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Municipales : "François Hollande est obligé de réagir"

Le politologue Bruno Cautres analyse pour francetv info les résultats du premier tour des municipales. Selon lui, l'exécutif ne peut rester sourd au score du Front national. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président de la République François Hollande, à Bruxelles (Belgique), le 21 mars 2014.  (GEORGES GOBET / AFP)

Une abstention record, un Front national qui réussit au-delà de ses espérances, une droite en position de force dans plusieurs grandes villes... Le premier tour des élections municipales du dimanche 23 mars sonne bel et bien comme un coup de semonce pour la gauche au pouvoir. Le Parti socialiste est menacé dans plusieurs de ses bastions et villes cibles. Et la claque est plus forte que prévue.

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Le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et spécialiste du vote et des élections, analyse ces résultats pour francetv info. 

Francetv info : Atteignant un taux record de plus de 38%, l'abstention reste la grande "gagnante" de cette élection. Faut-il y voir un effet du vote sanction ? 

Bruno Cautrès : Le vote sanction à l'égard du pouvoir en place domine généralement dans les élections intermédiaires et locales. Car les électeurs ne déconnectent pas les enjeux nationaux des enjeux locaux, notamment lorsqu'ils sont confrontés à des fermetures d'usines et des pertes d'emploi. Même s'ils continuent à se déplacer pour cette élection de proximité, les chiffres de l'abstention confirment une distance grandissante entre l'électorat et la classe politique. 

Le Parti socialiste est-il en aussi mauvaise posture que le laisse présager ce premier tour ? 

La question des reports de voix et des fusions de liste va être essentielle pour la gauche dans les tout prochains jours et les négociations s'annoncent très dures d'ici à mardi soir [date limite de dépôt des nouvelles listes]. Tout va dépendre des extrêmes et des configurations ville par ville. Paradoxalement, le PS peut espérer que le maintien du FN au second tour prive l'UMP de ses victoires. Si le Parti socialiste perd la trentaine de villes de plus de 30 000 habitants qu'il avait gagnée en 2008, c'est un cataclysme. Surtout si Paris tombe aux mains de la droite et que Marseille y reste.

Quelle réaction peut-on attendre de François Hollande face à cette déconvenue ?

Il est obligé de réagir et d'envoyer un signe fort à l'issue du second tour. Remanier quelques portefeuilles ne peut suffire au regard de la question fondamentale reposée à la gauche lors de ce scrutin : à qui parle-t-elle ? Aux classes moyennes ou aux classes populaires ? Ces dernières ont voté massivement pour le FN. François Hollande doit tenir compte des désespérances de l'électorat du nord du pays, qui compte des ouvriers et des employés autrefois acquis à la gauche. 

Comment peut-il s'y prendre ? N'est-il pas trop tard ? 

Il peut tenter d'expliquer aux classes populaires que la deuxième partie de son mandat leur sera consacrée, annonce d'une mesure à l'appui. Mais le chef de l'Etat n'a pas beaucoup de cartouches et sa parole est relativement épuisée. Il a multiplié les conférences de presse, massivement relayées par les médias mais qui ne parlent pas au reste du pays. Et il a un pacte de responsabilité à défendre, qui lui coûte 50 milliards d'économies. La difficulté pour le chef de l'Etat est qu'il est dans un autre timing et déjà dans l'après-élection. Mais à moins d'une reprise économique, sa marge de manœuvre politique dans le contexte actuel reste réduite. 

Le Front national est l'autre vainqueur incontestable de ce scrutin. Cela marque-t-il "la fin de la bipolarisation de la vie politique", comme l'affirme Marine Le Pen ?

Depuis plusieurs élections, on assiste à une division de l'espace politique français en trois. L'élection présidentielle de 2007 a fait figure d'exception car Nicolas Sarkozy est parvenu à parler à ces électeurs. Mais la question se repose désormais pour l'UMP : comment y parvenir ? La dynamique ascendante du Front national pour 2017 dépendra du candidat qui représentera l'UMP lors du prochain scrutin national. A droite, comme à gauche, il faut bien que l'expression du vote FN trouve un débouché. Il ne s'agit plus d'un vote de protestation mais d'un vote d'expression, qui a des choses à dire sur le plan économique, sociétal et politique. En cela, ce premier tour confirme la stratégie payante de la dédiabolisation du parti menée par Marine Le Pen. 

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