Infographies Exploitations plus grandes, pauvreté élevée et poussée du bio… Ce qu'il faut retenir du nouveau panorama de l'agriculture française dévoilé par l'Insee

Les agriculteurs français connaissent des situations économiques très diversifiées selon la taille de leur exploitation, leur orientation de production ou leur passage ou non à l'agriculture biologique.
Article rédigé par Pauline Lecouvé, Pauline Paillassa
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un tracteur laboure un champ, à Tinteniac (Ille-et-Vilaine), le 24 novembre 2023. (DAMIEN MEYER / AFP)

La France est le premier producteur agricole européen. Avec une valeur totale de 88,2 milliards d'euros, la production de l'agriculture française représentait 18% du total de l'Union européenne en 2022, révèle l'Insee dans son panorama de l'agriculture française publié mardi 27 février. Pourtant, le tableau n'est pas tout rose pour les producteurs français, mobilisés depuis janvier pour une rémunération plus juste de leur travail.

Evolution de la taille, du nombre et de la nature des exploitations, exposition importante à la pauvreté… A l'aide d'infographies, franceinfo revient sur l'état du secteur agricole en France.

Des exploitations moins nombreuses, mais plus grandes

En vingt ans, le nombre d'exploitations agricoles dans l'Hexagone a chuté de 41%, passant de 664 000 en 2000 à 390 000 en 2020, selon l'Insee. En 1970 et 2020, le nombre d'exploitations a même été divisé par quatre. On comptait ainsi près d'1,6 million d'exploitations agricoles en 1970, rappelle l'Insee, qui estime que cette tendance de long terme devrait se poursuivre. Selon ses projections, la France pourrait ne compter que 275 000 exploitations en 2035.

Cette "baisse du nombre d'exploitations reflète surtout une poursuite de leur agrandissement", analyse l'Insee. Entre 2000 et 2020, la surface agricole moyenne utile (c'est-à-dire effectivement exploitable) dans une exploitation a augmenté de 64%, passant de 42 hectares à 69 hectares. En 1970, la taille moyenne d'une exploitation était de seulement 19 hectares. Aujourd'hui, seulement 38% des exploitations ont une surface agricole utile de moins de 20 hectares, précise l'Insee, et 26% dépassent 100 hectares.

Cartes de la surface utile moyenne d'une exploitation agricole par département entre 1970 et 2020

Cette tendance à s'étendre devrait se poursuivre, estime l'Insee. Un quart de la surface agricole utilisée totale en France est déjà concentré dans 5% des exploitations. En conséquence, les emplois se sont, eux aussi, concentrés. Quatre pour cent des exploitations font travailler 25% de la main d’œuvre, selon l'Insee. Les exploitations françaises sont aussi de plus en plus spécialisées. Alors que dans les années 1950, la plupart pratiquaient la polyculture ou le polyélevage, elles ne sont plus que 10% en 2020.

Les agriculteurs plus exposés au risque de pauvreté

Le niveau de vie médian des agriculteurs est très légèrement supérieur à celui de la population générale. L'Insee estime qu'une personne sur deux résidant dans un ménage d'exploitants agricoles avait un niveau de vie inférieur à 22 800 euros en 2020, tandis que le niveau de vie médian pour l'ensemble de la population se situe à 22 320 euros.

Cependant, cette médiane cache de fortes disparités. Alors que les 10% des agriculteurs les plus riches vivent avec au moins 44 600 euros par an, les 10% les plus pauvres n'ont pas plus de 10 900 euros pour vivre par an. Le taux de pauvreté chez les agriculteurs s'élève en effet à 16% selon l'Insee, contre 14% dans la population générale, et seulement 7,4% parmi les actifs en emploi, selon Vie-Publique.fr.

Parmi les agriculteurs, les maraîchers, les horticulteurs et les éleveurs de chèvres ou brebis sont les plus touchés par la pauvreté. Près d'un quart des maraîchers et des horticulteurs vivent sous le seuil de pauvreté (1 158 euros par mois pour une personne seule et 1 737 euros pour un couple). Les viticulteurs et les exploitants de grandes cultures céréalières ou oléagineuses sont moins touchés. Mais si seulement 11,5% des viticulteurs vivent sous le seuil de pauvreté, ce taux reste malgré tout supérieur à celui des actifs en emploi.

La pauvreté des agriculteurs est également corrélée avec la taille de leur exploitation. Près de 23% des agriculteurs qui ont une petite exploitation, c'est-à-dire avec un potentiel de production évalué entre 25 000 et 100 000 euros par an, vivent sous le seuil de pauvreté. C'est le cas de seulement 9,8% des agriculteurs à la tête d'une grande exploitation, dont le potentiel de production dépasse 250 000 euros par an. Les micro-exploitants, dont le potentiel de production est inférieur à 25 000 euros, font exception à cette règle, avec un taux de pauvreté de 15,4%. Un phénomène que l'Insee explique par le fait que dans les micro-exploitations, l'agriculture constitue souvent un complément de revenu et non un travail à plein temps.

La surface consacrée au bio en hausse

En dix ans, le nombre d'exploitations engagées dans une démarche de production biologique a été multiplié par 2,5, rapporte l'Insee. Désormais, 60 000 des 390 000 exploitations, soit 15%, cultivent ou élèvent leurs animaux en bio. Et bien que les exploitations bio soient en moyenne plus petites que celles en conventionnelle, la surface agricole cultivée en bio a également augmenté. Entre 2015 et 2022, les surfaces agricoles certifiées bio ou en cours de conversion sont passées d'un peu plus 1,3 million d'hectares à près de 3 millions. L'agriculture bio représente ainsi dorénavant près de 11% de la surface agricole utilisée totale, note l'Insee.

Pour autant, l'agriculture continue d'avoir un impact significatif sur les émissions de gaz à effet de serre et la biodiversité. L'agriculture est responsable de 19% des émissions de gaz à effet de serre nationales et est le premier émetteur d'ammoniac dans l'air. En 2022, 94% des émissions d'ammoniac provenaient de l'agriculture. L'augmentation de la taille des exploitations et leur spécialisation ont par ailleurs des conséquences sur les paysages, la faune et la flore. La mécanisation a supprimé 70% du linéaire des haies bocagères depuis 1950 et les populations d'oiseaux spécialistes des milieux agricoles, comme le busard et l’engoulevent, ont diminué de 36% entre 1989 et 2021, rapporte l'Insee. 

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