Retour en cinq actes sur l'identification contestée de Mickaël Dos Santos
De l'identification par les services de renseignement au démenti de la mère, francetv info revient sur l'évolution de cette information depuis mercredi.
Mickaël Dos Santos est bien parti pour la Syrie. Mais figure-t-il sur la vidéo des décapitations d'otages par le groupe Etat islamique, diffusée dimanche 16 novembre ? Après avoir été confirmée par le parquet de Paris, l'identification de ce jeune jihadiste français sur ces images est entourée d'incertitudes, vendredi 21 novembre. Francetv info remonte le fil des tâtonnements autour de cette identité.
Acte 1 : François Hollande affirme qu'un deuxième jihadiste est "en voie" d'être identifié
Dans l'avion qui l'emmène à Sydney (Australie) depuis la Nouvelle-Calédonie, dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 novembre, le chef de l'Etat confirme qu'après Maxime Hauchard, un deuxième jihadiste français figurant sur la vidéo de décapitation de l'otage américain Peter Kassig et de 18 soldats syriens est "en voie" d'être identifié. Il précise qu'il serait âgé de 22 ans.
Sur le plateau du 20 heures de France 2, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait annoncé mardi que la présence d'un deuxième Français sur cette vidéo était une "possibilité".
Selon les informations de France 2, les services de renseignement travaillent déjà depuis deux jours sur l'identification d'un certain Mickaël Dos Santos, connu depuis longtemps sur Twitter comme "Abou Uthman", et repéré lors du démantèlement d'une filière jihadiste dans le Val-de-Marne. Sur plusieurs comptes à ce nom, ce jeune Français d'origine portugaise parti en août 2013 en Syrie poste des photos de lui en tenue militaire, arme à la main, ainsi que des images de propagande pour le groupe Etat islamique très violentes.
Selon une source du renseignement, les services sont également remontés jusqu'à lui grâce à une vidéo diffusée mi-octobre sur internet dans laquelle, en français et à visage découvert, il appelait "tous les frères qui vivent en France" à "tuer n'importe quel civil" en représailles aux raids de l'armée française contre les jihadistes en Irak.
Acte 2 : le nom de Mickaël Dos Santos est diffusé dans les médias, et des proches le reconnaissent
Après les déclarations de François Hollande, France 2 et francetv info, puis d'autres médias, révèlent mercredi matin l'identité du deuxième Français que les services de renseignement soupçonnent d'être sur la vidéo de l'EI. Des proches de Mickaël Dos Santos confirment l'avoir reconnu sur ces images, dont un ancien ami, interrogé par France 2. Il explique que le jeune homme s'est converti avec lui à l'islam "il y a quatre ans, quatre ans et demi" et qu'ensuite, il a "dévié".
Surtout, la mère du jihadiste français se présente à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret. Selon les informations recueillies par France 2 auprès des services de renseignements, elle affirme avoir reconnu son fils. Selon Le Monde, la grand-mère reconnaît "immédiatement" son petit-fils en voyant la photo extraite de la vidéo de l'exécution des otages, mercredi. D'après le quotidien, elle appelle sa fille et "les deux femmes ont longuement pleuré".
Acte 3 : le parquet confirme l'identification du jeune Français
Dans un communiqué diffusé mercredi en fin d'après-midi, le parquet de Paris annonce que "des indices précis et concordants ont été recueillis dans le cadre de l'enquête qui permettent d'identifier la présence d'un second Français : Mickaël Dos Santos, né le 17 janvier 1992, à Champigny-sur-Marne".
Un peu plus tôt, le Premier ministre, Manuel Valls, avait indiqué que le second jihadiste français identifié était "connu pour son engagement terroriste en Syrie et son comportement violent revendiqué sur les réseaux sociaux", sans toutefois citer son nom.
Acte 4 : des experts mettent en doute la ressemblance physique et surtout la voix
Quelques heures après la publication du nom du jeune homme, plusieurs experts ont fait part de leurs doutes. Romain Caillet, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient, estime que le visage du jihadiste de l'Etat islamique qui figure sur la vidéo et celui de Mickaël Dos Santos présentent des différences, notamment au niveau du nez, des cheveux et de la couleur des yeux. Le chercheur doute par ailleurs de la nationalité de l'homme, qui s'exprime dans un arabe syrien parfait dans la vidéo, à moins d'un "trucage".
David Thomson, journaliste à RFI en contact avec des jihadistes français en Syrie, doute lui aussi. Selon quatre sources qu'il connaît au sein de l'Etat islamique, il s'agirait en fait d'un Syrien nommé Abou Umarayn.
Enfin, prenant la parole via un nouveau compte Twitter, @abou_uthman_6, un homme se présentant comme Mickaël Dos Santos écrit : "J'annonce clairement que ce n'est pas moi présent dans la vidéo." David Thomson affirme avoir authentifié le compte en question, qui a été suspendu depuis. Une information impossible, pour l'heure, à vérifier.
Acte 5 : la mère dément avoir reconnu son fils, et le parquet nuance
Jeudi soir, sur BFMTV, Ana Dos Santos dément avoir reconnu son fils. "Là, ce n'est pas mon fils, je ne le reconnais pas. (...) " "[Les enquêteurs] m'ont dit : 'vous êtes sûre ?' Ils m'ont fait répéter très longtemps longtemps, très longtemps, poursuit-elle. Arrivé un moment donné, j'ai cru que j'avais un doute, et j'ai dit : 'je ne sais plus, je ne sais plus si c'est mon fils ou pas mon fils'." "Plus je le regarde, plus je me dis que ce n'est pas mon fils, ajoute-t-elle. Là, il a un visage allongé et puis un regard qui n'est pas le sien. Ce n'est pas mon fils, non, non, non, je ne le reconnais pas."
De son côté, le parquet de Paris nuance. Une source judiciaire concède auprès de Libération que l'arabe syrien dans lequel s'exprime l'homme sur la vidéo est un élément "troublant". "Il n'y a jamais de vérité absolue. On a des indices précis et concordants, nous n'avons jamais parlé d'identification formelle", indique cette source au quotidien, précisant toutefois : "Si le parquet a fait un communiqué, ce n'est pas pour rien. Tout le monde ne sait pas ce qu'il y a dans le dossier."
Selon Libération, aucun logiciel de reconnaissance faciale n'avait été utilisé à ce stade de l'enquête. Pas plus, selon France 2, qu'un logiciel d'authentification de la voix. Ces vérifications devraient être en cours à l'heure actuelle.
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