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Reportage "On ne sait même pas où aller" : à Mayotte, le désarroi des habitants du premier bidonville visé par l’opération "Wuambushu"

Les choses s'accélèrent à Mayotte où le gouvernement entend raser plus d'un millier de "bangas", des cases en tôle situées à Majicavo. Les Français doivent être relogés et les étrangers, expulsés.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue - Marc Garvenès
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Les habitants du bidonville de Majicavo, au nord de Mayotte, ont été marqués d'un numéro à la peinture. Ils font l'objet d'un arrêté préfectoral de démolition dans le cadre de l'opération "Wuambushu". (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

En shimaoré, langue principale à Mayotte avec le français, cette grand-mère assise au milieu de sa cabane en taule bleu et grise se plaint de son mal de tête. Elle s’appelle Fatima et vit dans sa "banga" de Majicavo depuis 2002.  Sa petite fille qui traduit, explique qu’elle a de la tension et qu’avec ce qui se passe, elle n’arrive plus à manger, ni à prendre de médicaments tellement l’inquiétude la ronge.

Cette grand-mère installée à Mayotte depuis plus de vingt ans, ne sait pas où aller avec ses enfants, petits et arrières petits enfants. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Son bidonville de ce quartier situé au nord de Mayotte, dans la commune de Koungou, est le seul pour l’heure à faire l'objet d'un arrêté préfectoral dans le cadre de l’opération "Wuambushu", pour une démolition prévue mardi ou mercredi.

>> Opération "Wuambushu" à Mayotte : dans le plus grand bidonville de France, les Comoriens redoutent "la guerre civile"

"On ne sait même pas où aller en fait, explique la petite-fille. On va aller dormir à la mosquée". Depuis dimanche, elles ont commencé à ranger leurs affaires. Tongs aux pieds dans les ruelles boueuses, son oncle et son cousin sortent congélateur, lits, meuble télé. Pour les familles qui ont reçu et accepté une proposition de relogement, la condition c'est de n'emporter qu'une seule valise et de laisser les affaires de toute une vie derrière elles.

L'oncle et le cousin de la petite-fille de Fatima sortent congélateur, lits, meuble télé.  Les habitants expulsés du bidonville de Majicovo n'ont le droit d'emporter qu'une valise. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Des relogements "indignes"

"On leur impose de laisser toutes leurs affaires !", s'insurge l'avocate Marjane Ghaem. Avec une dizaine de consœurs, elle a entamé des recours contre ces expulsions. Saisie par vingt familles de Majicavo, elle a obtenu une suspension du tribunal administratif pour absence de proposition de relogement adapté. "Ce sont des espaces de 30 m2 avec sanitaires et cuisine communes dans lesquels on veut mettre une famille de deux adultes et cinq enfants", explique l'avocate qui dénonce des propositions d’hébergement d’urgence "indignes".

"Quand on me parle de surpeuplement dans un bidonville et d’une case en tôle, je me demande en quoi il n’y a pas surpeuplement dans un 30 m2 quand on y est à sept."

Marjane Ghaem, avocate

à franceinfo

Plus de 1 000 habitations doivent être rasées dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine et destruction de l'habitat insalubre voulue par le ministère de l'Intérieur et des élus locaux. Les Français doivent être relogés, selon les possibilités, et les étrangers, expulsés, vers les Comores notamment. Mais le plus souvent, ces familles expulsées vont grossir les rangs d'un autre bidonville du territoire, parfois juste quelques kilomètres plus loin.

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