Européennes : peut-on vraiment parler d'un nouveau "21 avril" ?
Le Front national arrive en tête des élections européennes, avec 24,96% des suffrages, selon le ministère de l'Intérieur. Un choc qui rappelle à certains le premier tour de la présidentielle de 2002.
C'est un score historique pour le Front national. Pour la première fois, le parti de Marine Le Pen est arrivé en tête d'un scrutin national, dimanche 25 mai, en raflant 24,96% des suffrages aux élections européennes, selon le décompte quasi définitif du ministère de l'Intérieur (qui ne comprend pas encore les voix des Français de l'étranger).
Succès du FN aux européennes : les réactions en direct
Ce chiffre record a fait beaucoup réagir à droite comme à gauche, le Premier ministre, Manuel Valls, évoquant même un "séisme" pour la France. De nombreuses personnalités politiques, à l'instar de l'écologiste Cécile Duflot, n'ont pas hésité à parler d'un "21 avril européen", en référence au score obtenu au premier tour de la présidentielle de 2002 par Jean-Marie Le Pen (16,86%), arrivé deuxième après Jacques Chirac. Ce 25 mai est-il à mettre sur le même plan ? Eléments de réponse.
Oui, le FN asseoit sa crédibilité
Avec ce score, le Front national remplit la mission fixée par Marine Le Pen en devenant "le premier parti de France". Sur le plan national, la victoire est symbolique pour le parti, et lui permet de s'installer au cœur de la vie politique. Cette situation inédite, qualifiée de "super-choc" par le politologue Pascal Perrineau dans L'Express, lui fera aborder les élections régionales en position de force. Il se place aussi comme un acteur important de la présidentielle de 2017.
Cette consolidation se fait au détriment des autres formations. Sur les 74 sièges d'eurodéputés français, 24 échoient au FN. Le parti, jusque-là représenté par seulement trois élus, multiplie donc par huit sa présence au Parlement européen et chipe de nombreux sièges à ses adversaires, UMP et PS en tête. La voix de ces derniers se trouve donc quelque peu affaiblie.
Oui, même si l'on tient compte de l'abstention
Malgré le faible taux de participation, établi à 43,5% selon des chiffres provisoires communiqués par le ministère de l'Intérieur, le FN obtient sensiblement le même nombre de voix qu'à la présidentielle de 2002.
En effet, en 2002, Jean-Marie Le Pen était arrivé deuxième du premier tour en recueillant 4,8 millions de voix. Sa fille Marine Le Pen obtient, elle, 4,4 millions de voix, selon une totalisation établie par le ministère de l'Intérieur à minuit, soit 400 000 voix de différence, et ce dans un contexte de forte abstention.
Non, ce n'est pas une surprise
En 2002, personne ne s'attendait à ce que Jean-Marie Le Pen se qualifie pour le second tour de l'élection présidentielle avec près de 17% des voix. Le 21 avril a été un choc pour beaucoup d'électeurs en raison de la surprise qu'il a provoquée et de ses conséquences, notamment le retrait de la vie politique de Lionel Jospin.
Cette fois, la configuration diffère. La victoire du FN aux européennes survient deux mois après un bon score réalisé aux municipales, où le parti a remporté onze villes. Elle intervient surtout dans un contexte économique favorable à la montée des extrêmes et des eurosceptiques de droite. Sa victoire n'est donc pas surprenante, d'autant que les sondages plaçaient le parti en tête depuis plusieurs semaines.
Bien que Marine Le Pen réclame une dissolution de l'Assemblée nationale, ce score ne devrait pas avoir de conséquences politiques de cet ordre, un remaniement ayant déjà eu lieu après les municipales. Le Premier ministre, Manuel Valls, a d'ailleurs prévenu qu'il n'y aurait ni changement de gouvernement, ni changement de majorité, ni changement de ligne économique, malgré ce revers électoral.
Non, sa voix n'aura pas un poids conséquent à Bruxelles
Malgré ses 24 eurodéputés, le parti de Marine Le Pen ne pèsera pas lourd dans les orientations européennes. Sylvain Crépon, chercheur à l'université de Nanterre, estimait dans Le Monde (article abonnés) que cette victoire n'allait pas apporter au FN des "leviers de pouvoir importants".
Pour peser, le FN devra chercher le rassemblement avec d'autres partis eurosceptiques afin de former un groupe, ce qui n'est pas encore acquis. Pour La Tribune.fr, la présence des eurodéputés frontistes pourrait même avoir l'effet inverse, en obligeant les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) et les sociaux-démocrates du Parti socialiste européen (PSE) à renforcer leur "grande coalition" pour conserver une majorité au Parlement de Strasbourg.
Non, les européennes n'ont pas le même poids que la présidentielle
Si le score du FN est conséquent, les européennes n'ont pas la même signification que la présidentielle aux yeux des Français. Preuve en est que l'abstention atteint un niveau élevé, à près de 57%, bien plus que lors de la présidentielle de 2012 (19,66% au second tour) ou des municipales de 2014 (37,87% au second tour).
Tout au long de la campagne, les sondages se sont multipliés, évoquant la désaffection des électeurs face à un scrutin qualifié de lointain et d'abstrait pour de nombreux citoyens. Le choc n'est donc pas le même qu'en 2002, la présidentielle étant une élection dans laquelle les Français sont traditionnellement plus impliqués.
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