Rouen : cinq questions sur les débris d'amiante retrouvés à proximité de l'usine Lubrizol
Des habitants ont mis ces morceaux sous scellés pour qu'ils puissent être analysés. La préfecture recommande de ne pas y toucher.
Une matière "filandreuse", "filamentée", comme tombée du ciel. Une semaine après l'incendie de l'usine Lubrizol, plusieurs habitants de Rouen ont retrouvé des débris d'amiante sur leur terrain. Certaines maisons sont pourtant situées à près de trois kilomètres du site ravagé par les flammes, jeudi 26 septembre.
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D'où viennent ces morceaux ? Que recommandent les autorités ? Est-ce dangereux pour la santé ? Franceinfo fait le point.
1Où les débris d'amiante ont-ils été retrouvés ?
Le journaliste Hugo Clément a relayé sur Twitter, mercredi 2 octobre, des images de morceaux de fibrociment retrouvés par des particuliers dans leur jardin. Il les a immédiatement placés sous scellés pour les faire analyser. "Dans son compte rendu d'analyse, le directeur du laboratoire signale 'un échantillon très chargé en fibre d'amiante'", précise le journaliste, qui travaille notamment pour France 2. Il s'agit d'amiante du type chrysotile, amosite et crocidolite.
Résultats sans appel : les débris contiennent de l’amiante, de trois types : chrisotile, amosite et crocidolite. Dans son compte rendu d’analyse, le directeur du laboratoire signale « un échantillon très chargé en fibre d’amiante ». pic.twitter.com/iX8ksHdBJ4
— Hugo Clément (@hugoclement) October 2, 2019
Ce n'est pas le seul cas : un huissier de Rouen, que nos confrères de France 2 ont interrogé, en est déjà à sa dixième constatation depuis le lendemain de l’incendie. Christophe Chavoutier a, par exemple, été appelé par Stéphane Holé, un habitant de Mont-Saint-Aignan, qui a découvert plusieurs débris sur sa pelouse."Ça ressemble à de la fibre d'amiante, des toits en amiante qui sont fibrés. Ça ressemble aux images qu’on a vu du toit de l'usine", décrit-il. Les analyses sont en cours. Stéphane Holé, dont la maison se situe pourtant à un peu moins de 3 km de l'usine incendiée, songe à porter plainte.
2D'où viennent ces débris ?
Très certainement des toits de l'entreprise partis en fumée. Des analyses sont en cours pour le confirmer. Selon des habitués de l'usine, que France Bleu a interrogés, 8 000 mètres carrés du site étaient en effet équipés en fibrociment, un matériau reconnu pour ses qualités isolantes mais qui contient de l'amiante. "Les premiers indices sont concordants. Mais il faudrait comparer les morceaux encore présents sur le site et ceux retrouvés chez les particuliers pour y voir plus clair", explique un spécialiste du désamiantage, contacté par franceinfo.
Les morceaux repérés mesurent entre deux et dix centimètres environ. Mais difficile pour le moment d'avoir une idée précise de la quantité d'amiante qui s'est envolée dans l'atmosphère. "Avec le vent et la force thermique développée par la chaleur, c'est possible que les débris se soient promenés, même à trois kilomètres, continue le spécialiste. Mais là aussi, des analyses sont indispensables pour l'assurer avec force. Il faudrait modéliser leur mouvement avec les données de Météo France."
3Est-ce que c'est dangereux ?
Tout dépend de la quantité. Après une première série de relevés, la direction générale de l'environnement avait précisé, mardi 1er octobre, qu'il n'y avait "pas de risque lié à l'amiante". Les résultats "n'ont révélé que des concentrations en fibre inférieures à 3 fibres par litre d'air", peut-on lire dans un communiqué mis en ligne sur le site de la préfecture. Le Code de la santé publique imposant un seuil de concentration en fibre d'amiante fixée à 5 fibres d'amiante par litre d'air (f/L), "il n'y a donc pas d'anomalie en l'espèce." Pas de risques pour la santé donc, à condition de ne pas y toucher.
Néanmoins, ce qui inquiète les associations environnementales, c'est que la préfecture a affirmé que "le retour d'expérience sur ce genre de sinistre (…) montre que le risque de dispersion de fibres est limité par l’effondrement rapide de la toiture"... avant même de connaître les résultats de ces mesures concernant la teneur en amiante de l'air. Un excès de confiance qui a fait bondir l'Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) qui dénonce "une contre-vérité manifeste". "Portées à très haute température, les plaques de toitures éclatent et libèrent des milliards de fibres d'amiante dans l'air surchauffé, décrit son secrétaire national dans Bastamag. Avec la chaleur, ces fibres montent et peuvent être dispersées très loin. Le préfet ne peut ignorer ces données élémentaires !"
4Quels sont les risques pour la santé ?
Le caractère cancérogène de l'amiante a été établi dès les années 1950. "De 400 à 500 fois moins épaisses qu’un cheveu, les fibres d'amiante sont invisibles dans les poussières de l’atmosphère", décrit l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Le vrai problème, c'est que "l'amiante est extrêmement volatil", "il est très facile d'en inhaler si on reste au contact", expliquait Audrey Petiteau, ingénieure prévention des risques à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans une enquête sur les déchets amiantés réalisée par franceinfo. Ces fibres peuvent se déposer dans nos poumons et provoquer des maladies du système respiratoire. Certaines sont assez bénignes (plaques pleurales), d’autres sont bien plus graves (cancer du poumon, de la plèvre ou fibroses).
Le problème se pose particulièrement pour les pompiers qui sont intervenus sur le site de Lubrizol, poursuit Bastamag. Notamment "lorsqu'ils ont fini leur travail et retirent leurs équipements. Ils ne sont plus protégés et peuvent alors respirer des fibres d’amiante", peut-on lire. Une étude de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales publiée en mars 2017 rend compte d'un fort risque "amiante et CMR (produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques)" chez les pompiers.
5Comment les autorités s'adaptent-elles ?
Les autorités invitent à la prudence face à ce type de débris et recommandent de ne pas y toucher. Dans un premier temps, quelques heures après le sinistre, le préfet avait annoncé le lancement d'un "programme de mesures de fibres dans l'air dans un rayon de 300 mètres autour du site". Ce périmètre avait été déterminé en prenant en compte les circonstances de la catastrophe, lors de laquelle "la quasi-totalité du toit s'est affaissée".
La préfecture de Seine-Maritime a fini par annoncer, mercredi 2 octobre dans la soirée, qu'elle allait procéder à de nouvelles analyses pour détecter d’éventuelles traces d’amiante dans un rayon élargi de 800 mètres autour de l'usine. En attendant, un numéro vert pour répondre aux questions a été mis en place par le gouvernement (0 800 009 785). ll est disponible sept jours sur sept, de 8 heures à 20 heures "jusqu'à la fin de la crise".
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