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Vidéos de l'EI : comment travaillent les enquêteurs pour identifier les jihadistes français ?

Deux Français ont été identifiés parmi les bourreaux sur la vidéo diffusée dimanche par les jihadistes de l'Etat islamique. Mais l'identité du second fait débat. 

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Capture d'écran montrant le jihadiste présenté comme étant Mickaël Dos Santos, dans une vidéo de propagande de l'Etat islamique diffusée dimanche 16 novembre 2014. ( FRANCE 2)

Mickaël Dos Santos figure-t-il sur la vidéo des décapitations d'otages par les jihadistes de l'Etat islamique (EI), diffusée dimanche 16 novembre ? Il est impossible de répondre avec certitude à cette question, même si la présence du jeune homme en Syrie est avérée.

Le processus d'identification du jihadiste français semble confus. Dans un premier temps, mercredi matin, France 2 et Le Monde révèlent l'identité du deuxième Français soupçonné, par les services de renseignement, de figurer sur la vidéo de l'EI. Il est alors reconnu par sa mère, sa grand-mère et un ancien ami. 

Le parquet de Paris confirme l'identification de Mickaël Dos Santos, évoquant des "indices précis et concordants". Mais plusieurs experts remettent rapidement en doute la ressemblance physique entre Mickaël Dos Santos et le jihadiste présent sur la vidéo. D'autant que celui-ci s'exprime dans un arabe syrien parfait. Jeudi soir, Ana Dos Santos dément avoir reconnu son fils. Et désormais, une source judiciaire se montre beaucoup plus prudente auprès de Libération"Il n'y a jamais de vérité absolue (...) Nous n'avons jamais parlé d'identification formelle."

En utilisant les techniques traditionnelles

Le travail d'identification des bourreaux sur la vidéo diffusée par EI montrant la décapitation d'une vingtaine de soldats syriens et d'un otage américain est toujours en cours. Un travail qui mêle techniques d'enquête traditionnelles et utilisation de nouvelles technologies. "La base, ce sont les renseignements dont on dispose déjà. Les enquêteurs ont la liste de ceux qui sont partis faire le jihad", explique à francetv info Louis Caprioli, ancien sous-directeur de la lutte contre le terrorisme à la DST. Archives photos, témoignages, recoupements de renseignements... Ce travail de vérification s'accompagne des auditions de la famille et des proches. Parfois, d'anciens jihadistes revenus en France sont également sollicités pour expertiser les images. "Mais cette reconnaissance par les proches peut avoir une fiabilité aléatoire, affirme Louis Caprioli. Certains peuvent parler par intérêt, ou des parents peuvent vouloir atténuer la responsabilité de leurs enfants..." 

Les éventuels comptes Twitter et Facebook des jihadistes sont surveillés. Jeudi, c'est sur Twitter qu'un individu se présentant comme Mickaël Dos Santos a démenti sa présence dans la vidéo d'exécutions sommaires. Une information impossible à vérifier pour le moment.

En faisant appel à des logiciels de reconnaissance

Les enquêteurs disposent aussi de logiciels de reconnaissances faciale et vocale. Mais cette approche technique n'est pas simple et ne donne pas des résultats fiables à 100%. Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, indique auprès de l'AFP que les logiciels de reconnaissance faciale fonctionnent "à 90-95%, dès lors que le visage n'est pas grimé, qu'il n'y a pas de maquillage de cinéma". Tout dépend donc de la condition des individus mis en scène. "L'écartement entre les yeux", "la largeur et la hauteur du visage" : tout ce qui permet une identification est mesuré par ces logiciels.

Selon les informations de francetv info, dans le cas des jihadistes, les enquêteurs estiment qu'ils ont pu prendre des drogues ou que leur visage est crispé (en raison du choc que peut représenter le spectacle des décapitations). Ces éléments brouillent les résultats de la reconnaissance faciale. "Une barbe, un bonnet, une cagoule... Tout cela va également rendre compliqué la reconnaissance, le résultat est forcément aléatoire", assure Louis Caprioli. Grâce aux bases de données, les jihadistes présents sur les vidéos sont confrontés à "toutes les images accessibles, que cela soit des reportages, des vidéos de propagande, des photos de suspects", précise Claude Moniquet, ancien de la DGSE et codirecteur d'une agence de sécurité. D'autres logiciels permettent une reconnaissance vocale. Ils ont permis à plusieurs reprises d'authentifier des messages audio d'Oussama Ben Laden. Vibration de la voix, aigus, graves, accents... Tous les paramètres sont analysés.

Dans le cas de Mickaël Dos Santos, jusqu'à présent, "aucun logiciel de reconnaissance faciale n’a été utilisé pour l’identifier", selon Libération. Et selon nos informations, les enquêteurs n'ont pas encore sollicité de logiciel de reconnaissance vocale.

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