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Grève à la SNCF : pourquoi Hollande ne lâchera rien

Au septième jour de la grève des cheminots, le conflit s'enlise. Mais le président n'a aucun intérêt à renoncer à la réforme ferroviaire.

Article rédigé par Yannick Sanchez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des cheminots en grève sur le quai de la gare Saint-Charles, à Marseille, le 16 juin 2014. (BORIS HORVAT / AFP)

Le gouvernement sort le grand jeu. A la veille de l'examen, mardi 17 juin à l'Assemblée nationale, de la réforme ferroviaire, les ministres étaient à pied d'œuvre. "Cette grève n'est pas utile", a lâché Manuel Valls, le Premier ministre, sur France Info. Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a de son côté affirmé qu'il "n'y aura[it] pas de retrait du projet de loi".

Au septième jour de la grève des cheminots, mardi, il y aurait de quoi lâcher du lest du côté de l'exécutif, entre les lycéens qui craignent de ne pas pouvoir passer le bac et les pertes de la SNCF, de l'ordre de 80 millions d'euros. Pourtant, le gouvernement reste inflexible. Francetv info vous explique pourquoi François Hollande ne risque pas de faire marche arrière.

Parce que la grève est impopulaire

Un sondage publié par le quotidien Ouest-France le 11 juin pointe que 80% des sondés ne comprennent pas la grève des cheminots. D'autre part, alors que la réforme ferroviaire s'inscrit dans la volonté d'ouvrir le rail à la concurrence d'ici 2019, 69% des Français pensent que placer les trains régionaux en compétition avec d'autres opérateurs serait une bonne chose, d'après un sondage Ipsos.

De toutes les manifestations qui ont surgi depuis le début du quinquennat de François Hollande, aucun mouvement n'a suscité si peu de bienveillance de la part de l'opinion publique. Les manifestations des anti-mariage pour tous ont reçu un large écho national et ont fini par obtenir l'abandon de la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Les "bonnets rouges" se sont fait entendre par-delà la Bretagne et ont réussi à faire suspendre l'écotaxe. Les usagers semblent épuisés par les grèves à la SNCF. Et leur sentiment n'a que peu de chances d'évoluer vu les troubles causés au premier jour des épreuves du baccalauréat.

Selon une étude parue sur le blog ElectionScope, qui met en lumière les liens entre le soutien des Français aux mouvements sociaux et la popularité de l'exécutif, François Hollande n'a rien à perdre : sa fermeté face aux cheminots ne devrait pas lui coûter en termes de popularité. 

Parce que cela lui permet d'afficher une image de fermeté

Annoncée à 18% en avril dernier, la cote de popularité de François Hollande est au plus bas. "C'est l'occasion d'endosser enfin aux yeux des Français son costume de président. Il n'a pas d'autre solution que la fermeté. S'il rate ce rendez-vous, c'est foutu, tout le monde sera dans la rue", prédit une source gouvernementale au Huffington Post.

Le président n'a par ailleurs d'autre choix que de tenir tête aux syndicats (SUD-Rail et CGT) alors qu'il a déjà cédé sur plusieurs points, et notamment sur l'écotaxe, censée entre autres financer le renouvellement du réseau ferroviaire. Pour le conseiller en communication Philippe Moreau-Chevrolet, "c’est la seule stratégie viable. C'est un premier affrontement entre le gouvernement et sa gauche. Aujourd'hui, on peut très bien imaginer qu’un mouvement social se généralise parce que tous les clignotants sont au rouge, entre certains patrons, les 'bonnets rouges' et tous les régionalismes qui sont en alerte parce qu’Hollande a touché à la carte des régions de façon un peu légère. C’est une situation de fragilité du corps exécutif." Sans oublier que c'est aussi la première phase du duo Hollande-Valls.

Parce que cela évite de plomber les comptes publics  

En une dizaine d'années, Réseau ferré de France et la SNCF ont accumulé une dette de 44 milliards d'euros, dont près de 34 milliards pour RFF et un peu plus de 7 milliards pour la SNCF, le reste étant inscrit au service annexe d'amortissement de la dette dans lequel l'Etat s'engage à verser une dotation annuelle qualifiée d'"ofni" (objet financier non identifié) par Les Echos. Or cette dette ne s'inscrit pas dans la dette publique française tant qu'il y a, aux yeux de Bruxelles, des raisons d'espérer un assainissement des comptes de l'entreprise. Mais aujourd'hui, les perspectives d'amélioration des comptes de RFF sont hypothétiques. Ce qui laisse craindre une obligation pour l'Etat de se porter garant pour RFF et la SNCF, et de plomber par là-même ses efforts pour résorber sa dette. Sauf si un rapprochement entre RFF et la SNCF permet d'effectuer des économies.

Interrogé sur France Inter, Frédéric Cuvillier a clarifié cet aspect : l'objectif est de "mutualiser un certain nombre de fonctions qui permettront de gagner en efficacité". Cette réforme permettrait, selon lui, d'économiser près d'un milliard d'euros pour la branche mobilité et 900 millions d'euros pour la branche réseau. Dans le même temps, l’Etat abandonnerait les dividendes qu’il perçoit sur la SNCF pour permettre de stabiliser les comptes de la compagnie.

Mais le réseau ferroviaire français s'inscrit dans un projet plus large de regroupement du rail au niveau européen. D'ici décembre 2019, la France aura affaire à des concurrents européens aux tarifs agressifs. C'est d'ailleurs déjà le cas sur certaines lignes internationales comme avec l'opérateur Thello, qui relie la France à l'Italie. 

Pari réussi puisqu'en mai, comme l'explique Slate, le libéral commissaire européen aux Transports, Siim Kallas, s'est réjoui de la mise en place de SNCF Réseau. "Et même s’il réclame à la France des garanties afin que le holding de tête n’empiète pas sur les fonctions dévolues à SNCF Réseau et pour que SNCF Mobilités ne puisse exercer d’influence sur les décisions tenant au réseau, détaille Slate, il déclare soutenir la démarche."

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