Résultats des législatives 2024 : distancé par l'extrême droite et la gauche, le camp présidentiel se retrouve en grand danger

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
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Temps de lecture : 7min
Edouard Philippe (Horizons), François Bayrou (MoDem) et Gabriel Attal (Renaissance), trois figures de la majorité. (AFP / FRANCEINFO)
Sans surprise, la coalition entre Renaissance, le MoDem et Horizons devrait perdre sa majorité relative à l'Assemblée à l'issue du second tour, trois semaines après le coup de tonnerre de la dissolution.

L'issue ne faisait guère de doute. Lorsqu'Emmanuel Macron a pris la parole, dimanche 9 juin, pour annoncer la dissolution de l'Assemblée nationale après la défaite de son camp aux européennes, la majorité relative du chef de l'Etat ne tenait plus qu'à un fil. Ce fil a définitivement cédé lors du premier tour des élections législatives, dimanche 30 juin, avec un très net recul de la coalition présidentielle.

Selon les résultats communiqués par le ministère de l'Intérieur dans la nuit du dimanche 30 juin au lundi 1er juillet, l'alliance de Renaissance, du MoDem et d'Horizons arrive troisième, à 20,04%, et peut théoriquement espérer conserver entre 70 et 100 sièges à l'issue du second tour (selon des premières projections en sièges à prendre avec précaution), loin, très loin, des 250 sièges dont elle disposait depuis 2022.

Un meilleur score qu'aux européennes

Pour les députés sortants et les candidats du centre-droit, tout avait commencé dans la précipitation, dès le 9 juin, au soir. "Il y a beaucoup de stress, ils regardent les résultats des européennes, mais les législatives, ce n'est pas la même chose. C'est le grand flou", soufflait un cadre de la majorité au mitan de la campagne.

Afin de limiter la casse, plusieurs figures du camp présidentiel, comme Bruno Le Maire ou Edouard Philippe, ont décidé de prendre leurs distances avec Emmanuel Macron et sa décision brutale de dissoudre l'Assemblée. D'autres ont purement et simplement omis de faire référence au président et à la majorité, jugés trop négatifs, dans leur propagande électorale.

Dans le même temps, le chef de l'Etat a pris la parole plusieurs fois, au cours d'une longue conférence de presse en début de campagne, puis lors de déplacements sur le terrain ou d'interventions dans les médias. Il a progressivement durci ses arguments électoraux contre "les extrêmes", sans distinction ni hiérarchie, dont la victoire conduirait, selon le chef de l'Etat, à la "guerre civile".

Au premier tour de ces élections législatives, la coalition présidentielle fait tout de même mieux qu'aux européennes, quand elle n'avait récolté que 14,6%. "Il y a eu un sursaut de participation. Peut-être que la dramatisation présidentielle a eu un petit effet sur un électorat qui s'était réfugié dans l'abstention aux européennes", analyse le politologue Olivier Rouquan, qui nuance ce léger rebond.

"Comme aux européennes, on observe un vote sanction contre Emmanuel Macron, car il a terriblement personnalisé l'exercice du pouvoir."

Olivier Rouquan, politologue

à franceinfo

Si la coalition présidentielle limite la casse dans certains de ses bastions depuis 2017, comme les Yvelines ou les Hauts-de-Seine, certaines de ses personnalités n'ont pas résisté au recul observé partout ailleurs. Au sein du gouvernement, par exemple, les ministres Fadila Khattabi (Côte-d'Or), Dominique Faure (Haute-Garonne) ou Sabrina Agresti-Roubache (Bouches-du-Rhône) sont arrivées troisièmes, tandis que Guillaume Kasbarian (Eure-et-Loir), Agnès Pannier-Runacher (Pas-de-Calais) ou Frédéric Valletoux (Seine-et-Marne) sont en ballottage pour le second tour, derrière le RN.

Des ambiguïtés sur le barrage au RN

Pour le camp présidentiel, une question prioritaire se pose désormais : en cas de troisième place et de qualification possible au second tour, faut-il se désister pour limiter le risque que le Rassemblement national et ses alliés puissent avoir la majorité absolue le 7 juillet ? Les prises de parole se sont multipliées dimanche soir avec, à chaque fois, des nuances qui empêchent le centre de parler clairement d'une seule voix.

D'un côté, il y a celles et ceux qui pratiquent le "ni-ni" contre le RN et La France insoumise. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a ainsi appelé à voter pour le candidat "le plus républicain" au second tour des législatives, à l'exclusion d'un "certain nombre de candidats" de l'alliance de gauche.

De l'autre côté, certains ont préféré cibler l'extrême droite sans évoquer les candidats du Nouveau Front populaire. Emmanuel Macron, lui, a appelé à un "large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour" face au Rassemblement national, sans mentionner publiquement l'alliance de gauche.

"Le président de la République regarde les circonscriptions au cas par cas."

Un proche du chef de l'Etat

à France Télévisions

"Pas une voix ne doit aller au Rassemblement national" au second tour, a quant à lui affirmé le Premier ministre, Gabriel Attal. "Nous nous désisterons au profit des candidats en mesure de battre le RN et avec qui nous partageons l'essentiel : les valeurs de la République", a pour sa part expliqué le parti Renaissance dans un communiqué.

Vers une majorité réduite à l'opposition

Enfin, plusieurs figures de la macronie ont clairement inclus La France insoumise dans le front républicain face au RN. "Je suis convaincu que malgré les personnalités infréquentables qui hantent La France insoumise, en premier lieu le premier d'entre eux [Jean-Luc Mélenchon], ils ne seront pas au pouvoir", a expliqué Roland Lescure, ministre de l'Industrie, sur le réseau social X.

Ce dernier a donc appelé à "faire barrage à l'extrême droite sans état d'âme en votant pour le candidat alternatif le mieux placé". "Il faut voter pour le candidat qui affronte un candidat du RN au second tour, quel qu'il soit", a renchéri Clément Beaune, ancien ministre des Transports, l'un des rares macronistes à ne pas avoir placé La France insoumise et le RN sur un pied d'égalité.

Au-delà de son attitude dans les circonscriptions où elle se retrouve loin derrière les prétendants à la victoire, la coalition présidentielle va tenter de conserver le plus large contingent possible de députés dans la nouvelle Assemblée nationale, avec des cartes rebattues entre ses différentes composantes : Horizons ne disposera plus d'un groupe parlementaire (au moins 15 députés), tandis que le MoDem n'est pas sûr de conserver le sien, ce qui pourrait affaiblir ses dirigeants dans l'optique de la succession d'Emmanuel Macron pour 2027.

De son côté, le groupe Renaissance continuerait de se rétrécir très largement : le parti présidentiel était déjà passé de 267 députés avant les législatives 2022 à 170 jusqu'à la dissolution. A l'issue du deuxième tour, il devrait se contenter de 53 à 71 sièges, selon les projections d'Ipsos-Talan. Ces trois groupes pourraient ainsi se retrouver dans l'opposition si le RN et ses alliés disposent d'une majorité et se voient confier la tâche de former un gouvernement. Les législatives, bien plus que les européennes, représenteraient alors un coup fatal au macronisme.

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