Tickets-restaurant : que va changer leur dématérialisation pour les salariés, les restaurateurs ou les associations ?

La fin des titres imprimés, que le gouvernement veut achever avant 2026, doit simplifier leur utilisation, mais pourrait compliquer certaines formes de dons.
Article rédigé par franceinfo
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Un titre-restaurant déposé en guise de paiement dans un café à Paris, le 6 septembre 2022, une image qui pourrait disparaître. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Les titres-restaurants en papier devraient bientôt disparaître de vos portefeuilles. La ministre déléguée chargée du Commerce, Olivia Grégoire, a annoncé sur franceinfo, lundi 2 octobre, la généralisation de "la dématérialisation des Tickets-restaurant (...) avant 2026". On vous explique comment ce changement affectera la vie de nombreux salariés, mais aussi des entreprises, des restaurateurs et commerces qui acceptent ce moyen de paiement, ou encore des associations qui bénéficiaient parfois du don de ces titres-restaurants.

Pour les entreprises et leurs salariés

En 2026, si le projet du gouvernement se concrétise, les cinq millions de salariés français qui utilisent des titres-restaurants n'auront plus de carnet en papier, mais une carte ou une application. Un système déjà mis en place dans beaucoup d'entreprises, et qui présente de nombreux avantages. "Avec une carte, le paiement devient sécable, vous pouvez payer au centime près, vous n'avez pas de date limite d'utilisation et en cas de perte, vous pouvez faire opposition", expliquait Patrick Bouderbala, président de la Commission nationale des titres-restaurants, au magazine Capital en août. 

Mais dans un certain nombre de PME et de TPE, la dématérialisation se fait encore attendre. "Vous avez encore des entreprises, les plus petites, qui n'ont pas encore pris le virage du numérique", reconnaît la ministre Olivia Grégoire, également chargée des Petites et moyennes entreprises, qui promet de les "accompagner" pour assurer la généralisation voulue avant 2026.

La dématérialisation pourrait laisser davantage de flexibilité aux entreprises sur le montant accordé aux salariés. Benoît Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH, s'attend ainsi à ce que "le sujet des Tickets-restaurant devienne un des sujets de négociations annuelles obligatoires, soit pour en augmenter la valeur, soit pour basculer en digitalisation et permettre une gestion au plus près de ce sujet-là".

Pour les restaurateurs et les commerces partenaires

Avec la dématérialisation générale des titres-restaurants, le gouvernement veut regagner le cœur des restaurateurs. Et pour cause : ils sont de plus en plus nombreux à ne plus accepter ces chèques au moment de payer. Aujourd'hui, "un quart des commerces et restaurateurs refusent les Tickets-restaurant", avance Olivia Grégoire. Pourquoi un tel désamour ? "Parce que c'est trop compliqué. Vous avez le papier et les cartes qui se chevauchent. Les commissions sont trop élevées et les démarches sont beaucoup trop lourdes pour les restaurateurs", observe la ministre.

La fermeture de la Centrale de règlement des titres, en février, a encore compliqué la procédure. Avec ses 8 000 points de collecte, elle permettait de trier les chèques et de payer les restaurateurs de façon relativement rapide et facile. "Maintenant, c'est plus compliqué, cela coûte plus cher, car il faut payer les envois sécurisés" aux opérateurs, explique à Sud Radio Frank Delvau, président de l'Umih Ile-de-France, un syndicat de la restauration et l'hôtellerie. Les délais de paiement atteignent parfois de longues semaines. "Ça me coûte trop cher et c'est trop de paperasse", confirme Marie Pham Cong, gérante du restaurant Cà Phê Broc'Ouest, à Paris. Cette dernière refuse également le paiement en carte bancaire pour compléter un titre-restaurant, afin d'éviter des "doubles frais" de commission.

La dématérialisation permettrait de supprimer le coût d'envoi des titres papiers, de réduire les délais de paiement, et pourrait tirer à la baisse les commissions perçues par les opérateurs, qui représentent aujourd'hui entre 3 et 5% du montant. Olivia Grégoire dit avoir confié à l'Autorité de la concurrence une mission "pour voir si le fonctionnement du marché des Tickets-resto était équitable". En 2019, cette dernière avait sanctionné quatre entreprises du secteur à des amendes dont le montant cumulé dépassait 400 millions d'euros. "S'il y avait un dysfonctionnement de marché qui était prouvé, je ne prendrais pas de temps pour plafonner les commissions" sur les titres-restaurants, a menacé Olivia Grégoire lundi.

Pour les dons aux associations

La dématérialisation des titres-restaurants a aussi des conséquences en matière de dons. De nombreux salariés distribuent en effet les chèques en papier à leurs proches, à des associations, ou même, de la main à la main, à des personnes démunies. S'ils ne sont plus accessibles que par le biais d'une application ou d'une carte de paiement, cette pratique deviendra beaucoup plus compliquée.

"On a un sujet pour le don aux associations. Il est essentiel qu'avec la dématérialisation, on puisse continuer à en donner une partie", a reconnu la ministre Olivia Grégoire, sans pour autant avancer de solution immédiate. Certaines associations ont déjà pris les devants en nouant des partenariats avec des opérateurs de titres-restaurants, comme les Restos du cœur avec Sodexo et la Croix-Rouge avec Edenred, pour créer des systèmes de dons de titres en ligne. 

"Il sera nécessaire de faciliter la possibilité de faire un don à une association sur l’interface dématérialisée", prévient le Secours populaire, qui accepte déjà les dons de certains chèques virtuels. L'association, interrogée par franceinfo, estime à 330 000 euros le montant des dons reçus en 2022 sous la forme de titres-restaurants, qu'ils soient virtuels ou en papier. Elle s'inquiète aussi des conséquences de la dématérialisation sur "une solidarité de proximité, à la fois pour les personnes sans domicile fixe, mais également dans le cercle familial", qui deviendrait "beaucoup plus complexe et moins spontanée".

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