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Pots de départ, embrassades, "ambiance de fin de colo"… On a suivi les dernières heures des députés au Parlement européen

Les eurodéputés se sont tous retrouvés à Strasbourg pour la dernière fois, avant le scrutin européen prévu en France le 26 mai prochain.

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre letton, Krisjanis Karins, embrasse l'eurodéputée française Françoise Grossetête lors de la dernière session plénière du Parlement européen, le 17 avril 2019. (Martin Lahousse)

Ce sont de petits signes. Discrets, modestes, mais qui montrent que le mandat des eurodéputés actuels touche à sa fin. La dernière séance plénière au Parlement de Strasbourg s’est tenue du 16 au 18 avril, avant les élections européennes de fin mai. Des applaudissements après un dernier discours dans l’hémicycle ici, un pot de départ là-bas. "L’ambiance est forcément particulière", confie Françoise Grossetête, députée européenne depuis 1994. "Tout à l’heure, Jean-Claude Juncker m’a embrassée chaleureusement dans l’hémicycle, en me disant 'on va te regretter tu vas nous manquer', c’est gentil, chaleureux. Et il y a plusieurs commissaires qui sont venus se faire prendre en photo avec moi. Donc tout ceci permet d’avoir des très bons souvenirs de cette dernière semaine passée à Strasbourg."

Françoise Grossetête et Jean-Claude Juncker, au Parlement européen de Strasbourg, le 17 avril 2019. (Martin Lahousse)

Les élus terminent consciencieusement leur travail, des votes sur de gros dossiers étaient prévus jusqu’à la dernière heure. "Nous nous dépêchons de voter un maximum de textes avant la longue pause qui suivra les élections européennes", lâche Alain Lamassoure. Lui aussi a de la bouteille : "Quand je suis entré au Parlement européen pour la première fois, c’était en 1989, c’était encore la guerre froide." Comme d’autres élus, il profite de cette dernière séance pour faire venir ses proches. Pour leur montrer, leur raconter ce qui se vit ici, où l’on entend parler italien, polonais, suédois.

Aujourd’hui, le sentiment que j’ai, c’est le sentiment physique que je quitte un lieu de pouvoir.

Alain Lamassoure

à franceinfo

"Ce qui m’aura marqué le plus, ce sont les moments d’émotion collective. Après Charlie Hebdo, spontanément, nous nous sommes réunis devant le Parlement, sous la pluie, pour une longue minute de recueillement. Il y a quelques jours, quand on a vu flamber Notre-Dame, j’ai vu des partenaires finlandais, portugais, en larmes, comme nous l’étions. Là, j’ai senti profondément que la conscience européenne existe", raconte Alain Lamassoure.

Alain Lamassoure, au Parlement européen à Strasbourg, le 17 avril 2019. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

Son départ, il l’a fêté, oui. Et avec une adversaire politique : lui, l’homme de droite, a célébré son départ avec Pervenche Bérès, femme de gauche. Elle aussi élue depuis un bon moment. "Même si je l’ai souvent combattu", explique-t-elle. Un pot à l’image, finalement, de ce qui se fait régulièrement à ce niveau supranational. "Les électeurs français ont parfois du mal à comprendre ça, mais au Parlement européen, on doit toujours faire des alliances pour avancer, parce qu’aucun parti n’a de majorité seul." Pervenche Bérès, députée depuis 25 ans, n’a pour autant pas accumulé de souvenirs ni de babioles. "Vous pouvez vous servir, je ne vais quasiment rien garder", dit-elle, détachée, dans son petit bureau du Parlement. À moitié nostalgique, à moitié tournée vers l’avenir.

"Sénat de Star Wars"

Mais ce sentiment mêlé n’apparaît pas uniquement chez les "anciens" élus. "Il y a toujours un petit air de nostalgie parce que moi j'ai vraiment adoré le mandat européen", confie par exemple Virginie Rozière, des radicaux de gauche, qui termine son premier mandat. "On a une grande liberté, une grande capacité d'action aussi." Elle ne sait pas encore si elle sera réélue.

C’est passionnant, beaucoup plus riche qu'un mandat de parlementaire national.

Virginie Rozière

à franceinfo

Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, elle, sait. Si elle aurait bien aimé faire plus qu’un mandat, son parti, le PS, en a décidé autrement. "On m’a obligée à partir alors que je voulais continuer. Oui, je suis triste." Tant pis, elle gardera un lieu en particulier en mémoire, c’est l’hémicycle de ce parlement européen : "Il ressemble énormément au Sénat de Star Wars. On a l’impression qu’on va voir ces fauteuils qui vont se déplacer de façon horizontale comme dans le film, que j’aime beaucoup."

L'hémicycle du Parlement européen à Strasbourg, le 17 avril 2019. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

Nostalgique ou heureux de partir ? "Les deux !" affirme dans un sourire Jean-Marie Cavada. Après trois mandats, il raccroche. Mais avec le projet de ne pas tout lâcher : "Chacun échange les coordonnées, on se dit 'ne nous perdons pas de vue'. Les réseaux se tissent et ne se perdent pas. C'est une fin de colonie de vacances ou la fin scolaire. Cela fait des réseaux qui sont extrêmement utiles."

Suivre l’avancement des dossiers, revoir les anciens collègues, Françoise Grossetête a bien cette même intention. Comme les autres députés, elle garde une frustration, et de taille : ne pas avoir bouclé le dossier du Brexit. Partir en plein chaos, en pleine incertitude, "c’est désolant. Désolant !" Personne ne sait encore quand et comment la sortie du Royaume-Uni va se concrétiser. "C’est vrai que j’aurais aimé réglé ce dossier. J’aurais aimé voter l’accord proposé au Royaume-Uni. J’aurais aimé vivre cela, parce que moi j’ai vécu l’installation de l’euro, j’ai vécu l’élargissement de 2004, où on votait en faveur de chaque État membre. J’ai vécu des moments particulièrement importants, très fondateurs de l’intégration européenne. Là, avec ce Brexit... C’est vraiment dommage. Oui, là, je suis un peu frustrée."

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