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Attentat de Nice : l'impossible jour d'après

La circulation est autorisée à reprendre, mardi 19 juillet à Nice, sur la promenade des Anglais mais les plaies sont toujours ouvertes après l’attentat qui a causé la mort de 84 personnes le 14-Juillet.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Duclos, envoyée spéciale à Nice.
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Deux personnes regardent les hommages déposés pour les victimes de l'attentat de Nice (Alpes-Maritimes), le 18 juillet 2016, sur la promenade des Anglais. (VALERY HACHE / AFP)

Il ne reste déjà plus beaucoup de places en terrasse, et de nombreux touristes flânent dans les rues. Au premier étage d’un immeuble face à la Prom’, de la musique résonne et des jeunes gens fument au balcon. Au premier abord, un soir d’été classique. Mais pour les Niçois, le jour d’après semble encore loin alors que la ville reprend une allure estivale. Dans la nuit du lundi au mardi 19 juillet, les fleurs et les mots d'intention ont été déplacés de la chaussée vers le trottoir lors d’une chaîne humaine afin que la promenade des Anglais soit de nouveau ouverte à la circulation. Cette portion de la route était fermée depuis l’attentat au camion qui a causé la mort d’au moins 84 personnes le 14 juillet 2016

Isabelle est venue avec sa fille pour déplacer les nombreuses peluches, bougies et dessins d’enfants sur un trottoir de la promenade, face à la mer et au jardin Albert 1er. Elle n’était pas présente lors de l’attentat, "et pourtant, Dieu sait que l’on va voir le feu d’artifice chaque année". Les bras encombrés, Isabelle regarde avec émotion le lieu de commémoration improvisé qui se vide, "mais je comprends qu’on ne pouvait pas bloquer éternellement le tronçon".

"Je reviens ici tous les soirs"

Reprendre une vie normale ? Impossible pour cette fonctionnaire de police niçoise. Si toute sa famille est saine et sauve, "on a perdu un collègue, le commissaire Emmanuel Grout et ma fille a perdu son professeur de mathématique… " En attendant, cette mère de famille se recueille régulièrement, en silence, sur les lieux du drame. Ils sont nombreux, comme elle et comme Didier, à avoir été présents lors de l’attentat sur la Prom' et à revenir "tous les soirs ici", explique le quarantenaire.

Un peu plus loin sur la Prom’, un concert improvisé se termine. Une large foule entoure les musiciens. Après une reprise au jembé de No Diggity, le groupe enchaîne avec du Mickael Jackson. "Heal the world, make it a better place, for you and for me and the entire human race", la chanson aurait pu sembler ringarde, mais le refrain est repris en cœur par tous. Au milieu du cercle, des fleurs ont été déposées et une petite fille danse toute seule. Leia a 18 ans et est à l’origine de l’initiative. "On se demandait quoi faire avec mon copain, on n'arrivait pas à en parler ensemble le lendemain, on n’arrivait pas à exprimer nos émotions, donc on s’est dit qu’on pourrait les transmettre à notre façon." Cela passera par la musique donc. Pendant qu'elle parle, de nombreuses personnes viennent la voir et la remercie : "Vous nous avez fait du bien ce soir."

"Le méchant est mort"

A côté, Abdul traîne avec Tony et son cousin. Les trois adolescents écoutent le concert d’un air nonchalant et assis sur des chaises. "Mais on a pas le droit d’être là, nos mères ne veulent plus qu’on aille en ville, confie Tony. Nos parents, ils ont trop peur que ça recommence." Mais Abdul, lui, ne croit pas que ça recommencera. Les lycéens essayent plutôt de préserver leurs habitudes. Ils n'ont pas voulu participer à la chaîne humaine. "Ca fait une semaine qu’on ne parle que de ça, même sur Facebook ou Snapchat, tous nos potes se partagent des vidéos de la scène." Alors ils essayent tant bien que mal d’échapper au drame. "Mais on a parlé que de ça toute la soirée." En cause ? "On a entendu trop de propos racistes en marchant." En attendant, ils continuent d'avoir les yeux rivés sur leurs smartphones. "Mais tu n’as pas vu cette vidéo sur Youtube ? Apparemment, il avait une kalachnikov sur lui."

A quelques mètres d'eux, un cercle s’est créé autour d’un tas de détritus. C’est l’endroit où Mohamed Lahouaiej Bouhlel est mort. "Crachez dessus", "mettez-y le feu", la tension est forte parmi les habitants. Des agents municipaux finissent par arriver pour ramasser les ordures. "Papa, pourquoi ils veulent mettre le feu ?", demande un petit garçon, circonspect. "Parce que le méchant est mort", répond son père. En éloignant au plus vite la poussette.

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