Qui est Omar Omsen, le recruteur de jihadistes français que tout le monde croyait mort ?
En août 2015, plusieurs spécialistes annonçaient la mort de ce Niçois de 40 ans. Dix mois plus tard, France 2 révèle qu'il est toujours vivant. Francetv info revient sur son parcours.
Tout le monde le croyait mort. Omar Omsen, un des principaux recruteurs de jihadistes français vers la Syrie, dont la mort avait été annoncée en juillet dernier, est pourtant bien vivant. Les journalistes du magazine "Complément d’enquête" de France 2 l’ont rencontré en Syrie. Il leur a affirmé notamment : "l'émir Omar Omsen n’est pas mort. Sa mort a été répandue pour une raison bien précise. D’ailleurs, vous parlez avec Omar lui-même depuis tout à l’heure, (…) je suis vivant".
"Un recruteur très important", selon Cazeneuve
Retour en juillet 2015. Tous les médias français annoncent la mort de ce Niçois âgé de 40 ans. L’information, rendue publique par les spécialistes des réseaux jihadistes Romain Caillet et David Thomson, vient en fait de proches du recruteur, basés en Syrie.
#Syrie : Omar Omsen principal figure du jihadisme à #Nice serait mort ce vendredi des suites de ses blessures. pic.twitter.com/dwlXwAySku
— Romain Caillet (@RomainCaillet) 8 août 2015
"Omar Omsen a été frappé d'une balle et d'éclats au torse lors d'un repérage avant une attaque contre le régime à Alep", affirme alors son entourage au journaliste de RFI. "Des vérifications sont en cours", précise dans la foulée le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, en qualifiant Omar Omsen de "recruteur très important".
Difficile de dire combien de jeunes l’ont suivi jusque dans la zone de guerre irako-syrienne. Selon les enquêteurs, Omar Diaby - son vrai nom - serait responsable d’une vingtaine de départs dans la région niçoise. Certains experts évoquent même une centaine de jeunes qu’il aurait embrigadés. Auprès de l’Obs, en mars 2014, il avait expliqué avoir recruté 80 Français au sein de sa katiba (brigade) liée au Front Al-Nosra, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie.
Comment Omar Diaby a-t-il pu être à la tête d’un des plus importants régiments de Français en Syrie ? Au sein des réseaux jihadistes sur internet, Omar Omsen s’est fait un nom grâce à sa série de "documentaires" baptisée 19HH, qui serait une référence aux 19 terroristes impliqués dans les attaques du 11 septembre et une représentation des tours jumelles. Mêlant séquences cinématographiques et reportages détournés, ces films évoquent, pêle-mêle, les origines de l’univers, la question palestinienne ou la place de l’islam dans la société française, comme l’explique Le Monde. Le tout sur fond de prêche et musiques hollywoodiennes. Maintes fois supprimée, puis repostée sur YouTube, la série de vidéos complotistes a été visionnée des centaines de milliers de fois.
"Omar Omsen, pour elle, c’était un imam"
Ce sont les vidéos d’Omar Omsen qui ont convaincu Fatima. Lorsqu’elle quitte Angers (Maine-et-Loire) pour partir en Syrie en février 2015, elle est à peine majeure. "Omar Omsen, pour elle, c’était un imam. C’est pour ça qu’elle a pris contact avec lui", a expliqué sa mère à France 2.
Via les réseaux sociaux, il parvient à convaincre ses proies, souvent jeunes, de faire la "hijra", c’est-à-dire d’émigrer vers une terre considérée comme "sainte".
"Un manipulateur qui arrive à retourner le cerveau des jeunes"
Beaucoup de jeunes femmes ont, en effet, rejoint les rangs d'Omar Omsen en Syrie. "Pour créer une société, il faut des femmes.Celles qui vont éduquer les enfants, les futurs musulmans de cette nouvelle nation", expliquait Omar Omsen en mars 2015 à France Info. Bien moins discret que d’autres recruteurs jihadistes, il a accordé plusieurs interviews. Les journalistes qui l’ont contacté le décrivent comme un homme au ton "posé", "qui sait exactement quel message il veut faire passer".
Cet important contingent français, qu’il a mis à disposition du Front Al-Nosra, en a fait un ennemi des jihadistes de l’Etat islamique (EI). "C’est un bouffon", s’indignait auprès de francetv info, Kévin, quelque mois avant de se faire exploser dans l’assaut d’une caserne de l’armée irakienne, en mai 2015. Avant de rejoindre l'EI, ce jihadiste toulousain a côtoyé Omar Omsen dans les rangs d’Al-Nosra. "C’est un manipulateur qui arrive à retourner le cerveau des jeunes grâce à ses vidéos, expliquait-il. Il se fait passer pour un savant de l’islam alors qu’il n’a aucune connaissance islamique."
Dans le chaos syrien, les deux factions jihadistes se font la guerre, à coups de fusil, mais aussi en utilisant le discrédit. "Les gens de l'EIIL [l’ancien nom du groupe Etat islamique] sont en fait des jeunes ignorants sans formation religieuse sérieuse, avait affirmé Omar Omsen auprès de l’Obs. Et puis ce sont d'anciens voyous dont le comportement déviant ressort dès qu'on leur met des armes entre les mains."
Radicalisation en prison
Le recruteur traîne lui aussi un passé de délinquant. Arrivé du Sénégal à l'âge de 7 ans, Omar Diaby grandit dans le quartier populaire de l'Ariane, situé en périphérie de Nice. Très vite, il fait preuve d'un charisme certain auprès des jeunes du coin. "Il avait déjà cette façon de parler calme, posé. Quand je vous dis que c’est un meneur, c’est parce qu’on avait envie de le suivre. Il avait plus d’amis que d’ennemis, a confié un de ses anciens amis à France Info. C’était un mec qui n’avait peur de rien. C’est ce qu’il lui a valu le surnom de 'Blade' [une référence à un super-héros de Marvel], parce qu’il n’avait peur de personne."
Dès l'âge de 20 ans, il multiplie les séjours en prison. En 1995, il est condamné une première fois à cinq ans de réclusion criminelle pour avoir tué un homme en le percutant avec sa voiture. Sept ans plus tard, il est mis en cause dans deux attaques de bijouteries à Monaco, alors que les policiers le recherchent pour un trafic de pièces détachées de voitures volées, note Le Parisien. "On est à peu près sûr que la radicalisation s'est faite en prison, (...) lors de séjours assez courts, mais très fréquents", note le psychothérapeute Patrick Amoyel, qui suit les jeunes du quartier niçois Saint-Roch, où a résidé Omar Diaby.
De "Blade" à "Frère Omsen"
Au fil des années, il laisse sa carrière de délinquant derrière lui et se tourne vers le prosélytisme. Dans les quartiers sensibles de Nice, il se fait remarquer pour ses prêches salafistes. "Blade" devient "Frère Omsen". Il finit par se rendre en Syrie en juillet 2013, en passant par le Sénégal et la Tunisie. "Charismatique, il avait un vrai ascendant sur les petits jeunes du quartier Bon-Voyage, assure à l'Obs un membre du renseignement antiterroriste. Une aura qui tenait plus à celle des grands frères des cités qu'à celle d'un savant de l'islam. D'ailleurs, il ne parle même pas arabe." Lors de cette interview, accordée à la chaîne arabe Al Jazeera depuis la Syrie, et diffusée en décembre 2014, c'est en français qu'il s'exprime.
"Si une personne me dit : 'Omar, je voudrais rentrer en France', je vais lui dire que retourner en terre de mécréance est interdit par Allah, car c'est une humiliation", explique alors le recruteur depuis la Syrie. C'est la première fois qu'il apparaissait à visage découvert. Après avoir simulé sa mort pendant près de dix mois, comme il l'affirme, le voilà qui réapparaît donc devant la caméra de France 2.
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