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Opération "Wuambushu" à Mayotte : Gérald Darmanin "fait à Mayotte ce qu'il voudrait faire en métropole avec ses mesures sur l'immigration", dénonce la LDH

"Des opérations de démantèlement des bidonvilles, il y en a déjà eu à Mayotte et ça n'a rien résolu parce que c'est une situation de misère" déplore Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des Droits de l'Homme.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un employé chargé de la démolition du bidonville "Talus 2" dans le district de Koungou à Mayotte le 22 mai 2023 (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Ce que fait Gérald Darmanin à Mayotte, "c'est ce qu'il voudrait faire en grande partie en métropole avec ses mesures sur l'immigration", a dénoncé lundi 22 mai sur franceinfo Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), alors que la démolition d'un vaste bidonville dans le cadre de l'opération "Wuambushu" a repris ce lundi matin à Mayotte. Cette reprise de démolition du bidonville de Talus 2, désormais autorisée par la justice, va se poursuivre sur plusieurs semaines. Le ministre de l'Intérieur pourra "se vanter du volontarisme politique", juge Marie-Christine Vergiat.

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La représentante de la LDH estime "qu'on lutte contre l'insalubrité du logement à coup de bulldozers". Elle rappelle par ailleurs que "les mouvements de population entre les îles sont ancestraux" et ont été freinés au moment de "l'indépendance de Mayotte par rapport au reste des Comores". Les Comoriens sont "des boucs émissaires", affirme Marie-Christine Vergiat.

franceinfo : Quel est votre sentiment après la reprise de l'opération "Wuambushu" et la démolition d'un bidonville ? La députée Liot de Mayotte Estelle Youssouffa s'en est félicitée, pointant des zones insalubres, des zones de non-droit.

Marie-Christine Vergiat : Que ce soit des zones insalubres, oui, il n'y a pas de doute. Que cela constitue 40 % de l'habitat à Mayotte, il n'y a pas de doute. Qu'on lutte contre l'insalubrité du logement à coup de bulldozers, là, j'ai des doutes. Parce qu'on sait que dans ces logements insalubres, il y a des populations en situation irrégulière, des populations comoriennes en situation régulière et des Mahorais. Et tout ce tout ce que propose monsieur le préfet, malgré son air très satisfait de lui-même, c'est du relogement provisoire. Mayotte a un problème de misère sociale, avec 80 à 85 % de la population en dessous du seuil de pauvreté. Il n'y a pas assez de logements pour loger la population. S'il y avait des logements, on n'aurait pas de logements insalubres.

Est-ce que, selon vous, il aurait fallu attendre de construire de nouveaux logements pour permettre à ces familles d'être relogées de manière plus pérenne ?

Oui, bien sûr. La première chose, quand on veut lutter contre l'insalubrité, quand on est dans une situation de misère comme celle de Mayotte, c'est de construire des logements. Et moi je ne comprends toujours pas pourquoi on mélange la question de l'insalubrité de l'habitat, la question de la délinquance et la question de l'immigration irrégulière. C'est scandaleux. Ça sert monsieur Darmanin. Il peut se vanter du volontarisme politique. Ce qu'il fait à Mayotte, c'est ce qu'il voudrait faire en grande partie en métropole avec ses mesures sur l'immigration. L'opération "Wuambushu", elle sert à ça. Des opérations de démantèlement des bidonvilles, il y en a déjà eu à Mayotte et ça n'a rien résolu parce que c'est une situation de misère. L'État français n'est pas à la hauteur de ce qu'il faudrait construire dans ce département.

La députée Liot de Mayotte Estelle Youssouffa dénonce des occupations illégales de terrains publics et privés, majoritairement par des personnes en situation irrégulière. Qu'en pensez-vous ?

On ne résout les problèmes de cette façon. C'est résoudre par la violence et par la force. Et ce n'est pas vrai que ce sont majoritairement des gens qui sont en situation irrégulière. Les médias métropolitains ont fait suffisamment de reportages pour montrer que les situations sont très emmêlées, que dans la même famille il peut y avoir des enfants ou des parents qui sont en situation régulière ou irrégulière. Donc ce n'est pas aussi simple que veulent nous le dire madame la députée, monsieur le préfet et monsieur le ministre. La situation dans ce département est insupportable parce que cela fait 50 ans que l'on n'a pas mis les moyens à la hauteur de ce qu'il fallait faire. Pourquoi il y a de l'immigration illégale entre les Comores ? Parce que c'est un archipel et que les mouvements de population entre les îles sont ancestraux. Ils ont toujours voyagé entre les différentes îles. C'est l'indépendance de Mayotte par rapport au reste des Comores qui a mis un frein, ainsi que le visa Balladur en 1995 qui a empêché la libre circulation entre les îles. Et c'est ça qui fait que les gens viennent se fixer alors que normalement ils feraient des allers-retours.

Ce que dénoncent aussi de très nombreux habitants, c'est une situation d'insécurité sur l'île, avec beaucoup de violence. Et que lorsqu'il y a beaucoup de pauvreté, cela entraîne beaucoup de violence. Vous l'entendez ?

Alors luttons contre la pauvreté. Une des choses que l'on ne dit pas assez par rapport à ce qui se passe à Mayotte, c'est que la moitié des Mahorais vivent en métropole, vivent hors du territoire mahorais. Pourquoi est-ce que les jeunes Mahorais cherchent à s'en aller ? C'est parce qu'il n'y a pas d'espoir de vie sur cette île. C'est parce que les moyens ne sont pas mis sur cette île. On cherche à montrer des boucs émissaires. Les personnes étrangères, principalement comoriennes, qui vivent à Mayotte, sont juste des boucs émissaires qui masquent les carences de l'Etat dans ce qui se passe. Et je le redis, c'est une façon de tester ce que veut faire le gouvernement en territoire métropolitain par rapport au droit des étrangers. La France se fait condamner X fois par la Cour européenne des droits de l'homme sur ce territoire. Le droit des étrangers, mais le droit en général est un droit dérogatoire. On ne respecte pas la population de ces territoires. Et c'est non seulement la population en situation régulière, c'est toute la population qui n'est pas respectée, qui n'a pas accès au droit.

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