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Affaire Estelle Mouzin : après l'ADN, "la juge attend des retours d'analyse" d'autres "éléments" pour confronter le couple Fourniret, indique le père de la victime

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Article rédigé par franceinfo
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"La présence de l'ADN et d'autres éléments matériels qui sont en cours de clarification devraient permettre de confirmer l'implication du couple" formé à l'époque par Michel Fourniret et Monique Olivier "dans l'enlèvement et l'assassinat d'Estelle" a affirmé sur franceinfo le père de la victime. 

Depuis 17 ans Éric Mouzin se bat pour connaître la vérité sur la disparition de sa fille Estelle, le 9 janvier 2003 à Guermantes, en Seine-et-Marne. Monique Olivier, l'ex-femme de Michel Fourniret l'accuse d'avoir kidnappé, séquestré, violé, la petite fille. Des traces ADN partielles d'Estelle Mouzin ont été retrouvées à deux endroits différents sur un matelas saisi dans l'ancienne maison de la sœur de Michel Fourniret à Ville-sur-Lumes, dans les Ardennes. "La juge attend le retour des analyses de certains éléments", a révélé vendredi 4 septembre sur franceinfo Éric Mouzin. "Je pense qu'elle va confronter le couple à ces éléments-là pour essayer de leur faire préciser à la fois la chronologie et l'implication des deux intervenants dans la disparition d'Estelle."

franceinfo : Est-ce qu'on approche de la fin ? Qu'est-ce qu'il manque ? Des aveux de Michel Fourniret ?

Éric Mouzin : La juge Sabine Kheris a pratiquement la démonstration de l'implication du couple. On parle toujours de lui [Michel Fourniret] mais je pense qu'il vaut mieux parler du couple [qu'il formait à l'époque avec Monique Olivier] parce que leur fonctionnement les associe vraiment dans leurs actions criminelles. Michel Fourniret formule rarement des aveux de façon explicite et intelligible. Ce sont toujours des phrases à double négation et compliquées à déchiffrer. Il manque le corps, mais la présence de l'ADN et d'autres éléments matériels qui sont en cours de clarification devraient permettre de confirmer l'implication du couple dans l'enlèvement et l'assassinat d'Estelle. La juge nous a reçus en début de semaine. Elle attend le retour des analyses de certains éléments. Je pense qu'elle va confronter le couple à ces éléments-là pour essayer de leur faire préciser à la fois la chronologie et l'implication des deux intervenants dans la disparition d'Estelle.

Avez-vous déjà parlé en face à face avec Michel Fourniret ?

Non, il me l'a proposé dans un courrier que j'ai reçu il y a très longtemps. Il voulait me parler les yeux dans les yeux ou de père à père, je ne sais plus. Cette demande était formulée au milieu de tout un charabia incompréhensible et il n'a pas été donné suite à l'époque. Quand j'ai reçu cette demande-là je n'étais pas en mesure d'apprécier la perversité et la dangerosité de cet individu qui ne cherche qu'à détruire les gens. Récemment il a refusé de descendre d'un camion pendant les recherches et il a dit qu'il ne descendrait que quand 'le père' viendrait lui parler. Le père monte sans préparation, sans filtre et sans assistance et il est détruit.

C'est un pervers à la puissance dix. Les psychiatres qui l'ont interrogé disent que ça défie l'imagination. Si vous êtes confronté à cette personne et que vous n'êtes pas préparé, il y a de fortes chances que vous soyez détruit. C'est ce qu'il veut.

Éric Mouzin

à franceinfo

Je crois que je ne lui dirais rien. Lui parler c'est lui conférer une sorte de pouvoir. Malheureusement il l'a déjà.

Michel Fourniret a 78 ans. L'un de ses avocats dit qu'il s'abime en détention, qu'il a des pertes de mémoire. C'est une course contre la montre aujourd'hui pour retrouver le corps de votre fille ?

Oui parce qu'effectivement son état de santé se dégrade et il peut en jouer. Que son état de santé soit réellement dégradé ou qu'il le sur-présente comme dégradé, dans tous les cas de figure il va chercher à utiliser consciemment ou inconsciemment cette situation-là pour retarder le moment où il nous amènera jusqu'au corps. Éventuellement parce qu'il peut continuer à ne pas vouloir le faire et continuer à pourrir la situation. Il veut être le maître de tout ce dossier.

Le nom de Michel Fourniret a été prononcé six mois après la disparition de votre fille. Vous avez régulièrement estimé que cela pouvait être lui, vous n'avez pas été écouté. Beaucoup de temps a été perdu ?

Beaucoup c'est un euphémisme. Quand les enquêteurs belges après qu'ils ont obtenu les aveux du couple en 2004 disent qu'on a quelque chose de grave et de sérieux, personne ne semble vouloir prendre en considération cette information-là. Au procès de Charleville-Mézières, on commence quand même à découvrir l'ampleur et les mécanismes qui sont mis en place par ce couple. Il n'y a pas de suite donnée. 

À plusieurs reprises, il a demandé à me rencontrer, à être jugé pour le dossier Parrish, Domece, Mouzin. Quelqu'un comme ça ne donne pas ce genre d'information juste pour le plaisir d'être dans la lumière. Cela a un sens.

Éric Mouzin

Ce sens n'a jamais été décrypté. Il y a des tas d'informations qui sont remontées et qui n'ont jamais été exploitées.

Durant ces 17 ans de combat, avez-vous eu envie de baisser les bras ? De tout arrêter ?

Non, mais c'est vrai que quand la cour de cassation a refusé la demande du transfert du dossier de Meaux à Paris, là, le moral n'était pas au plus beau. On avait la conviction et la démonstration que le dossier ne pouvait plus évoluer puisqu'il y avait une perte de confiance entre le juge de Meaux et le service d'enquête de Versailles. C'est tellement énorme de comprendre que sa fille a été enlevée comme ça. Tout ce qu'elle a pu subir on ne le sait pas, on peut l'imaginer. Mais l'imaginer ce n'est pas la peine, des souffrances il y en a assez comme ça. J'ai mes enfants à qui je dois rendre des comptes, il y a les enfants de Dominique qui vivent à la maison et qui sont régulièrement impactés par ça. La vie de la cellule familiale, même un peu élargie est plombée par ça en permanence. On est toujours dans l'attente. Il y a une vie à côté de ça, on fait tout pour qu'il y ait une vie, mais régulièrement on est renvoyé à ça et on n'a pas la réponse.

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