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Permis de chasser, port d'arme, déclaration : on a défriché pour vous la législation sur les armes en France

Les plus de cinq millions de Français chasseurs, tireurs sportifs ou collectionneurs vont devoir déclarer en ligne les armes qu'ils possèdent. Une façon de mieux les tracer, mais aussi de simplifier leurs démarches, tant la règlementation en la matière est complexe.

Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
 

Louise et Julien se sont levés tôt, ce matin-là. Il pleut un peu sur la forêt de Fontainebleau, mais pour rien au monde les deux jumeaux n'auraient raté leur partie de chasse mensuelle. Armand, leur père, promène son vieux fusil dans les fougères et ronchonne, perdu dans ses pensées : il n'a jamais vraiment possédé de permis de chasse et cela le préoccupe, d'autant qu'une jeune femme a été tuée par une balle perdue dans le Cantal, et qu'il pourrait bien être contrôlé.

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Armand se console, car c'est un jour particulier pour Louise, qui vient tout juste d'avoir 16 ans : son oncle Jean lui a offert la carabine de ses rêves. Contrairement à sa sœur, Julien n'aime pas les armes à feu, mais nourrit cependant une passion pour les arbalètes. Aussi, il a ramené la sienne. Après une courte pause, les trois compères s'enfoncent dans la forêt. Au détour d'une clairière surgissent les gendarmes, accompagnés du garde-champêtre. L'épopée du trio se termine au commissariat. Que s'est-il passé ?

Louise, Julien, Armand et Jean n'existent pas vraiment. Leur partie de chasse non plus. Les règlementations en matière d'armes et de chasse, elles, sont bien réelles. franceinfo remonte le fil pour vous les expliquer, alors que la mort d'une jeune femme de 25 ans tuée par une balle perdue dans le Cantal a replacé la chasse et l'usage des armes en France en général, au coeur de l'actualité.

Pour chasser, il faut un permis de chasse

Pour chasser, et donc se promener avec un fusil, Armand doit pouvoir présenter un permis de chasse. L’examen du permis de chasser, ouvert à tous les plus de 16 ans, est organisé par l’Office français de la biodiversité en collaboration avec les Fédérations départementales des chasseurs. Avant de se présenter à l’examen, le candidat doit suivre une formation dispensée par l'une de ces fédérations. L’épreuve se déroule sur une seule journée et comprend des exercices pratiques suivi de questions théoriques. En cas de réussite à l’examen, le titre permanent du permis de chasser est remis au candidat à l’issue de l’examen. Avant 16 ans, le mineur peut chasser accompagné d’un majeur titulaire d’un permis de chasser depuis au moins cinq ans. Il partage son arme avec son parrain pendant la partie de chasse et n’est jamais seul. Il n’y a pas de limite d’âge pour chasser, à condition de pouvoir fournir un certificat médical.

Depuis 2021, les chasseurs doivent faire une remise à niveau tous les dix ans. Cela consiste en une formation d'une demi-journée pendant laquelle ils révisent notamment la règlementation en vigueur. Comme l'obligation de signaler une chasse en cours à l'aide de panneaux. Les dates à laquelle la chasse est autorisée diffèrent selon les départements : un arrêté préfectoral fixe les dates d'ouverture. Il est alors permis de chasser tous les jours, y compris les week-ends. La France est d'ailleurs le seul pays européen où, sauf exception locale (et le plus souvent temporaire), il n’existe pas de jours non-chassés.

Les armes à feu doivent être déclarées

Outre un permis de chasse valide, Armand, notre chasseur, aurait par ailleurs dû déclarer son arme sur la nouvelle plate-forme gouvernementale, ce qu'il n'a pas fait. Les gendarmes fermeront les yeux cette fois-ci, mais ont tout de même emporté son fusil. Louise, qui n'avait pas non plus déclaré sa carabine, achetée par l'oncle Jean il y a bien longtemps, s'en tire avec un long sermon. Pas de chance pour Julien : comme en Allemagne et la plupart des pays de l'Union européenne, la chasse à l'arbalète est interdite en France, contrairement à la chasse à l'arc. Il a cependant plaidé son ignorance devant les militaires, qui lui ont rappelé que nul n'est censé ignorer la loi.

En matière d'armes, pourtant, la législation est à tout le moins... touffue. Tentons un défrichage. On compte en France quelque 5,4 millions d'armes à feu déclarées, et donc légales : on les retrouve dans les armoires des quatre millions de chasseurs que compte l'Hexagone, ainsi qu'aux tireurs sportifs, biathlètes, pratiquants de ball-trap et collectionneurs d'armes.

Et cette année, la loi change : à partir du 8 février 2022, les chasseurs doivent déclarer leurs armes sur une plate forme informatisée, le Système d'information sur les armes (SIA). Les détenteurs d'armes ont un an et demi pour se mettre en règle. Au cours du semestre 2022, l’ensemble des détenteurs particuliers (c'est à dire les licenciés de la fédération française de ball-trap, de ski et de tir sportif, ainsi que les collectionneurs) ainsi qu’aux détenteurs d’armes non licenciés (les anciens licenciés des fédérations de tir sportif, de ball-trap et de ski, ou encore ceux qui ont hérité d'une arme, ou qui en auraient trouvé une fortuitement). Outre ces armes déclarées, des chercheurs indépendants de l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève avait estimé en 2018 à 7,3 millions le nombre d’armes détenues illégalement en France en 2017.

Trois critères définissent la dangerosité d'une arme

Dans l'absolu, n'importe qui, s'il est majeur, peut s'acheter une arme : tout dépend en fait de la nature de cette dernière. C'est un peu compliqué, mais pas tant que cela. Les armes sont classées en quatre catégories en fonction de leur dangerosité, qui est appréciée en fonction de trois critères : son caractère dissimulable (un revolver se cache mieux qu'un fusil de chasse), sa capacité de tir sans rechargement de munitions et la répétabilité du tir (une arme qui ne peut tirer qu'un coup à la fois est moins dangereuse que celle qui permet le tir en rafale). Les règles d'achat, de port, de transport et de détention de l'arme varient selon sa catégorie.

Les armes de catégorie A sont ainsi interdites aux particuliers, sauf dérogation, par exemple pour un biathlète qui participe à une compétition. Il s'agit des armes à feu de poing, des armes à répétition automatique ou semi-automatiques (c'est à dire qui permettent le tir en rafale), ainsi que leurs munitions. Ou encore, un peu au-delà de notre sujet, celles utilisées par les militaires ou les forces de l'ordre. La liste est longue : les armes avec rayon laser, canons, lance-roquettes, torpilles, missiles, grenades, mines. Mais aussi les navires de guerre, les engins nucléaires, certains moyens de cryptologie, les accumulateurs d'électricité pour sous-marins, certains matériels de visée ou de vision nocturne.

Les armes de catégorie B sont soumises à autorisation : on y retrouve les armes de poing, certains fusils, et certaines armes de tir sportif. Systématiquement classé en catégorie B, une arme de poing, comme un pistolet, nécessitera toujours une autorisation d'acquisition et de détention d'arme pour être achetée. L'autorisation, délivrée après enquête par le préfet par exemple pour l'exercice du tir en compétition ou au regard du risque professionnel encouru par celui qui la demande, est valable 5 ans, renouvelables. Une fois l'autorisation notifiée, la personne a trois mois pour acquérir une arme, après quoi elle expire. Les pièces à verser sont nombreuses. Parmi elles : un certificat médical de moins d'un mois, un justificatif d'installation conforme à son domicile, comme une armoire forte pour ranger son arme, une licence de tir, un avis favorable de la Fédération française de tir lié à une pratique régulière. Il s'agit d'une autorisation de détention, et d'utilisation dans un contexte précis : celui de la compétition, mais pas d'un permis permanent de porter une arme. Le ministre de l'Intérieur peut être saisi d'une telle demande, dans le cas par exemple d'une personne dont la vie est menacée, mais ces permis ne sont accordés que très rarement et seuls quelques dizaines de Français en bénéficient.

Les armes de chasse doivent être rangées dans un coffre

La catégorie C, elle, regroupe les fusils de chasse, les armes destinées aux stands de tir, certaines armes de collection et certaines répliques d'armes. Les armes de cette catégorie doivent, elles aussi, être déclarées en ligne, et doivent être conservées en sécurité, par exemple dans un coffre-fort ou une armoire forte. Pour acquérir une arme de la catégorie C, plusieurs conditions : être majeur, ne pas être inscrit au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, présenter un bulletin n°2 du casier judiciaire ne comportant pas de condamnations pour "meurtre, assassinat, tortures ou actes de barbarie, violences volontaires, viol ou agressions sexuelles, trafic de stupéfiants"..., ne pas se signaler par un comportement laissant "objectivement craindre une utilisation de l'arme dangereuse pour soi-même ou pour autrui", présenter un certificat médical datant de moins d'un mois ou un permis de chasser ou une licence de tir ou de ball-trap valide. Ces armes ne peuvent être transportée à bord d'un véhicule que déchargées, démontées ou placées sous étui.

On retrouve aussi certaines armes de collection dans cette catégorie : avec un permis ou une licence de tir, il est légal de les acquérir. Faute de l'un ou de l'autre de ces deux documents, la/le féru(e) de vieilles armes devra demander à la préfecture une carte de collectionneur et déclarer les armes qu'il possède. Notons que cette carte permet l'achat d'armes de catégorie C, mais pas leurs munitions.

Enfin, les armes de catégorie D sont en vente libre et non soumises à déclaration. On trouvera, dans cette catégorie, pêle-mêle : l'arbalète de Julien, les arcs, les pistolets à billes,  les poignards, couteaux de chasse, matraques, canne-épée, les sprays lacrymogènes ou incapacitants d'une capacité inférieure ou égale à 100 ml, les armes à impulsion électrique, les matraques électriques ou les poings électriques, comme les "knucklers" ou autres "shockers" (sauf le Taser, interdit aux particuliers). Ou encore les armes conçues pour le tir de munitions à blanc, les armes à gaz ou de signalisation, les lanceurs de paint-ball, les carabines à air comprimé "dont le projectile est propulsé avec une énergie à la bouche comprise entre 2 et 20 joules", ainsi que les armes historiques et de collection dont le modèle est antérieur à 1900, sauf si elle est dangereuse.

Il est interdit de porter sur soi une bombe lacrymogène

La pluie s'est arrêtée de tomber. Notre petite bande imaginaire, penaude mais bien décidée à oublier ses mésaventures, a poursuivi sa promenade. Quelques kilomètres plus tard, vers midi, sur la place du marché, ils ont retrouvé Charlotte, leur vieille tante d'Ardèche, venue les visiter pour l'automne. Petite et frêle, elle a vu a la télévision qu'en ville, les rues n'étaient pas sûres, aussi a-t-elle caché dans son sac, entre sa vieille radio portable et son portefeuille en velours rouge, un spray d'auto-défense au poivre et son petit Opinel, pour pouvoir se libérer si elle était séquestrée.

Charlotte est dans l'illégalité : la loi française interdit en effet de porter sur soi ou de transporter dans le coffre de sa voiture une arme en vente libre sans motif légitime (avoir par exemple la certitude que l'on va faire l'objet d'une agression) ou professionnel (exercer la profession de veilleur de nuit ou d'agent de sécurité). Le cas échéant, il faudra pouvoir expliquer aux forces de l'ordre ou au juge pourquoi son transport ou son port s'imposait, à peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Cela comprend les sprays lacrymogènes, petits couteaux et autres matraques... et tous leurs petits cousins de catégorie D.

Pour les armes "dont le projectile est propulsé de manière non pyrotechnique avec une énergie à la bouche comprise entre 2 et 20 joules" (par exemple une carabine à plomb), l'amende est ramenée à 750 euros. Qu'entendre par motif légitime ? Le juge appréciera au cas par cas, en fonction du contexte et des circonstances. Si la loi interdit le port de tous types de couteaux, considérés comme arme blanche, les tribunaux semblent afficher une forme de tolérance pour les couteaux dits de loisir, l'appréciation étant laissée aux forces de l'ordre. Avec un sourire, Charlotte pourra donc peut-être espérer garder dans son sac et son spray, et son Opinel.

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