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"Gilets jaunes" : cinq questions sur les violences qui ont embrasé Paris lors de la troisième journée de mobilisation nationale

L'appel à manifester des "gilets jaunes" contre l'érosion du pouvoir d'achat a été marqué, samedi, par de graves violences, surtout à Paris, qui ont entraîné l'interpellation de 412 personnes.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Un pompier intervient près de voitures qui brûlent à Paris, le 1er décembre 2018. (ALAIN JOCARD / AFP)

Le troisième samedi de mobilisation des "gilets jaunes", décidés à maintenir la pression sur le gouvernement, a donné lieu à de graves violences samedi 1er décembre à Paris. Selon un bilan du ministère de l'Intérieur, cette nouvelle journée de mobilisation nationale a réuni quelque 136 000 personnes dans toute la France. Au total, 412 personnes ont été interpellées et 133 blessées, dont 23 membres des forces de l'ordre, a-t-on appris dimanche matin de source policière. Au grand dam d'une partie des manifestants venus exprimer leur colère dans le calme.

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En dehors de Paris, plusieurs opérations de blocage et de filtrage ont été recensées, notamment à Nantes, Strasbourg et Marseille. Ces rassemblements ont également parfois provoqué des violences, comme au Puy-en-Velay, où la préfecture de Haute-Loire a été incendiée.

1Quel était le dispositif de sécurité à Paris ?

La situation était "inédite" par son ampleur, a assuré Stanislas Gaudon, secrétaire national du syndicat Alliance Police, sur franceinfo. Pour encadrer la manifestation non déclarée et non signée des "gilets jaunes", les Champs-Elysées ont été coupés à la circulation dès 6 heures du matin. Au total, 4 000 policiers des forces mobiles ont été envoyés sur l'avenue et 1 000 fonctionnaires ont été déployés à ses abords pour sécuriser les voies de circulation.

Le ministère de l'Intérieur a bouclé toutes les rues adjacentes, avec un filtrage comprenant un contrôle d'identité et un contrôle visuel des bagages afin qu'aucun objet dangereux n'entre à l'intérieur du périmètre. "Samedi dernier [le 24 novembre], l'objectif qui devait être tenu, c'était le périmètre institutionnel, c'est-à-dire le rond-point des Champs, la place de la Concorde, l'Elysée, l'ambassade des Etats-Unis et la place Beauvau. Nous n'avions pas assez de forces disponibles, explique Stanislas Gaudon. Pour aujourd'hui, le dispositif est inédit."

On a supprimé tous les repos de nos collègues des compagnies républicaines de sécurité, des escadrons de gendarmerie. Nous avons supprimé sur la police de proximité parisienne tous les repos prévus ce week-end.

Stanislas Gaudon

à franceinfo

2Où ont eu lieu les violences ?

Les mesures de sécurité mises en place n'ont pas empêché des manifestants de mettre le feu à des voitures renversées ou à des amas de palettes et d'affronter violemment les forces de l'ordre.

• Autour de l'Arc de triomphe. Des incidents ont éclaté sur la place de l'Etoile dans la matinée, en amont des contrôles de sécurité. Certains manifestants ont tenté de forcer un point de filtrage, selon la préfecture de police, et ont jeté des projectiles sur les forces de l'ordre. Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau. 

• Rue de Rivoli. Les échauffourées ont ensuite essaimé dans d'autres secteurs de la capitale, comme la rue de Rivoli, où des véhicules ont été incendiés et des barricades érigées par des manifestants. A proximité, un "gilet jaune" a été gravement blessé par une grille du jardin des Tuileries qu'il venait de desceller avec d'autres.

• Avenue Kléber. Un hôtel particulier et plusieurs voitures ont été incendiés sur cette avenue. Selon plusieurs témoins, des casseurs se sont emparés d'un engin de chantier et l'ont conduit en direction des forces de l'ordre.

Boulevard Haussmann. Non loin des grands magasins, où quelque 300 manifestants étaient rassemblés, des personnes cagoulées ont pris à partie des pompiers venus éteindre des poubelles et véhicules en feu, ont arraché des vélos en libre-service et ont érigé des barricades. Les grands magasins des Galeries Lafayette et du Printemps ont été évacués. 

Avenue Foch. Une quarantaine de manifestants ont érigé des barricades avec des troncs d'arbre et des barrières, avant d'être aspergés de gaz lacrymogène et d'être repoussés par les forces de l'ordre. Plus loin sur l'avenue, un radar tombé à terre a été piétiné par une cinquantaine de personnes.

• Place de l'Opéra. Des centaines de personnes se sont rassemblées dans un climat de très grande tension, essuyant les tirs de gaz lacrymogène des forces de l'ordre et refluant au gré des interventions des policiers.

3 Combien de personnes ont été interpellées ?

Selon un bilan communiqué dimanche matin par la préfecture de police, 412 personnes ont été interpellées. Par ailleurs, 133 blessés ont été signalés, dont 23 parmi les forces de l'ordre. Interrogée sur franceinfo, la porte-parole de la préfecture de police de Paris, Johanna Primevert, a précisé qu'il était trop tôt pour déterminer le profil des personnes interpellées.

"On constate de plus en plus de groupes très déterminés qui se disséminent dans Paris et commettent des troubles à l'ordre public", a-t-elle déclaré sur BFMTV. Elle a pointé la responsabilité de "gens très organisés" déterminés à "aller à l'affrontement" avec les forces de l'ordre. Sur Twitter, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a dénombré "200 manifestants pacifiques sur les Champs-Elysées et 1 500 perturbateurs à l'extérieur du périmètre venus pour en découdre". Son secrétaire d'Etat Laurent Nunez a évoqué sur BFMTV "3 000" casseurs aux abords de la place de l'Etoile.

4Les autorités ont-elles été débordées ?

"La place de l'Etoile est un endroit très difficile à contenir. Si nous avions voulu la fermer, il aurait fallu encore plus de forces de l'ordre et si nous l'avions fermée, les manifestants, les casseurs se seraient rassemblés au-delà de la place de l'Etoile et on aurait eu un autre endroit à sécuriser", a expliqué sur franceinfo Johanna Primevert.  

Pour Philippe Capon, de l'Unsa police, "le nombre de casseurs présents ce samedi à Paris est bien supérieur à celui de la semaine dernière" et le manque de structure de la mobilisation "rend difficile le travail des forces de l'ordre qui ne peuvent rien organiser".

Il n'y a pas de parcours de manifestation, il n'y a pas de service d'ordre à qui l'on peut se référer et les "gilets jaunes" sont submergés par les casseurs.

Philippe Capon, de l'Unsa police

à franceinfo

Par ailleurs, des "gilets jaunes" sont restés aux côtés des casseurs, "ce qui rend la situation extrêmement compliquée, reprend Philippe Capon. Certains peuvent être entraînés à commettre des violences par effet de groupe. Dans tous les cas, nous sommes là pour le maintien de l'ordre et nous agissons sur instruction."

On ne peut pas prendre d'initiative même si l'on voit des choses, on agit sur ordre de la préfecture de police.

Philippe Capon

à franceinfo

Le syndicaliste regrette que certains chantiers n'aient pas été suffisamment protégés et aient été utilisés par les casseurs. "Ils se servent toujours des objets trouvés sur les chantiers – palettes, barrières – pour mettre le feu et dégrader."

Samedi soir, le syndicat de police Alliance et le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) ont suggéré d'instaurer l'état d'urgence pour mettre fin aux violences. Ce régime d'exception avait notamment été mis en place après les attentats terroristes de Paris de 2015, mais aussi après les émeutes de novembre 2005 dans les banlieues. "Nous étudierons toutes les procédures qui nous permettront de sécuriser plus encore, a répondu Christophe Castaner sur BFMTV. Tout ce qui permettra de sécuriser plus, moi je n'ai pas de tabou. Je suis prêt à tout regarder." 

5Y a-t-il eu des débordements en dehors de Paris ?

Plusieurs manifestations et blocages de "gilets jaunes" ont été organisés un peu partout en France. La préfecture de Haute-Loire, au Puy-en-Velay, a été incendiée lors d'un rassemblement qui a dégénéré. Des personnes ont "lancé des projectiles enflammés de type cocktail Molotov" qui ont déclenché des feux dans la préfecture et dans d'autres locaux administratifs voisins, a précisé une porte-parole de la préfecture. Selon elle, des manifestants avaient dans un premier temps empêché les camions de pompiers d'accéder aux incendies.

Des dégradations "importantes" ont été commises à Charleville-Mézières (Ardennes) lors d'une manifestation au cours de laquelle quatre policiers et deux manifestants ont été blessés, selon la préfecture. Une manifestante a été touchée par un projectile en pleine tête et a été transportée à l'hôpital. Un homme a été blessé par un tir de flash-ball à la hanche, détaille L'Ardennais.

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Une cinquantaine de "gilets jaunes" ont fait irruption à deux reprises durant la matinée sur le tarmac de l'aéroport de Nantes Atlantique. Le groupe est ressorti une dizaine de minutes plus tard avant de revenir sur le tarmac peu après midi, après avoir arraché une partie du grillage qui entoure le site. 

A Toulouse, un face-à-face tendu a opposé durant l'après-midi des "gilets jaunes" aux forces de l'ordre, à l'occasion d'une manifestation qui réunissait plusieurs centaines de personnes dans le centre-ville. A Marseille, des échauffourées ont éclaté en fin de soirée, lors d'une manifestation qui a réuni 300 "gilets jaunes", 100 motards et environ 350 manifestants appelés par la CGT.

Toujours dans le Sud-Est, plusieurs personnes ont été interpellées à Nice après des heurts entre des "gilets jaunes" et la police, a indiqué la préfecture des Alpes-Maritimes. 

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