Témoignage "C'est la 200e fois que je me fais contrôler par la police" : Abdoulaye dénonce des contrôles au faciès "arbitraires"

Trois mois après les émeutes qui ont embrasé plusieurs villes de France après la mort du jeune Nahel, le Conseil d’État, saisi par six associations, se penche sur la question sensible du contrôle d'identité au faciès.
Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié Mis à jour
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Une voiture de police, à Paris (photo d'illustration). (XOSE BOUZAS / MAXPPP)

Ça lui a fait "péter un plomb". Abdoulaye a craqué un 1er avril 2022 face à quatre policiers du 16e arrondissement à Paris. "C'est la 200ᵉ fois que je me fais contrôler par la police, il y en a ras-le-bol, je me fais tout le temps contrôler, tout le temps !", peut-on entendre sur la vidéo du contrôle, filmé par lui-même. Trois mois après les émeutes liées à la mort du jeune Nahel, le Conseil d’État se penche sur la question sensible du contrôle d'identité au faciès.

>> Mort de Nahel : "Il y a urgence à tracer les contrôles d'identité", affirme la Défenseure des droits

S'appuyant sur de nombreux témoignages, comme celui d'Abdoulaye, six associations, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ont saisi la plus haute juridiction administrative française pour imposer à l’État de changer ses pratiques en matière de contrôle de police, comme modifier le code de procédure pénale ou imposer par exemple un récépissé.

"Il ne doit pas y avoir deux France dans un seul pays"

La colère d'Abdoulaye, sans violence physique, a valu à cet homme noir de 37 ans, 2 400 euros d’amende pour outrage sur personnes dépositaire de l’ordre public. Il dénonce "le côté arbitraire" et la répétition de ces "contrôles au faciès"

"J'ai des amis blancs de 30 ans, 35 ans, qui me disent qu'ils n'ont jamais été contrôlés par la police."

Abdoulaye

à franceinfo

Aujourd’hui, Abdoulaye reste convaincu que c’est bien la couleur de sa peau, son look et une forme de profilage ethnique, qui ont décidé les fonctionnaires à le choisir ce jour-là parmi le flux des autres automobilistes. "Dans un centre commercial où l'on va quelque part et qu'au milieu de la foule, on vous arrête, on vous met sur le côté, on vous fouille. Après vous posez la question 'Pourquoi vous me contrôlez ?' et on vous répond 'Ne posez pas de questions, c'est comme ça !'. Il faut que ça change parce qu'il ne doit pas y avoir deux France dans un seul pays."

Abdoulaye dit avoir vécu près de 200 contrôles d’identité qu’il estime au faciès, depuis son enfance. Cette information est impossible à vérifier puisqu’en France, les forces de l’ordre ne délivrent pas de récépissés aux personnes qu’elles contrôlent sur la voie publique.

La France déjà condamnée plusieurs fois

Le président de la République, Emmanuel Macron, avait reconnu le 4 décembre 2020 l'existence des contrôles au faciès, après le tabassage du producteur de musique noir Michel Zecler, provoquant l'ire des syndicats policiers. 

Plusieurs fois, ces dernières années, la France a été condamnée sur ce sujet : en juin 2021 par la Cour d'appel de Paris ou encore en 2016 par la Cour de cassation, qui avait pour la première fois condamné définitivement l'Etat pour des contrôles dits "au faciès". Dans un rapport daté de 2017, le Défenseur des droits avait conclu qu'un jeune homme "perçu comme noir ou arabe" avait vingt fois plus de chances d'être contrôlé que le reste de la population.

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