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Opération anti-migrants à Mayotte : "Tout est fait en urgence et de manière très violente", dénonce la politologue Françoise Vergès

L'opération "Wuambushu" en cours contre l'immigration clandestine et les bidonvilles serait mal organisée et vouée à l'échec selon la spécialiste des Outre-Mer Françoise Vergès. La métropole compte néanmoins sur cette opération d'envergure pour faire baisser l'immigration illégale et apaiser les tensions.
Article rédigé par franceinfo
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Françoise Vergès  à Nantes à l'occasion du 171 ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage le 10 mai 2019 (ESTELLE RUIZ / NURPHOTO)

"Tout est fait en urgence et de manière très violente", déclare lundi 24 avril sur franceinfo Françoise Vergès, politologue, spécialiste des Outre-Mer, alors que le gouvernement a lancé, à Mayotte, l'opération "Wuambushu" pour endiguer la délinquance et l’immigration illégale.

>>> Les Comores ont annoncé avoir refusé l'accostage d'un bateau transportant des migrants en provenance de Mayotte, suite à "Wuambushu"

Le gouvernement entend raser plus d'un millier de "bangas", des cases en tôle situées à Majicavo. Les Français doivent être relogés et les étrangers expulsés. "Certains vivent sur cette île depuis 40 ans : ils travaillent, ils ont des enfants qui vont l'école…", dénonce la politologue. "On en parle comme si c'était des personnes complétement étrangères à cet endroit et qu'il faudrait chasser (...). Mais, c'est faire fi de la manière dont cette société s'est organisée", ajoute-t-elle.

Franceinfo : Mayotte connaît déjà, et depuis bien longtemps, une situation sociale et démographique difficile…


Françoise Vergès : "Oui, depuis très longtemps. On devrait remonter aux années 50. C'est de très loin toute une situation qui se met en place et qui explose aujourd'hui. J'entends les paroles apparemment raisonnables d'une opération qui aurait été bien pensée mais qui vient trop tard de toute façon. Tout est fait en urgence et de manière très violente. Imaginez-vous des gendarmes déployés dans tout Paris et, sous nos yeux, on verrait des maisons détruites. Il y a une violence là-dedans".

Certains vivent sur cette île depuis 40 ans : ils travaillent, ils ont des enfants qui vont l'école.

François Vergès

sur Franceinfo

>>> "On ne sait même pas où aller" : à Mayotte, le désarroi des habitants du premier bidonville visé par l’opération "Wuambushu"

C'est voué à l'échec cette opération ?


''Telle qu'elle est menée, elle est vouée à l'échec. On parle de ces gens comme si toutes ces personnes étaient des délinquants. Il est question de chasser des milliers de personnes. Certains vivent sur cette île depuis 40 ans : ils travaillent, ils ont des enfants qui vont l'école... Ils travaillent comme jardiniers, cuisiniers pour des Mahorais qui leur louent d'ailleurs les bangas. On en parle comme si c'était des personnes complétement étrangères à cet endroit et qu'il faudrait chasser parce qu'elles mettent le désordre. Mais, c'est faire fi de la manière dont cette société s'est organisée''.

 Et on se retrouve sans avoir pensé à quoique ce soit, avec une situation impossible aujourd'hui. Ça ne réglera pas

Françoise Vergès

sur Franceinfo

Comment expliquer cette approche de la situation ?


"Ca été complétement laissé comme ça pendant des années. L'Etat a tout intérêt à garder Mayotte. Il y a une légion étrangère qui est là depuis 1975. C'est tout à côté du canal du Mozambique qui représente 80% du trafic pétrolier. La départementalisation est aussi voulue par une élite mahoraise, ne l'oublions pas. Et on se retrouve sans avoir pensé à quoique ce soit, avec une situation impossible aujourd'hui. Ça ne se réglera pas".

Quel sentiment domine dans la population ? Un sentiment d'abandon ?


"La population mahoraise a été encouragée à cette stigmatisation de leurs cousins. Les Comoriens, ce sont leurs cousins au sens réel ou métaphoriques du terme. Oui, c'est un sentiment d'abandon. C'est un des départements où la déforestation est la plus intense de tous les départements de France. Il y a un manque d'eau, il n'y a pas de travail, il n'y a pas d'avenir… Vous êtes un jeune éduqué, vous partez. Il y a un sentiment d'enfermement total qui expllique en partie explique la violence. Elle est produite cette violence".

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