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Rentrée politique : accélérer la campagne, lancer la primaire, choisir un candidat... Quels sont les enjeux pour les différents partis ?

La première université d'été de cette fin août, celle d'EELV, débute aujourd'hui à Poitiers. L'occasion de faire le tour des enjeux de cette rentrée politique, la dernière avant la présidentielle d'avril 2022.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Le secrétaire national d'EELV, Julien Bayou, lors de la campagne des élections régionales, le 20 juin 2021, à Paris.  (LUCAS BARIOULET / AFP)

L'heure de la rentrée politique a sonné. Dans une ambiance encore estivale, la deuxième quinzaine d'août voit traditionnellement fleurir les "campus" et les "universités d'été". Celle d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) s'ouvre ainsi jeudi 19 août à Poitiers (Vienne). A cette occasion, franceinfo passe en revue les enjeux de cette rentrée politique pas comme les autres pour les différentes formations politiques, à huit mois de l'élection présidentielle d'avril 2022. 

Pour EELV, lancer la primaire

C'est le premier parti à donner rendez-vous à ses élus et à ses militants. EELV tient ses journées d'été de jeudi à samedi, à Poitiers. Une ville remportée, lors des élections municipales de 2020, par l'écologiste Léonore Moncond'huy. Au programme : des rencontres, des dédicaces et des ateliers sur les thèmes chers aux écologistes, à commencer par l'urgence climatique. Mais ces journées d'été serviront surtout de base de lancement aux primaires écologistes, dont le premier tour se déroulera du 16 au 19 septembre, le second devant se tenir du 25 au 28 septembre.

Pour EELV, il s'agit de départager les cinq candidats en lice : la députée Delphine Batho, l'eurodéputé Yannick Jadot, le maire de Grenoble, Eric Piolle, l'ancienne numéro 2 d'Europe Ecologie-Les Verts Sandrine Rousseau et le coprésident de Cap écologie, Jean-Marc Governatori. "L'enjeu pour les Verts, c'est de populariser les primaires", souligne le professeur de sciences politiques à l'université de Lille 2 Rémi Lefebvre.

"Populariser les primaires écologistes est un enjeu d'autant plus important qu'il s'agit de primaires ouvertes, qui s'adressent à un public large."

Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques

à franceinfo

Les possibles alliés d'EELV sont prévenus : en 2022, les écologistes ne renonceront pas au premier tour. Dans une interview publiée dimanche 15 août dans Le Journal du dimanche, Yannick Jadot avertit déjà le PS : s'il est désigné à la primaire d'EELV, il est "inenvisageable" pour lui de se désister en faveur du candidat socialiste, comme il l'avait fait en 2017. "Oui, on aura une candidature écologiste, on ne va pas se désister et on proposera à d'autres forces syndicales ou politiques une alliance", confirme à franceinfo le secrétaire national d'EELV, Julien Bayou. Avant d'ajouter : "Quand la droite est infoutue de se retrouver dans un même lieu et que LREM n'a pas d'idée, nous, nous sommes le seul parti en ordre de marche."

Pour LFI ou le PCF, accélérer la campagne

A gauche, d'autres mouvements sont nettement plus avancés : La France insoumise (LFI) comme le Parti communiste (PCF) ou le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ont déjà désigné leur candidat à la présidentielle. Les universités d'été leur servent de tribune pour accélérer leur campagne et donner de l'écho à leurs thématiques favorites.

Entre un concert des Fatal Picards et un film de François Ruffin, les Amfis 2021, le campus d'été de LFI, permettront à Jean-Luc Mélenchon de mettre en lumière son programme pour 2022, "mis à jour" par rapport à celui de 2017. Le candidat conclura la manifestation, qui se tient du 26 au 29 août à Châteauneuf-sur-Isère, dans la Drôme, par un discours tourné vers la présidentielle. 

Le PCF tiendra son université d'été du 27 au 29 août à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). En point d'orgue le 28 août à midi, l'allocution de son candidat pour 2022, Fabien Roussel, qui a passé l'été à sillonner les côtes méditerranéenne et atlantique dans une caravane aux couleurs flashy. Plus à gauche, le NPA ouvre son université d'été à Port-Leucate (Aude) le 22 août, pour quatre jours, avec en point d'orgue le meeting de lancement de la campagne de Philippe Poutou. Son rival, Lutte Ouvrière, a déjà tenu une "journée festive" en juin à Presles (Val-d'Oise), avec sa candidate, Nathalie Arthaud.

Pour LR, départager les prétendants 

A droite, la rentrée s'annonce infiniment plus compliquée pour Les Républicains (LR), pourtant grands gagnants (avec le PS) des élections régionales de juin, à la faveur toutefois d'une abstention historique de près de 67%. Car l'ancien parti de Nicolas Sarkozy et de Jacques Chirac n'a pas encore réussi à désigner son candidat pour 2022. 

Ils sont pourtant nombreux à se bousculer au portillon. Le maire LR de La Baule (Loire-Atlantique), Franck Louvrier, qui accueille d'ailleurs dans sa ville l'université d'été de son parti le 28 août, en cite quelques-uns à franceinfo. "Michel Barnier, Philippe Juvin, Bruno Retailleau ... On aura tout le monde à La Baule !" Avant d'admettre toutefois que "certains souhaitent faire leur rentrée seuls". Un euphémisme, surtout si l'on prend en compte d'anciens grands élus du parti qui s'en sont désormais affranchis.

Candidat déclaré depuis mars, le président réélu de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ex-LR, mène ainsi sa campagne en solitaire et refuse tout net de participer à une primaire. Egalement candidate pour 2022, mais ouverte à une primaire, la présidente de l'Ile-de-France, Valérie Pécresse, elle aussi ex-LR, réunit son mouvement, Libres !, à Brive, en Corrèze, le 28 août. Soit le même jour que le rendez-vous de La Baule. Pour pimenter le tout, le président LR de la région Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, pourrait également se déclarer lors de sa rituelle ascension du mont Mezenc, en Haute-Loire, le 29 août, à en croire Le Parisien.

La direction de LR s'est fixée pour objectif de mettre au point un processus de sélection le 25 septembre, si les potentiels candidats de droite ne s'entendent pas d'ici là. Mais Frank Louvrier, opposé à la primaire, se veut optimiste. "Je suis pour celui qui s'impose. La présidentielle sous la Ve République, c'est la rencontre d'un candidat et des Français. A un moment, il y a bien un candidat qui va sortir du lot et s'imposer dans l'opinion !"

Pour le PS, se faire une place dans la course

La situation est à peine plus claire au Parti socialiste, qui organise son université d'été à Blois (Loir-et-Cher) du 27 au 29 août. Le rendez-vous tient du hors-d'œuvre avant le congrès qui se déroulera les 18 et 19 septembre à Villeurbanne, près de Lyon, dans l'optique de la présidentielle. Dopé par son relatif succès aux régionales, où il a conservé cinq régions dans l'Hexagone, le PS n'entend pas s'effacer au premier tour au profit des écologistes. Selon Libération, le premier secrétaire, Olivier Faure, souhaite propulser comme candidate en 2022 la maire de Paris, Anne Hidalgo, et la proposition sera soumise au vote au congrès du parti.

D'ici cette échéance et toujours selon Libération, l'ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, pourtant officiellement retiré de la vie politique, doit annoncer le 4 septembre qu'il se lancera lui aussi dans la course à l'Elysée. Pour épicer encore l'ambiance, Stéphane Le Foll, autre ancien ministre PS, s'est également dit prêt à se lancer, dimanche 18 juillet, et a souhaité une primaire au sein du PS. Sans guère être entendu, semble-t-il.

Pour le RN, rendre sa candidate plus crédible

A l'extrême droite, le Rassemblement national (RN) devrait se réunir à Fréjus (Var) en septembre, dans la ville où le maire RN, David Rachline, a été réélu en 2020. La patronne du parti, Marine Le Pen, est candidate de longue date à la présidentielle de 2022. Elle a confirmé sa candidature deux ans et demi avant l'échéance, lors de ses vœux à la presse en janvier 2020, rappelle Le Monde.

L'objectif du parti consiste désormais à renforcer l'image de sa candidate. Notamment sur les questions économiques, où elle reste "moins crédible" aux yeux de l'opinion que le chef de l'Etat, probable candidat à sa succession, note le directeur général d'Ipsos, Brice Teinturier, sollicité par franceinfo.

"En juin, l'insécurité et la délinquance étaient, dans nos enquêtes, la préoccupation dominante des Français, et l'immigration arrivait en troisième position. La prégnance de ces enjeux reste un élément favorable à Marine Le Pen."

Brice Teinturier, directeur général d'Ipsos

à franceinfo

Les enquêtes d'opinion donnent toujours, pour l'heure, Marine Le Pen qualifiée pour le second tour, pointe Brice Teinturier. Celle-ci est néanmoins systématiquement donnée perdante dans les enquêtes d'opinion portant sur le second tour de la présidentielle. Elle y serait opposée, dans l'hypothèse la plus souvent retenue, à Emmanuel Macron.

Pour LREM, défendre le bilan d'Emmanuel Macron

Au sein de la majorité présidentielle, les rendez-vous ne sont fixés qu'à l'automne. La République en marche (LREM) organise son campus les 2 et 3 octobre à Avignon (Vaucluse) et le MoDem tient son université du 24 au 26 septembre à Guidel (Morbihan). Sans surprise, l'objectif est de défendre l'action de l'exécutif, en attendant qu'Emmanuel Macron se déclare officiellement candidat. "Il s'agira de montrer que la majorité est rassemblée et en ordre de marche pour défendre le bilan d'Emmanuel Macron, explique à franceinfo Stanislas Guerini, le délégué général de LREM. Ce sera un campus de mobilisation et de rassemblement."

Mais quelle place le chef de l'Etat va-t-il accorder à LREM, dans le dispositif de sa future campagne ? Un espace limité, selon le communicant et professeur à Sciences Po Philippe Moreau-Chevrolet.

"Emmanuel Macron mise tout sur son rapport direct avec des électeurs, et sur le fait qu'aucun concurrent sérieux ne pourra émerger avant l'élection de mai 2022. Il n'a aucun besoin de LREM, qui en réalité pourrait le ralentir, et faire écran dans son rapport au peuple."

Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po

à franceinfo

Le président "avait une chance durant son quinquennat de créer une machine électorale implantée localement, avec des cadres reconnus et puissants, des 'barons' locaux", mais il a "délibérément fait le choix de ne pas développer LREM", estime Philippe Moreau-Chevrolet. "C'est le caractère le plus populiste d'Emmanuel Macron : son refus de toute organisation structurée au profit d'un rapport direct avec les électeurs"juge-t-il encore. 

"Les universités d'été lancent la rentrée, mais sans enjeux très forts. Ces manifestations ont perdu de leur centralité, observe Rémi Lefebvre. Elles avaient beaucoup plus d'impact quand les deux vieux partis qu'étaient le PS et LR étaient dominants. Les partis politiques sont un peu 'has been', ils ne structurent plus."

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