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"La campagne présidentielle a été sabordée par l'entêtement de François Fillon" : Jean-Michel Aphatie a répondu à vos questions sur l'élection d'Emmanuel Macron

Le journaliste politique a répondu aux internautes de franceinfo, lundi, au lendemain de l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Michel Aphatie en 2016 (Radio France / CHRISTOPHE ABRAMOWITZ)

Quel avenir pour la France après l'élection d'Emmanuel Macron ? Une majorité est-elle possible aux législatives ? Que va devenir le Front national ? Au lendemain de la victoire d'Emmanuel Macron à l'élection présidentielle, le journaliste politique de franceinfo, Jean-Michel Aphatie, a répondu aux questions des internautes de franceinfo, lundi 8 mai.

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@Gaetan : Est-ce grave qu'Emmanuel Macron ne dépasse pas la barre des 50% des inscrits ?

Jean-Michel Aphatie : Non, ce n'est pas grave parce que ce n'est pas le premier président de la République à être élu dans ces conditions. Emmanuel Macron recueille 20 millions de suffrages, quand François Hollande n'en recueillait que 18 millions il y a cinq ans.

@Pol : Macron pourra-t-il gouverner ? Est-ce la première fois que les législatives sont aussi incertaines ?

Oui, c'est la première fois que les législatives sont aussi incertaines. Il n'est pas du tout sûr qu'Emmanuel Macron dispose d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale [289 députés]. Mais s'il a le groupe de députés le plus important, il pourra débaucher quelques élus chez Les Républicains ou le PS pour obtenir une majorité.

@anonyme :  Emmanuel Macron va-t-il gouverner par ordonnance jusqu'aux legislatives ? Si oui, quelles pourraient-être ses premières mesures ?

Alors, les ordonnances ne devraient être utilisées que pour réformer le Code du travail. C'est ce qu'a dit Emmanuel Macron. Et les ordonnances devraient être prises durant les mois de juillet ou août. D'ici là, le président a annoncé un projet de loi de moralisation de la vie politique, mais qui prendra la forme d'une loi normale, pas d'une ordonnance.

@zozo : Bonjour Jean-Michel, qui Emmanuel Macron pourrait-il nommer Premier ministre ? Un jeune ou un "ancien" ?

Emmanuel Macron a déjà dit qu'il nommerait comme Premier ministre quelqu'un qui a eu une expérience gouvernementale. Jeune ou vieux ? Homme ou femme ? Pas plus de détails pour l'instant. Quant à un pronostic, on se préservera du ridicule en s'abstenant d'en faire !

@Anonyme : A quelle date saura-t-on qui est le Premier ministre de Macron ?

Si, comme c'est annoncé, la passation de pouvoir a lieu dimanche 14 mai, nous connaîtrons le Premier ministre dans les heures qui la suivent.

@Marie : Pour le FN, c'est une défaite mais aussi une victoire, non ? Marine Le Pen peut-elle gagner en 2022 ?

Pour le FN, c'est une victoire en nombre de votants : plus de 10 millions de voix. Du jamais-vu en France pour l'extrême droite. Pour Marine Le Pen, c'est une double défaite. D'abord, parce qu'elle visait les 40% au second tour et qu'elle en est loin. Ensuite, parce qu'elle a complètement loupé son débat face à Emmanuel Macron, ce qui a introduit un doute important sur sa présidentialité.

@Hakim : Comment expliquez-vous le sabordage volontaire de Marine Le Pen pendant le débat qu'il l'a opposée à Emmanuel Macron ?

Comme ce sabordage n'est pas rationnel – donc explicable – il faut se tourner vers l'irrationnel, qui n'est pas davantage explicable à cette étape. Il reviendra à la presse, dans les jours ou les semaines qui viennent, de raconter les conditions dans lesquelles Marine Le Pen a préparé ce débat et quels ont été les "mauvais génies" qui lui ont conseillé cette stratégie.

@anonyme : De quelle manière le FN peut-il se refonder ?

Le Front national devra répondre à une question de fond : persistera-t-il dans son projet de sortie de l'euro ? A une question d'organisation : doit-il se dépasser et abandonner son nom ? A une question de leadership : Marine Le Pen peut-elle continuer à le diriger après son échec ?

@Baronne : Pensez-vous que Marine Le Pen veuille "effacer" le nom du FN pour essayer d'en faire une chose qui fasse moins de peur aux Français ?

C'est le sentiment que l'on a eu hier soir en écoutant la présidente du FN. L'idée serait de mettre à la poubelle le nom imaginé par son père, mais les résistances risquent d'être nombreuses au sein même de ce parti.

@gaet : Cet échec pour le Front national risque-t-il de mettre sur le devant de la scène Marion Maréchal-Le Pen ? Et est-ce que Le Pen père peut empêcher la disparition du nom FN ?

Effectivement, le débat sera d'abord familial. Jean-Marie Le Pen a perdu en autorité, mais conserve un pouvoir d'empêchement ou de nuisance. Il peut le mettre au service de sa petite-fille, Marion, qui incarne déjà, pour beaucoup de dirigeants frontistes, l'avenir du courant national.

@Yanis T : Comment avez-vous trouvé cette campagne présidentielle ?

La campagne présidentielle a été sabordée par l'entêtement de François Fillon. Parfois, l'histoire s'écrit de manière hasardeuse et c'est particulièrement vrai pour cette élection présidentielle 2017.

François Fillon a perturbé le débat sur le fond et, finalement, gonflé le score d'Emmanuel Macron bien malgré lui.

Jean-Michel Aphatie

à franceinfo

@Jean89 :  Pensez-vous qu'il y ait eu "entente" entre Hollande et Macron pour ces élections et donc pour faire couler le PS ?

Une entente entre les deux est peu probable. Il semble bien que François Hollande ait été dépassé par l'ambition d'Emmanuel Macron. Mais il est aussi évident que quand le PS a sélectionné Benoît Hamon, alors le président de la République a penché pour son ancien collaborateur, sans avoir toutefois les moyens de l'aider vraiment dans le défi qu'il s'était lancé.

@Anonyme :  Les partis traditionnels (PS et LR) sont les grands perdants de cette élection. Peuvent-ils encore avoir un impact lors des législatives ? Comment comptent-ils reformer leurs troupes ?

Le Parti socialiste paraît détruit, coincé entre les "insoumis" et En marche !. Sa reconstruction sera difficile parce qu'il devra trancher entre le libéralisme et l'anti-libéralisme. Les Républicains sont plus solides. L'identité de ce parti demeure forte, tout comme sa puissance territoriale. Le problème des Républicains, c'est le leadership. Qui peut être leur chef ? Aujourd'hui, on ne le voit pas bien...

Et les frondeurs dans tout ça ?

Mon analyse est un peu extrême, mais... les frondeurs ont coulé le PS et ils ont coulé avec !

@Martine : Bonjour. Jean-Luc Mélenchon peut-il capitaliser sur ses 20% du premier tour pour les législatives ? Et quid des communistes ?

Ses 7 millions de voix lui donnent le sentiment d'être devenu le patron de la gauche. Or, son programme antilibéral et anti-européen ne le place pas spécialement au centre de la gauche française telle qu'elle a existé depuis François Mitterrand. 

Le risque pour Jean-Luc Mélenchon, c'est de demeurer inflexible et de dilapider, plus vite qu'il ne peut l'imaginer lui-même, le capital acquis lors du premier tour.

Jean-Michel Aphatie

à franceinfo

@albert : Ne pensez-vous pas que le départ de Hamon, Montebourg et Mélenchon clarifie le projet du PS ? Il lui permettra de repartir avec un noyau dur de sociaux-démocrates ?

Le courant social-démocrate est aujourd'hui incarné par Emmanuel Macron. Ceci pose la question suivante au PS : comment se distinguer de Macron sans sombrer dans la radicalité qu'incarne Jean-Luc Mélenchon ? Un gros travail en perspective...

@cestpartipour5ans : Pensez-vous que les députés PS vont suivre les mesures de Macron ou essaieront de les neutraliser ?

La réforme du Code du travail par ordonnance, telle que la prévoit Emmanuel Macron, risque de rebuter beaucoup de parlementaires socialistes. Ceci complique objectivement la constitution d'une majorité à l'Assemblée pour le futur président qui devra peut-être envisager, le moment venu, de renoncer à son projet d'ordonnances pour préserver sa capacité à gouverner.

@Anonyme : Quels moyens vont trouver les éléphants du PS et de LR pour rejoindre la "majorité présidentielle" ?

Ne devraient bénéficier de l'étiquette En marche ! que des candidats ayant rompu avec leur parti d'origine. C'est, pour l'instant, la doctrine d'Emmanuel Macron. La maintiendra-t-il jusqu'au bout ? Pas certain. Les déclarations des candidatures pour les législatives sont fixées au 19 mai à minuit.

@thibault : Combien de députés le Front national peut-il essayer d'avoir ?

Des projections – à prendre avec prudence – accordent une quarantaine de députés au FN. Dans tous les cas, le mode de scrutin des législatives handicape le Front national, qui n'a pas d'alliés et une présence relativement faible sur le terrain. Ceci peut faire de Marine Le Pen une opposante, mais pas l'opposante au gouvernement.

Peut-il y avoir une cohabitation avec le FN vainqueur des législatives ?

La victoire du FN aux législatives est très peu probable. L'absence d'alliés, l'implantation locale relative handicapent le FN.

Jean-Michel Aphatie

à franceinfo

La possibilité pour Emmanuel Macron d'obtenir une majorité relative de députés est la plus forte. Mais il ne faut pas écarter l'hypothèse où Les Républicains seraient dominants dans la future Assemblée, auquel cas nous pourrions connaître une situation de cohabitation. En clair, tout est trouble.

@anonyme : Comment expliquez-vous qu'il y ait eu tant de votes blancs, un record je crois...? Et faudrait-il le compter dans les suffrages exprimés ?

Compter le vote blanc dans les suffrages exprimés serait une erreur car ce serait encourager la pratique et affaiblir la démocratie. Il y a eu beaucoup de votes blancs cette fois-ci, parce que cette élection s'est révélée complexe et saugrenue. Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon a aiguillé volontairement beaucoup de ses électeurs vers ce choix.

@Anonyme : En quoi le vote blanc affaiblit-il la démocratie ? 

Comptabiliser le vote blanc reviendrait à désigner le vainqueur d'une élection avec moins de 50% des suffrages exprimés. Du coup, le titulaire du pouvoir n'aurait pas de légitimité pour agir. Cela reviendrait à acclimater dans les esprits la nécessité d'un pouvoir fort, ce qui, à terme, mettrait en péril la démocratie.

@meli-melo :  Nous dirigeons-nous vers une bipolarisation de la vie politique du type "mondialistes Vs patriotes", comme le souhaite Marine Le Pen, ou le clivage gauche-droite persistera-t-il dans notre pays avec peut-être quelques nuances à la suite de cette (drôle) d'élection ?

La bipolarisation "mondialistes vs patriotes" possède sa réalité. Mais elle aura du mal à émerger, parce qu'il existe une véritable incompatibilité entre patriotes d'extrême droite et patriotes de la gauche radicale.

@anonyme : Quelles sont selon vous, M. Aphatie, les mesures à mettre en place pour que les Français s'intéressent de nouveau à la politique et n'en soient plus déçus ?

Notons d'abord que la politique sait fabriquer de la confiance chez nos voisins. Hier, après douze ans de pouvoir, Angela Merkel a encore remporté une élection régionale. Et elle est candidate pour un quatrième mandat de chancelière. Chez nous, une telle longévité n'existe pas parce que le mensonge de ceux qui ont été élus a détruit la confiance des électeurs. Donc, si nous supprimons le mensonge, nous retrouverons la confiance, c'est aussi simple !

@anonyme : Que pensez-vous du "MacronLeaks" ? Merci et bonne journee

C'est un péril qui concerne toutes les démocraties. Nous devons réfléchir aux moyens permettant d'éviter les piratages informatiques qui ne sont pas que du vol et, parfois, du viol. Sans doute avons-nous été trop complaisants par le passé avec des personnages comme Julian Assange et Edward Snowden qui, au nom de la transparence, ont légitimité des pratiques qui relèvent de la voyoucratie.

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