer puis attend un retour d'expérience pour voir s'il continue en ce sens ou s'il tente autre chose", analyse l'économiste Julien Pillot sur franceinfo. Ces revirements stratégiques fatiguent un grand nombre de ses internautes, qui quittent le réseau social.

4 Il nomme une nouvelle patronne

Face à ces revirements incessants, certains annonceurs s'éloignent également Twitter. Ils craignent notamment d'être associés aux comptes complotistes et extrémistes poussés en avant. Conséquence : dès la fin janvier 2023, la chute des revenus publicitaires est manifeste. Plus de 500 entreprises ont cessé d'acheter des publicités sur ce réseau social.

Pour enrayer cet effondrement, Elon Musk se met en retrait. Dès le mois de décembre, il soumet son départ au vote des utilisateurs de Twitter. Près de 57% des 17 millions de participants à un sondage public sur le réseau social le valident. Six mois plus tard, Linda Yaccarino est effectivement nommée comme nouvelle directrice générale. Cette ancienne directrice de la publicité chez NBC Universal doit "se concentrer principalement sur les affaires" selon le patron du groupe, qui s'oriente davantage vers le "design du produit et des nouvelles technologies".

Elon Musk déclare, mi-juillet, que les revenus publicitaires ont même chuté de moitié depuis son rachat. Linda Yaccarino est donc chargée de faire revenir les annonceurs sur la plateforme. Le nouveau binôme acte une nouvelle phase stratégique en juin : Elon Musk annonce que le nombre de tweets pouvant être lus quotidiennement est désormais limité à 10 000 par jour pour les comptes vérifiés, contre 1 000 pour les utilisateurs non vérifiés. Cette "limite de débit" doit permettre de contenir l'aspiration massive de tweets par des tiers, notamment ceux qui développent des modèles d'intelligence artificielle.

5 Il change le nom pour X

S'il reste encore nébuleux, son projet s'est drastiquement éloigné de l'esprit des débuts de Twitter. Au point que neuf mois après son rachat, Elon Musk prend la décision le 24 juillet de "dire 'adieu' à la marque" : Twitter devient X. Un nom cryptique qui reprend celui de sa première entreprise et de sa holding, semant le doute quant à son objectif réel. "Je ne pense pas qu'Elon Musk ait mis 44 milliards de dollars pour Twitter, mais pour X et X ne fait que commencer", estime l'économiste Julien Pillot. Comme plusieurs autres experts, il penche sur une mutation vers "un objet de géolocalisation, de finance, de services bancaires, voire un moyen de paiement" car "avoir une influence sur la finance est très important pour [Musk]".

La nature des échanges sur le réseau social change aussi. Alors qu'Elon Musk souhaitait en faire l'espace de la libre expression poussée à son paroxysme, il envisage désormais de rendre payante l'utilisation du réseau social. Dans le même temps, X est régulièrement pointé du doigt pour sa mise en avant de contenus polémiques et haineux. Depuis l'attaque du Hamas en Israël, une vague de messages violents et de fake news se déverse, sans modération apparente. Plusieurs études, dont celle relayée les professeurs Jean-François Savard et Mathieu Laudriault sur le site The Conversation, démontrent comment la désinformation est favorisée sur ce réseau social, au point de susciter l'ire de la Commission européenne.

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