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Qui était Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat à Nice ?

Les premiers éléments de l'enquête dessine le portrait d'un mari "violent", sportif et "dragueur" mais aussi d'un petit délinquant venu de Tunisie, bien "intégré"et sans lien avec la religion.

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Une copie du permis de séjour de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, diffusée par la police de 15 juillet 2016. (AFP)

Trois jours après l'attentat au camion qui a fait 84 morts à Nice, sur la promenade des Anglais, la nuit du 14-Juillet, le profil de l'auteur de l'attaque se précise. Voici ce que l'on sait, dimanche 17 juillet, de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.

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Un chauffeur-livreur tunisien bien "intégré" à Nice

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est né le 3 janvier 1985 à Msaken, dans la banlieue de Sousse, en Tunisie. Mais depuis que ce Tunisien s'était installé à Nice, sa famille en Tunisie n'avait presque plus de contact avec lui. "Quand il est parti en France nous ne savions plus rien de lui", a assuré son père, Mohamed Mondher Lahouaiej-Bouhlel.

A Nice, le trentenaire était "un homme assez ordinaire, arrivé de Tunisie il y a quelques années, selon un voisin, cité par France Info. Il était chauffeur-livreur et venait d'obtenir depuis moins d'un an son permis poids lourd." Une dizaine de voisins, interrogés par l'AFP, l'ont décrit comme "solitaire" et "silencieux".

L'immeuble où vivait Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat au camion, à Nice (Alpes-Maritimes) le 15 juillet 2016. (MAXPPP)

Une de ses connaissances "depuis quelques mois", un jeune homme de 22 ans placé en garde à vue depuis samedi matin, fait pourtant de lui un autre portrait, selon son avocat, joint par l'AFP. D'après lui, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel "était intégré" et "connaissait beaucoup de monde". L'avocat suggère que son client et le tueur  fréquentaient "le même café".

Un père de trois enfants, en instance de divorce, "violent" et "dragueur"

Mohamed Lahouaiej-Boulhel, père de trois enfants, était en instance de divorce avec sa femme, assure Walid, un ami d'enfance de cette dernière, interrogé par LibérationL'homme est accusé d'avoir été violent avec elle. "Il battait sa femme et celle-ci avait même porté plainte contre lui pour coups et blessures", affirme Walid. "Sa femme nous avait parlé des violences dont elle était victime de sa part, abonde une voisine dans les colonnes du Parisien. Des violences verbales mais aussi physiques."

La porte d'entrée du domicile de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat au camion,  à Nice (Alpes-Maritimes) le 15 juillet 2016. (MAXPPP)

Dans la petite salle de sport du centre de Nice que fréquentait jusqu'à il y a deux ans environ Mohamed Lahouaiej Bouhlel, les abonnés se souviennent d'un "frimeur", un "dragueur", a raconté un témoin à l'AFP. "Limite, il était lourd", quand il tentait de séduire des femmes, rapporte ce témoin.

Présenté comme "quelqu'un qui venait faire du sport pour faire le beau" et qui "dessinait son corps pour plaire", le tueur au camion s'adonnait surtout à des séances de musculation. Selon un autre témoin de cette salle de sport, cité par Nice-Matin, le trentenaire "prenait pas mal de trucs pour se muscler, il se piquait avec des stéroïdes anabolisants, pour la gonflette".

Un homme qui avait fait "une dépression"

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel souffrait de "problèmes psychologiques" selon sa sœur, Rabeb Bouhlel, interrogée par Reuters. "Nous avons remis à la police des documents qui prouvent qu'il a consulté des psychologues pendant plusieurs années", a-t-elle ajouté.

"De 2002 à 2004, il a eu des problèmes qui ont provoqué une dépression nerveuse, a précisé son pèreIl devenait colérique, il criait, il cassait tout ce qu'il trouvait devant lui." Sa famille l'avait alors emmené chez le médecin, qui lui avait prescrit des médicaments pour lutter contre ces crises nerveuses.

Chemceddine Hamouda, un psychologue qui l'avait rencontré en 2004, a expliqué à L'Express que le tueur présentait à l'époque un "début de psychose". "Il souffrait d'une altération de la réalité, du discernement et de troubles du comportement, a-t-il indiqué. En plus d'avoir décroché scolairement, il avait des problèmes avec son corps, il ne se sentait pas très beau et ressentait le besoin de faire de la musculation."

"Il n'y avait rien dans son comportement qui laissait présager un tel massacre", selon le psychologue. "Une telle violence nécessite forcément un endoctrinement, un délire de radicalisation en parallèle de ses problèmes psychologiques, a-t-il ajouté. Ce n'est pas l'acte d'un fou, c'est un acte prémédité et exécuté. Il y a forcément eu une préparation mentale."

Un petit délinquant, connu de la police mais pas du renseignement

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n'était pas connu des services antiterroristes et n'avait jamais été signalé pour radicalisation. "Il ne s'était pas distingué, au cours des années passées, soit par des condamnations soit par son activité, par une adhésion à l'idéologie islamiste radicale", a précisé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, samedi 16 juillet.

Le tueur était toutefois connu des services de police pour des faits de petite délinquance. Il avait fait l'objet d'un contrôle judiciaire, après une bagarre l'ayant opposé à un automobiliste, au mois de janvier. "On voit bien que la gravité des faits n'a rien à voir avec ce qui lui est aujourd'hui reproché, son intensité, a déclaré le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, invité de RTL. Son passé pénal n'annonce en rien les actes dont il est aujourd'hui accusé."

Une photo d'identité non datée de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat au camion à Nice (Alpes-Maritimes) le 14 juillet 2016. (POLICE NATIONALE / AFP)

Son avocat commis d'office au moment des faits, Corentin Delobel, abonde. "Quand je l'ai défendu en mars, il n'avait pas de problème psychologique apparent, et il n'avait pas l'air d'un radicalisé, a-t-il expliqué à francetv info. Il n'avait ni le look du 'barbu' très religieux ni le profil d'un tueur de masse. Il ressemblait au petit criminel de droit commun, avec un petit casier."

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n'avait toutefois "rien d'agréable à défendre". "il n'était pas du tout respectueux des policiers ou de la justice, précise son ancien avocat. Il était très calme, nonchalant, désinvolte. Rien ne semblait pouvoir l'atteindre."

Un homme sans lien avec la religion, "radicalisé très rapidement"

Selon Mohamed Mondher Lahouaiej-Bouhlel, son fils n'avait "aucun lien avec la religion""Il ne faisait pas la prière, il ne jeûnait pas, il buvait de l'alcool, il se droguait même", a-t-il raconté. Interrogé par France Info, un voisin de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel évoque quant à lui "un homme "pas très religieux".

"Il semble que" Mohamed Lahouaiej-Bouhlel "se soit radicalisé très rapidement, a affirmé Bernard Cazeneuve. "En tous les cas, ce sont les premiers éléments qui apparaissent à travers les témoignages de son entourage." Les auditions par les enquêteurs de ses proches et de ses connaissances "sembleraient aller dans le sens d'un basculement récent vers l'islam radical", mais le groupe Etat islamique "n'est pas à ce stade mentionné", a précisé une source policière à l'AFP.

Aucun document de propagande jihadiste n'a été retrouvé à l'intérieur du camion qu'il a utilisé pour commettre son attaque. Mais il était toutefois "en relation avec des personnes elles-mêmes en contact avec des islamistes radicaux", a affirmé une source proche du dossier à l'AFP. "Mais à ce stade des investigations, cela ne prouve rien" quant à d'éventuelles complicités. 

Une vue de l'appartement de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat au camion, à Nice (Alpes-Maritimes) le 15 juillet 2016. (MAXPPP)

Le parquet antiterroriste de Paris a néanmoins ouvert une enquête pour assassinat et tentative d'assassinat en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste. L'exploitation du matériel informatique saisi lors de perquisitions menées aux deux adresses connues du chauffeur devrait permettre d'en savoir plus sur les raisons de son passage à l'acte. 

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