Prix de l'électricité : ces fournisseurs alternatifs qui poussent leurs clients à retourner au tarif réglementé d'EDF
Face aux prix de l'électricité qui ont grimpé de plus de 30% en quelques semaines, les fournisseurs alternatifs d'énergie connaissent aussi la crise. Et certains poussent même leurs clients à aller vers la concurrence, comme franceinfo a pu le constater.
Le monde à l'envers, ou presque. Aline est cadre du secteur juridique en Ardèche, et cliente du fournisseur Mint Energie. Elle vient d'apprendre que sa facture allait quadrupler au 1er octobre : "J'ai reçu un courrier de Mint Energie hier qui m'indique qu'avec le tarif réglementé d'EDF, mon budget annuel serait de 3 217 euros en moins par rapport à maintenant", explique-t-elle. Mais il y a encore plus étonnant : comme le précise Aline, ce courrier officiel que franceinfo a pu consulter lui "indique également toute la procédure pour changer d'opérateur et le plus facilement possible."
En cause : depuis un an, le prix de l'électricité a été multiplié par sept, une hausse qui ne peut être répercutée sur tous les clients. Résultat, les fournisseurs alternatifs d'énergie vivent une véritable situation de crise, avec une hausse de 30% en un mois pour le prix de l'électricité sur le marché de gros.
Ainsi, selon François Carlier, délégué général de l'association de consommateurs CLCV, si des fournisseurs d'électricité veulent se débarrasser d'une partie de leurs clients, c'est qu'ils ont signé des contrats d'électricité à prix fixe, un prix bien plus bas que celui payé actuellement sur le marché de gros.
"C'est tout à fait inédit dans l'histoire économique, alors que c'est à la mesure des perturbations du secteur de l'énergie, mais aussi d'une ouverture du marché qui aura été été très, très très fragile."
François Carlier, de la CLCVà franceinfo
Face à un risque de faillite, le gouvernement a d'ailleurs lancé une cellule d'accompagnement pour la quarantaine d'opérateurs alternatifs. Néanmoins, le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, en charge de la Transition énergétique, essaye de rassurer : "Il n'y a pas de cas de faillite imminente !"
Une fraude sur le droit d'accès au nucléaire ?
Le risque pour ces opérateurs alternatifs est de voir ses clients fuir massivement vers l'opérateur historique EDF et ses tarifs réglementés. "Il y aura de probables faillites", estime pour sa part Jacques Percevois, économiste et professeur émérite à l'université de Montpellier. Il explique que certains petits fournisseurs n'ont pas assez anticipé l'achat d'électricité quand les prix étaient abordables et sont aujourd'hui contraints d'acheter, sur le marché de gros, le kilowattheure sept ou huit fois le prix qu'il valait en début d'année. Mais l'association de consommateurs CLCV soupçonne les fournisseurs d'avoir une autre raison de pousser leurs clients vers la sortie.
"Il se trouve que ces opérateurs ont un droit d'accès au nucléaire d'EDF. Ils peuvent spéculer avec sur les marchés pour justifier ce droit spéculatif, ils doivent justifier d'un certain volume de clientèle jusqu'à l'été."
François Carlier, CLCVà franceinfo
"Là, comme par hasard, à la fin du mois d'août, ils cherchent tous à se débarrasser des clients, ajoute-t-il. On s'attend quand même à découvrir de grandes fraudes sur ce système de droit nucléaire qui aurait eu lieu au cours de l'année 2022. En tout cas, on attend beaucoup du régulateur et de l'État en terme de contrôle en la matière", précise ainsi l'association de consommateurs.
Pour donner un ordre d'idée, les fournisseurs alternatifs ont pu acheter le kilowattheure à EDF à 42 euros. Le prix de marché était côté ce jeudi 25 août à plus de 600 euros. Grâce à un mécanisme complexe de revente sur le marché de gros, les fournisseurs peuvent réaliser des marges commerciales, en jouant parfois avec les limites juridiques. Un risque à relativiser, selon Jacques Percebois, qui estime qu'il pourrait y avoir un peu de spéculation, mais sans qu'elle soit massive. Le ministère de la Transition énergétique indique, de son côté, rester vigilant et confirme que des enquêtes seraient menées en cas de soupçon. Le gouvernement appelle même les entreprises du secteur à l'alerter, si elles constatent de tels comportements.
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