Elections sénatoriales 2023 : majorité, droite, gauche, RN... Quels sont les attentes et les espoirs de chaque camp pour ce scrutin ?

Lancés dans la dernière ligne droite avant les élections du 24 septembre, les partis affinent leurs objectifs. Mais le scrutin ne devrait pas modifier les équilibres politiques actuels à la chambre haute du Parlement.
Article rédigé par Laure Cometti
France Télévisions
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La moitié des sièges du Sénat sera renouvelée le 24 septembre 2023, soit 170 sièges dans une quarantaine de départements. (STEPHANE MOUCHMOUCHE / HANS LUCAS / AFP)

"On ne s'attend pas à une révolution", euphémise-t-on chez les Verts, quand on ironise à droite sur "un scrutin au suspense insoutenable". Les élections sénatoriales version 2023, dont la campagne est entrée dans la dernière ligne droite, ne devraient pas déroger à la tradition de stabilité qui marque habituellement ce scrutin. Le 24 septembre, près de la moitié du Sénat (170 sièges sur 348) doivent être renouvelés. Pour ce scrutin au suffrage indirect, les citoyens ne sont pas appelés aux urnes : seuls votent les grands électeurs, désignés pour l'essentiel au sein des conseils municipaux.

La droite a toujours dominé au sein du palais du Luxembourg, à l'exception d'une parenthèse socialiste de 2011 à 2014, et la prochaine échéance ne devrait pas changer la donne. Pour autant, aucun parti ne néglige cette élection aux multiples enjeux, quelques semaines avant les débats parlementaires sur le budget et l'immigration. L'élection est également un bon test pour la solidité des coalitions, à gauche et dans la majorité.

La droite compte rester la première force dans l'hémicycle

Forts de 145 élus, Les Républicains se montrent sereins. Leur nombre de sièges ne devrait que très peu évoluer, tout comme celui de leurs alliés de l'Union centriste (57 sièges). A eux deux, ils devraient donc conserver la majorité à la chambre haute. "Nos perspectives oscillent entre une perte de cinq sièges ou un gain de deux sièges chez LR, et une perte de quatre sièges ou un gain de trois chez les centristes", calcule le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi. A Paris, LR pourrait perdre au moins un siège en raison de dissidences : plusieurs listes de droite sont en lice, face à une liste d'union de la gauche. 

Des changements minimes, qui ne devraient pas empêcher le sénateur des Yvelines Gérard Larcher d'être élu président du Sénat pour la cinquième fois, le 2 octobre. "Comme l'Assemblée est très divisée, le poids du Sénat est d'autant plus important", insiste Roger Karoutchi. Pour la droite, l'enjeu est de conserver sa mainmise sur plusieurs postes clés de l'institution : présidence, vice-présidences, questure et présidences des commissions. "Il ne devrait pas y avoir de changement à ce niveau, la répartition des postes est la même depuis 2017. C'est crucial pour la droite de rester majoritaire en commission mixte paritaire", poursuit le sénateur. Cet organe, décisif en cas de désaccord entre l'Assemblée et le Sénat, a par exemple été amenée à trancher à propos de la réforme des retraites en mars. 

A gauche, l'objectif des 100 sièges

Neuf sièges, c'est ce qu'il manque à la gauche pour atteindre la barre symbolique des 100 sénateurs. Les socialistes (64 sièges actuellement), les communistes (15) et les écologistes (12) sont partis unis dans une quinzaine de départements, dont l'Isère et Paris. Les écologistes comptent gagner trois à quatre élus et se sont aussi fixé pour objectif de "féminiser leur groupe". "Ce serait une belle victoire, car peu de groupes vont progresser", souligne Olivier Bertrand, en charge des élections au bureau exécutif d'Europe Ecologie-Les Verts.

Au PS, on vise des sièges en Seine-Saint-Denis, dans le Pas-de-Calais et à Paris. Quant aux communistes, ils jouent gros, avec plus des deux tiers de leurs sièges renouvelables (11 sur 15), et quelques municipalités perdues en 2020, soit autant de grands électeurs en moins. "Je ferai tout pour qu'il y ait un groupe communiste [au moins 10 sénateurs] au mois de septembre", a néanmoins assuré à Public Sénat la sénatrice Eliane Assassi, qui ne se représente pas.

Côté stratégie, la gauche veut nationaliser ce scrutin territorial. "C'est la première élection depuis la réforme imposée des retraites", note Pierre Jouvet, porte-parole du PS, qui mise "sur le mécontentement des maires, en première ligne sur des sujets que l'exécutif ne traite pas, comme l'inflation de la rentrée scolaire" ou les difficultés financières des collectivités. Les partis de gauche espèrent en profiter pour renforcer leur place au sein de ce contre-pouvoir, aussi surnommé "la chambre des territoires". 

La France insoumise, fâchée de ne pas avoir été associée à l'accord PS-PCF-EELV, a accusé les trois partis d'"enterrer la Nupes pour les sénatoriales" et décidé de présenter ses candidats dans plusieurs départements, notamment le Maine-et-Loire, la Manche et les Pyrénées-Atlantiques. Mais alors que LFI compte, de loin, le plus de députés au sein de la coalition de gauche à l'Assemblée, ses chances d'entrer au Sénat avec des listes autonomes sont très faibles, étant donné le peu d'élus locaux qui y sont affiliés. 

Peu d'ambitions au sein d'une majorité présidentielle divisée

Pour la majorité présidentielle, ce scrutin s'annonce délicat, faute de bons résultats aux précédentes élections municipales. "On n'a pas d'ancrage territorial suffisant, et puis il y a des listes dissidentes, par exemple dans la circonscription des Français de l'étranger", soupire Anne Genetet, députée des Français établis hors de France. Les discussions avec les alliés MoDem et Horizons ont beau avoir duré plusieurs mois, elles n'ont pas débouché sur un accord national. Les troupes d'Emmanuel Macron, de François Bayrou et d'Edouard Philippe font donc campagne séparément dans quelques départements, comme les Hauts-de-Seine ou le Nord, avec le risque d'une dispersion des voix des grands électeurs.

Grâce à des listes d'union présentées dans la plupart des circonscriptions, les macronistes devraient néanmoins limiter la casse. Ce sera indispensable pour maintenir leur groupe autour des 24 élus actuels, objectif que s'est fixé son président, François Patriat. Edouard Philippe, qui s'est déplacé personnellement pour soutenir certains candidats Horizons, espère pour sa part gagner des sièges pour affirmer son identité à la chambre haute, où les cinq sénateurs de son mouvement sont intégrés au groupe Les Indépendants (14 sièges). Comme Horizons, le MoDem n'a que cinq sénateurs actuellement, qui siègent dans le groupe Union centriste, allié avec la droite.

Le RN pourrait entrer au palais du Luxembourg

L'extrême droite est ultra-minoritaire au Sénat et le Rassemblement national ne peut espérer y faire la même percée historique qu'à l'Assemblée (89 députés élus en juin 2022), surtout après ses résultats décevant aux dernières élections municipales. Mais il ambitionne de remporter quatre à cinq sièges, notamment dans le Pas-de-Calais, le Nord et la Moselle. Insuffisant pour atteindre la barre des dix sénateurs requise pour créer un groupe, mais cela renforcerait tout de même la stratégie de "crédibilisation", espère-t-on au sein du parti, qui a perdu son seul sénateur en 2022 après le ralliement de Stéphane Ravier au parti d'Eric Zemmour.

"Grâce à l'exemple qu'on donne à l'Assemblée nationale, on a rassuré beaucoup d'élus locaux", veut croire Julien Odoul, porte-parole du RN. Malgré ses espoirs modestes, le mouvement de Marine Le Pen mène une campagne active et ne compte pas enjamber ce scrutin. "Chaque élection est importante et nous apporte un peu plus de crédit, en vue de 2027", ajoute le porte-parole du parti.

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