: Infographie Visualisez l'évolution du nombre de groupes parlementaires à l'Assemblée nationale depuis 1958
Jeudi 18 juillet, après l'élection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l'Assemblée nationale, les 577 députés ont officiellement choisi leurs groupes parlementaires. Chacun d'entre eux a soumis au secrétariat général de la présidence une déclaration politique signée de leurs membres et des députés apparentés, conformément à l’article 19 du règlement de la chambre basse. Pour cette XVIIe législature, onze groupes siégeront donc au Palais-Bourbon. Dans le détail, il s'agit de la Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise - NFP, Ecologiste et Social, les Socialistes, les Démocrates, Ensemble pour la République, Horizons & Indépendants, la Droite républicaine, A droite, le Rassemblement national et LIOT.
Si le nombre de groupes sénatoriaux à la chambre haute reste relativement stable (entre six et neuf depuis 1959), le nombre de formations politiques à l’Assemblée nationale ne cesse d’augmenter depuis 2012. Avant cette date, il n'a jamais été supérieur à six et atteint désormais 11 depuis le 18 juillet. Ce chiffre est le plus élevé de l'histoire de la Ve République.
Pour Gilles Toulemonde, maître de conférences en droit public à l'université de Lille, deux aspects, juridique et politique, expliquent la multiplication des groupes parlementaires. "Depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui a octroyé des droits spécifiques aux groupes d'opposition et minoritaires, il est devenu intéressant de faire partie d'un de ces deux types de formations, indique-t-il à franceinfo. Ces partis ont dorénavant la possibilité de faire entendre leur propre petite musique lors des niches parlementaires et des questions au gouvernement, et ont tout intérêt à jouer leur partition personnelle".
"Les partis ont de plus en plus de mal à dialoguer les uns avec les autres et à s'unir au sein d'un groupe. C'est symptomatique d'un éclatement de la représentation politique."
Gilles Toulemonde, maître de conférences en droit public à l'université de Lilleà franceinfo
Lors des élections de 1936, alors sous la IIIe République, la coalition du Front populaire, réunissant des partis de gauche et de centre gauche, avait triomphé en remportant 386 sièges sur 608. Ils avaient formé par la suite 16 groupes parlementaires distincts. Bien que la Chambre des députés, aujourd'hui appelée l'Assemblée nationale, et son règlement aient drastiquement évolué depuis, la formation des groupes parlementaires avait là aussi été marquée par une importante fragmentation politique.
Un minimum de 15 députés pour constituer un groupe
Plusieurs conditions sont requises pour la formation d'un groupe parlementaire. Les deux principales sont la signature d'une déclaration commune par les différents membres du groupe et un nombre minimal de signataires de cette déclaration, s'élevant à ce jour à 15 députés. En dessous de ce nombre, les députés d'un même parti politique sont considérés comme non-inscrits. Par ailleurs, un parlementaire ne peut être membre que d'un seul groupe.
A l’Assemblée nationale, le seuil minimal de constitution d'un groupe n’a cessé de diminuer au fil des ans. En 1988, il est passé de 30 à 20 membres pour permettre aux communistes de constituer un groupe parlementaire malgré leur faiblesse numérique. Ensuite, en 2009, il a été réduit à 15 membres après une promesse de Nicolas Sarkozy visant à convaincre les députés du Nouveau Centre et du Parti radical de gauche de soutenir la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, finalement passée in extremis à deux voix seulement de majorité.
"Un seuil élevé participera à la rationalisation du travail parlementaire en limitant l’expression de la diversité des parlementaires, dans le but de stabiliser le gouvernement. Tandis qu'un seuil bas concourra au pluralisme de l’expression politique", souligne le maître de conférences à franceinfo.
Des droits spécifiques aux groupes minoritaires et d'opposition
Une troisième condition, mise en place lors de la réforme de 2008 sur la modernisation des institutions, oblige désormais les groupes politiques à déclarer noir sur blanc s'ils comptent faire partie de l'opposition ou s'ils constituent un groupe minoritaire. Ces derniers sont les groupes liés à la majorité les moins nombreux ou ceux ne se situant ni dans la majorité, ni dans l'opposition.
Les statuts des groupes minoritaires et de l'opposition leur confèrent des droits communs, notamment celui d'inscrire à l'ordre du jour, une fois par mois, une proposition de loi dans une niche parlementaire. "La session ordinaire s'étendant d'octobre à juin, cela fait théoriquement neuf journées par an dédiées aux niches parlementaires", décrypte Gilles Toulemonde. Avec 8 groupes d'opposition et 2 groupes minoritaires, soit 10 au total dans la XVIIe législature, des problèmes d'ordre du jour risquent de survenir. Avec l'augmentation du nombre de groupes, il ne serait théoriquement possible pour un de ces groupes de défendre une proposition de loi lors des niches parlementaires qu'une fois tous les 10 mois, au-delà des neuf mois que dure la session ordinaire.
Il appartiendra à la conférence des présidents de la XVIIe législature de déterminer comment mettre en œuvre les niches parlementaires, selon les informations fournies par l'Assemblée nationale à franceinfo. Cette instance a pour fonction principale de préparer l’organisation du travail parlementaire et de fixer le calendrier de l’examen et de la discussion des textes.
"Une des solutions envisagées sur la question des niches parlementaires peut être de diviser la journée en plusieurs séquences, chacune étant dédiée à un groupe parlementaire différent."
Gilles Toulemonde, maître de conférences en droit public à l'université de Lilleà franceinfo
Cette conférence est notamment composée du président et des vice-présidents de l'Assemblée ainsi que des présidents des groupes parlementaires. "Si elle n'arrive pas à un consensus, la conférence des présidents va devoir faire preuve de créativité, dans ce contexte de tensions politiques, pour réussir à offrir une niche à chaque parti d'opposition ou minoritaire tout en respectant la Constitution", conclut Gilles Toulemonde.
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