Déficit public : comment le gouvernement compte-t-il trouver 10 milliards d'euros supplémentaires cette année ?

En plus des 10 milliards d'euros d'économies déjà annoncés en février, l'exécutif va devoir faire de nouvelles coupes budgétaires et dégager des recettes pour parvenir à son nouvel objectif de déficit pour 2024, à 5,1% du PIB.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors d'un déplacement à Bergerac (Dordogne), le 11 avril 2024. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La maîtrise du déficit public s'annonce ardue. L'exécutif a annoncé, mercredi 10 avril, qu'il anticipait désormais un déficit public de 5,1% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, au-dessus des 4,4% initialement prévus. Cette nouvelle estimation résulte du fort dérapage enregistré sur l'année 2023, avec un déficit qui a atteint 5,5% du PIB au lieu des 4,9% initialement projetés. 

Pour parvenir à cet objectif corrigé, le ministère de l'Economie et des Finances a prévenu qu'il devrait trouver 10 milliards d'euros supplémentaires cette année, en plus des 10 milliards d'euros d'économies déjà annoncés en février. Voici les pistes d'économies et de nouvelles recettes de l'exécutif. 

Demander un "effort" de cinq milliards aux administrations de l'Etat

Le ministère de l'Economie entend tout d'abord demander un "effort complémentaire" d'"environ cinq milliards d'euros" aux administrations de l'Etat. Pour ce faire, Bercy rappelle qu'il dispose d'une "marge de manœuvre significative" de "sept à huit milliards d'euros" de crédits qui ont été gelés par précaution en début d'année. 

Comme pour le premier paquet d'économies de 10 milliards d'euros, le ministère évoque par exemple des pistes autour des dépenses immobilières. En février, le ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, avait déjà annoncé une réduction de 25% des surfaces de bureaux occupées par l'Etat. Une nouvelle mise à contribution des opérateurs de l'Etat n'est pas non plus écartée. Fin mars, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'était engagé à "écrire à tous les opérateurs de l'Etat" dont "les trésoreries se portent bien", citant "le Centre national du cinéma" ou encore "Business France", pour leur demander de formuler des "propositions d'économies". 

Limiter la hausse des dépenses des collectivités territoriales

Bercy entend par ailleurs "réaffirmer" auprès des collectivités locales les objectifs budgétaires qui leur ont été fixés. Le but n'est pas de leur demander "un effort supplémentaire", assure le ministère, mais de s'assurer que l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement se situe 0,5 point en dessous de l'inflation, comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques. Le ministère pointe, pour 2023, un "dérapage" de ces dépenses qui ont cru de 5,9%, en raison notamment d'une hausse des "dépenses de personnel et d'achat dans un contexte d'inflation" et d'un "investissement dynamique". Avec une inflation prévue à 2,5% en 2024, le gouvernement enjoint les collectivités à limiter la hausse des dépenses autour de 2% en 2024 et espère ainsi "sécuriser" 2,5 milliards d'euros. 

Réunis mardi au ministère de l'Economie, les représentants des régions, des départements, des communes et intercommunalités ont toutefois réaffirmé leur opposition à une réduction de leurs moyens pour aider le gouvernement à maintenir sa trajectoire de réduction du déficit. Interrogé à l'issue de la réunion sur un éventuel coup de rabot sur les dépenses de fonctionnement, le président centriste du conseil départemental du Calvados, Jean-Léonce Dupont, a réagi auprès de l'AFP : "Je pense très honnêtement que c'est impossible."

"Nous avons déjà largement donné", a abondé le socialiste André Laignel, président du Comité des finances locales. Les collectivités territoriales ont déjà vu leurs moyens diminuer ces dernières années, en partie via la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. 

"Taxer les rentes" de certaines entreprises

Si le ministère de l'Economie a de nouveau assuré que les efforts budgétaires ne seraient pas supportés par "les ménages" et "la quasi-totalité des entreprises", il entend toutefois "taxer les rentes" de certaines entreprises. Le Premier ministre a d'ailleurs récemment confié une mission parlementaire sur ce sujet à quatre députés de la majorité dont les conclusions sont attendues en juin.

Bercy souhaite notamment mettre davantage à contribution les énergéticiens, via une hausse de la contribution sur la rente inframarginale (CRI), une taxe exceptionnelle lancée en 2023 sur les profits des énergéticiens, gonflés ces dernières années par la hausse des prix de l'énergie. En 2023, seuls 300 millions d'euros ont été collectés, "soit dix fois moins que ce qui était prévu", a récemment regretté Bruno Le Maire. "On attend un rendement nettement supérieur à ce qu'on a connu l'année dernière et on prendra les mesures pour ce faire", promet le ministère.

Les grandes sociétés qui rachètent leurs actions sont également dans le viseur du gouvernement. En mars 2023, Emmanuel Macron avait fustigé le "cynisme" de certains grands groupes du CAC40 "qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions", faisant artificiellement grimper leurs cours en bourse. Le ministère de l'Economie réfléchit à taxer ces rachats.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.