Mort de Wanys à Aubervilliers : quelles sont les versions qui s'opposent après la collision du scooter avec une voiture de police ?

Article rédigé par Clara Lainé, Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un agent nettoie la chaussée, le 14 mars 2024, à l'endroit où a eu lieu la collision entre un scooter et une voiture de police, à Aubervillers (Seine-Saint-Denis). (WAFAA ESSALHI / AFP)
Le 13 mars au soir, des policiers de la brigade anticriminalité ont percuté deux jeunes hommes à scooter à Aubervilliers. Le conducteur du deux-roues a été tué. La scène a été filmée par des caméras de vidéosurveillance.

Des images chocs, interprétées de façons différentes. Huit jours après la course-poursuite à l'issue tragique, les circonstances exactes dans lesquelles un scooter est entré en collision avec une voiture de police à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) restent à déterminer. Le conducteur du scooter, Wanys R., âgé de 18 ans, est mort peu après les faits. Son passager, Ibrahim H., âgé de 19 ans, a été grièvement blessé. Le scooter a-t-il été percuté volontairement, comme le soutient ce dernier ? Ou bien s'agit-il d'un accident, comme l'affirment les policiers ? L'enquête se poursuit alors qu'une marche blanche en hommage à Wanys R. est organisée jeudi 21 mars, à 17 heures, à La Courneuve, où le jeune homme habitait. Des images révélées par France 2 deux jours après la collision éclairent une partie des faits, dont chaque partie déroule sa version. 

Ce que l'on voit sur les images

La collision entre le scooter conduit par Wanys R. a été filmée par les caméras de vidéosurveillance de la ville d'Aubervilliers. Sur ces images, révélées par France 2, on voit le deux-roues avancer sur la chaussée. Sur la voie en sens inverse, un taxi, garé sur la droite, démarre. Immédiatement, la voiture située derrière le taxi déboîte pour doubler. Une poignée de secondes plus tard, elle percute de plein fouet le scooter, qui s'encastre dans le véhicule. Projeté sur un camion, qui porte des traces impressionnantes de l'impact, Wanys R. succombe à ses blessures peu après. Blessé, Ibrahim H. est traîné sur le trottoir par des policiers, selon d'autres images que France 2 s'est procurées.

Les images montrent que ce véhicule n'est pas muni de gyrophare, bien qu'il transporte un équipage de la brigade anticriminalité (BAC). Les policiers et le parquet de Bobigny, qui a donné une chronologie des faits dès le lendemain de la collision, affirment que Wanys R. et Ibrahim H. ont refusé un contrôle de police quelques minutes plus tôt. Ils ont ensuite pris la fuite, "en commettant de multiples infractions au Code de la route", écrit le procureur de la République dans un communiqué. Contacté, le parquet de Bobigny précise que c'est ce refus d'obtempérer qui a motivé une demande de renfort à la BAC.

Ce qu'en dit le passager du scooter

Pour Ibrahim H., ça ne fait aucun doute : la manœuvre des policiers de la BAC était volontaire. Interrogé par téléphone par France 3 Ile-de-France, il raconte avoir d'abord été "poursuivi par une équipe de la Courneuve", puis par une "deuxième équipe qui a essayé de nous renverser", sans y parvenir. Il précise qu'une fois arrivés à Aubervilliers, "ceux qui nous ont renversés n'avaient pas de gyro". Surtout, le jeune homme de 19 ans assure avoir entendu les policiers se réjouir d'avoir "réussi leur coup". "Ils étaient fous de joie", insiste-t-il. Ibrahim dit aussi se souvenir qu'ils se sont demandés "s'il n'y avait pas de caméra autour". "Quand ils ont vu que j'étais conscient et que j'avais entendu, alors ils m'ont tapé ou essayé de m'étouffer pour que je me rendorme", rapporte-t-il.

Des propos appuyés par son avocat, Yassine Bouzrou, qui représente également la famille de Wanys R. "La vidéo montre que c'est le véhicule de police qui fait une embardée et qui percute à contresens et volontairement le scooter", estime-t-il dans un communiqué. L'avocat a ainsi déposé deux plaintes pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et "violences volontaires aggravées", que le parquet de Bobigny dit ne pas avoir encore reçues. Dans la plainte, consultée par franceinfo, Yassine Bouzrou écrit que "les policiers se sont félicités, immédiatement après les faits, d'avoir percuté les deux jeunes qui ont pourtant été projetés à plusieurs mètres de l'impact".

Ce qu'affirment les policiers

A contrario, Jérôme Andrei, l'avocat des deux policiers situés à l'avant du véhicule, considère qu'il s'agit "évidemment" d'un accident : "On voit bien sur la vidéo la manœuvre d'évitement urgence, qu'ils se déportent pour éviter la collision avec le taxi", défend-il, contacté par franceinfo. Il assure que les informations diffusées sur les ondes avant que la collision ne se produise laissaient penser que le scooter recherché se trouvait à un autre endroit, "carrément dans une autre avenue".

Selon lui, les fonctionnaires de la brigade anticriminalité "n'ont compris qu'après l'accident qu'ils avaient renversé le scooter concerné". "Mes clients sont dévastés par le fait que l'accident ait causé la mort d'un jeune homme", ajoute-t-il, avant d'inviter les regards à se tourner ailleurs que vers les policiers pour comprendre les origines du drame. "Je pense que le plus responsable, c'est le taxi qui coupe la route, car c'est lui qui provoque tout ça", avance Jérôme Andrei, sans savoir si le conducteur de ce véhicule a déjà été auditionné par l'IGPN.

Deux enquêtes sont en cours. L'une pour homicide et blessures involontaires, qui vise les policiers, est menée par l'IGPN, la "police des polices". L'autre, ouverte pour refus d'obtempérer aggravé, est confiée au service du traitement judiciaire des accidents. Les diverses auditions, y compris de témoins, doivent permettre de préciser ce qui s'est exactement passé.

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