Mort du petit Emile : quatre questions qui restent au cœur de l'enquête après la conférence de presse du procureur

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Luc Blachon (au centre), procureur de la République d'Aix-en-Provence, lors d'une conférence de presse à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 2 avril 2024. (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)
L'aspect des os du crâne de l'enfant retrouvé samedi "ne permet pas de dire quelle est la cause de sa mort", a affirmé mardi le magistrat. Jean-Luc Blachon a précisé qu'"aucun traumatisme ante-mortem n'a été observé".

La conférence de presse du procureur d'Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon, était très attendue, mardi 2 avril, trois jours après la découverte du crâne du petit Emile, à proximité du hameau du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence). Mais les espoirs d'avoir enfin des réponses à ce qui a pu arriver au petit garçon de 2 ans et demi, dont la famille était sans nouvelles depuis le 8 juillet, se sont rapidement envolés. "Ces seuls os ne permettent pas de dire quelle est la cause de la mort d'Emile", a affirmé le magistrat. L'enquête se poursuit, alors qu'"entre la chute, l'homicide involontaire et le meurtre, on ne peut privilégier aucune hypothèse". 

Jean-Luc Blachon a toutefois fait une révélation importante : les vêtements qu'Emile portait lors de sa disparition ont été retrouvés "à proximité du crâne" : "un tee-shirt, ses chaussures et une culotte, éparpillés sur quelques dizaines de mètres". Malgré cette découverte notable, plusieurs questions restent en suspens. Franceinfo revient sur quatre d'entre elles.

Pourquoi le crâne n'a-t-il pas été retrouvé au moment des battues ? 

Alors que la porte-parole de la gendarmerie, Marie-Laure Pezant a expliqué, lundi sur franceinfo, qu'il n'existait qu'une "chance infime" que les enquêteurs soient passés à côté du corps lors des recherches menées immédiatement après la disparition de l'enfant, ce n'est pas ce qu'a assuré le procureur d'Aix-en-Provence le lendemain lors de sa conférence de presse. "Si le lieu de la découverte du crâne d'Emile est bien situé dans le périmètre des recherches des premiers jours, je ne peux affirmer aujourd'hui que chaque mètre carré a été foulé par un membre de l'équipe de recherche", a précisé le magistrat. 

"Pendant la deuxième phase de recherches, entre le 23 et le 25 juillet 2023, ont été employés des drones et des chiens de recherche de cadavres dont je peux dire avec certitude qu'eux, n'ont pas couvert la zone dans laquelle les ossements d'Emile ont été retrouvés le 30 mars dernier", a par ailleurs reconnu Jean-Luc Blachon. Le magistrat a rappelé qu'il s'agissait d'un périmètre "très végétalisé" en été. 

Il s'agit d'un "petit corps", souligne pour sa part Laurent Fanton, directeur de l'institut médicolégal de Lyon, interrogé par franceinfo. Les "pièces osseuses de petite taille peuvent se mélanger avec les végétaux, surtout l'été, où la végétation est dense", observe-t-il. 

Le corps a-t-il pu être déplacé ?

L'objectif pour les enquêteurs est de déterminer si les restes de la dépouille de l'enfant qui ont été retrouvés se trouvaient bien à cet endroit au moment de sa disparition. "Nous ne pouvons affirmer si le corps d'Emile était d'ores et déjà présent dans la zone de découverte", a souligné le procureur d'Aix-en-Provence.  

Les enquêteurs essaient de vérifier si "ces ossements ont pu être ramenés plus tard, soit par une personne, soit par un animal, qui aurait pris un os et qui l'aurait amené sur le site, soit peut-être par un bouleversement du terrain, dû aux intempéries", a détaillé lundi la porte-parole de la gendarmerie nationale. 

"Il faut analyser la manière dont sont dispersés les ossements dans l'endroit où ils ont été retrouvés", ajoute de son côté le médecin-légiste Laurent Fanton, assurant qu'il s'agira d'un "élément très important" pour savoir si la dépouille a, ou non, pu être bougée. "Si l’enfant a été victime de traumatisme au niveau des os (une fracture notamment), ces traumatismes pourront sans doute être mis en évidence", souligne-t-il. 

Un élément important a été apporté par le procureur d'Aix-en-Provence : "Aucun trauma ante-mortem n'a été observé" sur le crâne de l'enfant. Celui-ci présente toutefois "de petites fractures et fissures post-mortem", selon les premières analyses des gendarmes de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale de Pontoise, en région parisienne. 

Jean-Luc Blachon a également noté l'absence d'un maxillaire "sans que l'on puisse savoir s'il s'est détaché naturellement ou sous la force d'une traction". De plus, l'aspect des os permet d'affirmer "qu'ils n'ont pas été enfouis mais exposés longtemps aux variations météorologiques"

Emile a-t-il pu atteindre seul le lieu où les ossements ont été trouvés ?

A ce stade, l'hypothèse n'est pas écartée par les enquêteurs. "Emile a pu se perdre", a notamment déclaré samedi la porte-parole de la gendarmerie. Les ossements ont été retrouvés sur un chemin escarpé, au sud-est du hameau du Haut-Vernet, près d'un sentier de randonnée.

Le lieu où le crâne du petit garçon a été retrouvé "peut être rejoint à partir du bas du village, à pied, en 25 minutes à marche d'homme. Il ne présente pas de difficulté majeure, si ce n'est que dans le sous-bois le terrain est de part et d'autre très pentu", a détaillé le procureur.

En répondant aux questions des journalistes, Jean-Luc Blachon a précisé que la découverte avait eu lieu à "1,6 kilomètre, à vol d'oiseau" du domicile des grands-parents d'Emile, soit "un peu plus de 2 kilomètres à pied". D'un point de vue purement physique, il ne semble pas impossible qu'un enfant de l'âge d'Emile puisse marcher un kilomètre seul. Mais toutes les autres pistes restent "encore à explorer", a tenu à rappeler Marie-Laure Pezant lundi. 

Que sait-on sur les circonstances de la découverte des ossements par la randonneuse ?

La randonneuse a ramassé le crâne et les dents du petit Emile, "entre 12 heures et 14 heures" samedi, avant de les déposer à la gendarmerie de la Seyne-les-Alpes, située à vingt minutes de la zone, a précisé le procureur. L'absence de réseau l'a empêchée de prévenir les autorités par téléphone. La colonelle Marie-Laure Pezant a parlé ces derniers jours d'une découverte "fortuite". 

Les gestes de la promeneuse ne paraissent pas avoir contaminé la scène et empiété sur le travail des enquêteurs. Pour Christian Doutremepuich, biologiste spécialisé en identification par empreintes génétiques, il suffit de pratiquer une discrimination : "L'enquêteur va récupérer le profil ADN de la promeneuse en faisant un prélèvement buccal et établir une comparaison entre les résultats obtenus sur l'objet et la dame". Ainsi, "cet ADN est protégé", il ne sera pas source de contamination. Du reste, ce n'est pas la surface de l'os, mais l'intérieur de l'os qui est étudié, toujours selon Christian Doutremepuich. 

L'enquête sera "longue" et "complexe", avait prévenu dimanche le procureur d'Aix-en-Provence dans un entretien accordé à l'AFP. Elle "va se poursuivre avec la même intensité, sur le terrain, et sur le plan criminalistique car les éléments retrouvés n'ont pas fini d'être analysés", a-t-il ajouté mardi, reconnaissant que "ce n'est satisfaisant pour personne : ni pour la famille, ni pour les enquêteurs, ni pour les juges d'instruction".

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