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Municipales 2020 à Paris : On a fact-checké le débat entre Agnès Buzyn, Rachida Dati et Anne Hidalgo

Têtes de liste pour l'élection municipale parisienne, Agnès Buzyn, Rachida Dati et Anne Hidalgo ont débattu le 17 juin sur le plateau de franceinfo et France 3. L'équipe du Vrai ou Fake a souhaité vérifier plusieurs de leurs affirmations. 

Article rédigé par franceinfo - Julien Nguyen Dang
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Rachida Dati (à gauche), Anne Hidalgo (au centre) et Agnès Buzyn (à droite) sur le plateau du "Grand débat" qui les oppose à Paris le 17 juin 2020, avant le second tour de l'élection municipale à Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

Trois candidates pour un poste. Le 17 juin, à onze jours du second tour des élections municipales, les trois têtes de liste parisiennes ont débattu sur le plateau de France 3 et franceinfo : Agnès Buzyn, soutenue par La République en marche, Rachida Dati, soutenue par Les Républicains, et Anne Hidalgo, maire sortante, soutenue par le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts. 

Interrogées par William Van Qui, de France 3 Paris Ile-de-France, et Marc Fauvelle, de franceinfo, les têtes de liste ont présenté leurs propositions et débattu sur trois grands thèmes : le Covid-19 et ses conséquences économiques, les solidarités et les personnes fragiles, les mobilités et le cadre de vie. L'équipe du #VraiOuFake a choisi de passer le débat au peigne fin quelques affirmations des têtes de liste. 

66 000 Parisiens ont-ils quitté la capitale sous la mandature d'Anne Hidalgo ?

"Sur l’action de la Ville, vous ne pouvez pas être aussi satisfaite, Madame Hidalgo", a attaqué Agnès Buzyn, soutenue par La République en marche. "Ce n‘est pas possible d’avoir un tel air de satisfaction. Il y a 11 000 Parisiens qui quittent Paris chaque année. 66 000 pendant votre mandature." 

Une déclaration partiellement vraie. Depuis 2011, la population parisienne est en baisse : alors qu'elle comptait 2 249 975 habitants en 2011 selon l'Insee, la capitale n'abrite en 2017 plus que 2 187 526 de Parisiens, soit environ 62 000 de moins (et non 66 000). Une diminution qui n'est donc pas imputable à la seule mandature de la maire sortante Anne Hidalgo puisqu'elle n'a débuté qu'en 2014, après le départ du socialiste Bertrand Delanoë.

Selon une note (PDF) de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), cette baisse s'explique "globalement [....] par une hausse des logements inoccupés qui comprend les logements vacants, les résidences secondaires et les logements occasionnels." Paris devrait connaître une "baisse de population jusqu'au milieu de la décennie 2020-2030, avant de renouer avec une légère hausse, en raison d'un solde migratoire moins déficitaire qu'aujourd'hui."

Y a-t-il vraiment 100 000 logements vacants à Paris, comme le rapporte Agnès Buzyn ?

Interrogée sur la question des loyers à Paris – un poste budgétaire qui concerne près de 2/3 des Parisiens –, Agnès Buzyn a exposé sa mesure concernant les logements vacants en affirmant qu'il y en aurait "100 000" aujourd'hui à Paris.

Un chiffre approximatif. Comme le révèle l'Insee, Paris comptait en 2016 plus de 114 000 logements vacants – c'est-à-dire des habitations inoccupées "proposées à la vente, à la location", "déjà attribuées à un acheteur ou à un locataire et en attente d'occupation", ou encore "gardés vacants sans affectation précise par le propriétaire", précise l'institut.

Mais il existe bien plus de logements dits "inoccupés" : en additionnant les habitations vacantes aux logements occasionnels et aux résidences secondaires, comme le fait elle-même la ville de Paris, 234 000 logements inoccupés peuvent être identifiées, toujours selon les données de l'Insee.

Rachida Dati s'est-elle opposée au mariage pour tous et à l'interdiction des thérapies de conversion pour les homosexuels ? 

Dans le but de distinguer son programme de celui de Rachida Dati, soutenue par Les Républicains, Agnès Buzyn a interpellé son adversaire : "Vous avez soutenu Sens commun, vous avez voté contre le mariage pour tous, vous avez voté au Parlement européen contre l’interdiction des thérapies de conversion pour les homosexuels."

Des propos partiellement vrais. Concernant Sens commun, mouvement politique né en 2013 dans l'entourage de la Manif pour tous (en opposition au mariage et à l'adoption des couples de même sexe), Rachida Dati a en effet souhaité investir le responsable parisien de l'association, François Digard, dans le XVe arrondissement de Paris. Une proposition finalement refusée par Les Républicains, comme le rapport Le Parisien.

Au moment du vote du "mariage pour tous" en France, en 2013, Rachida Dati n'a pas pu prendre part au vote : elle était alors députée européenne. "Le terme me gêne parce que, où s'arrête le 'tous' ?", s'interrogeait-elle en 2012 sur LCP. En 2014, après le vote de la loi, elle déclarait même à Télématin : "Je pense que la loi effectivement doit être abrogée dans certaines dispositions et totalement réécrite sur d'autres. Par exemple, interdire vraiment, fermement, clairement GPA, PMA et de ne pas rendre l'adoption automatique parce que ça devient un droit à l'enfant."

Enfin, concernant l'interdiction des thérapies de conversion au Parlement européen, Rachida Dati ne s'est non pas opposée mais abstenue de voter l'amendement en question, approuvé par une majorité de 435 eurodéputés.

Anne Hidalgo a-t-elle fait construire "100 km à peine" de pistes cyclables contre 1000 km pour son prédécesseur Bertrand Delanoë ?

"Vous pensez que vous êtes visionnaire avec les pistes cyclables ?", a lancé Rachida Dati à l'encontre de la maire sortante, Anne Hidalgo. "On en a fait près de 1000 km avec Bertrand Delanoë [...] vous avez été dans une continuité pour en faire 100 km à peine, c’est votre bilan.”

Une affirmation inexacte. L'Observatoire des déplacements à Paris mesure annuellement les aménagements cyclables (PDF) de la capitale que sont les bandes cyclables, les pistes sur trottoir et sur chaussée, les couloirs de bus, les voies à double sens cyclables et d'autres aménagements tels que des "rues piétonnes". Voici un graphique qui expose ces données depuis l'entrée en fonction de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris. 

Durant ses deux mandats, le socialiste Bertrand Delanoë a fait construire plus de 476 km d'aménagements cyclables (et non 1000). A titre de comparaison, Anne Hidalgo en a créé environ 179 km jusqu'en 2018 – les derniers chiffres ne sont pas encore disponibles. 

La ville de Paris est-elle endettée à hauteur de 7 milliards d'euros, comme le rapporte Rachida Dati ?

Alors qu'elle interpellait Anne Hidalgo sur la nécessité d'un budget spécifique pendant la crise du coronavirus, Rachida Dati a affirmé : "Vous savez que la Ville est fortement endettée. Nous sommes à plus de 7 milliards d’euros de dettes, sans compter les dettes cachées."

Ce chiffre est constestée. Selon le budget primitif 2020 de la ville de Paris, l'encours total de la dette au 1er janvier 2020 s'élève à 5,92 milliards d'euros. Un chiffre dont se revendique l'équipe sortante. Néanmoins, comme le signale Le Parisien, Rachida Dati conteste ce montant : elle souligne que depuis un décret de 2015, la mairie a le droit de réclamer le versement en une fois des loyers dus par les bailleurs sociaux (c'est-à-dire pour toute la durée du contrat). Une astuce qui aurait permis, selon Rachida Dati, de faire baisser la dette d'1,15 milliard d'euros au mépris des bailleurs sociaux, ce qu'elle considère comme une dette à retardement, signale LCI.

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