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Voile à l’Unef : l’auteure du portrait de Maryam Pougetoux dans le "New York Times" réagit au déferlement de critiques

Aida Alami, qui a réalisé le portrait de Maryam Pougetoux, présidente de l'Unef à l'université Paris 4, musulmane et voilée, suscite un déchaînement sur les réseaux sociaux. Des réactions qui "révèlent les crispations de la société française" autour de la question du voile et de la laïcité en France, selon elle.

Article rédigé par franceinfo
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La présidente de l'Unef à l'université Paris IV, Maryam Pougetoux, dans une vidéo prise le 2 mai 2018. (AFP)

"Alors, j'ai couvert les révolutions arabes, été en reportage dans plus de dix pays. Pas un seul de mes articles n'a généré autant de colère que celui-ci. J'encourage les conversations civilisées sur le sujet. Vous pouvez le lire si ce n'est pas déjà fait." Depuis la publication de son article, le 1er juin, par le New York Times, Aida Alami, journaliste freelance, croule sous les mentions sur les réseaux sociaux. 

L'objet du courroux : un portrait (en anglais) de Maryam Pougetoux, présidente de l'Unef à l'université Paris 4, une jeune femme musulmane, critiquée jusqu'au sein du gouvernement pour le port de son voile, jugé par certains incompatible avec ses activités dans le syndicat classé à gauche. Dans cet article, intitulé "L'étudiante qui fait fulminer les laïques de France" ("The college student who has France's secularists fulminating"), Aida Alami cite notamment un tweet de Laurent Bouvet, cofondateur du mouvement Printemps républicain et membre du Conseil des sages de la laïcité, interrogé dans l'article et qui avait marqué le début de la polémique.

Après la publication de l'article, Laurent Bouvet a posté sur Facebook une critique du travail d'Aida Alami, ajoutant notamment des guillemets ironiques à sa fonction de journaliste. Mais il est loin d'être le seul critique de cet article. Une simple recherche dans les mentions de la journaliste sur Twitter permet de se faire une idée. La journaliste est prise à partie et se retrouve mêlée à d'interminables débats enflammés sur le port du voile ; sa déontologie est remise en cause, ses compétences, ses connaissances de la France... Interrogée par franceinfo, la journaliste, qui vit au Maroc, estime que ces réactions "révèlent les crispations de la société française".

Franceinfo : Quel était le sens de votre démarche en réalisant le portrait de Maryam Pougetoux ?

Aida Alami : Maryam Pougetoux est un symbole du fait que les gens n'arrivent pas à s'écouter et à s'entendre. Personne ne semble s'être dit que c'est une post-ado qui a 19 ans et n'a réfléchi aux conséquences des attaques qu'elle a subies. Mon article est un portrait de cette jeune étudiante, contrairement à beaucoup d'autres articles qui ont été faits sur ce sujet. Ce qui a dérangé avec mon article, c'est que je l'ai humanisée. ["Maryam Pougetoux est une cible étrange pour les gardiens de l'identité française, pour les islamophobes et les gens totalement racistes, dans le sens où elle est profondément française et tolérante sur le plan religieux", écrit-elle notamment dans le texte publié par le New York Times.]

Le but était de montrer comment quelqu'un d'aussi jeune se retrouve dans une telle situation, à cristalliser autant d'oppositions et de problèmes sociétaux, et comment elle réagit à tout ça. Mon article cite le rapporteur de l'Observatoire de la laïcité en France, qui explique ce que signifie la laïcité. C'est une très belle valeur, qui est censée permettre aux gens de vivre ensemble et non les diviser. La laïcité, ce n'est pas imposer la non-religion. 

Quelles sont les critiques que vous avez reçues après la parution 

Il y a des réactions extrêmement encourageantes et positives, mais il y a également beaucoup de réactions de colère. On me dit que je ne comprends pas la France, que je passe à côté du 'vrai sujet', que la France est un pays laïc, que les Français ne sont pas communautaristes comme les Américains... Ce n'est absolument pas l'objet de l'article. Il y a aussi beaucoup d'attaques de la part de personnes mal informées sur mon cas.

On me prête des appartenances politiques, on me parle d'"islam politique", de telle ou telle mouvances alors que je ne vis pas en France et que ce contexte ne me concerne pas. Je fais mon travail, comme je le fais partout.

Aida Alami, journaliste

à franceinfo

Selon moi, cela vient en partie de personnes qui ne parlent pas forcément anglais, donc qui n'ont pas lu article, mais qui réagissent sur les réseaux sociaux à des commentaires lancés par d'autres gens qui peuvent être de mauvaise foi, qui ne rapportent pas ce qui est dans l'article. 

Vous attendiez-vous à susciter de telles réactions en réalisant le portrait de Maryam Pougetoux ?

J'ai quand même plusieurs années d'expérience derrière moi, je suis journaliste politique, j'ai souvent écrit sur des sujets controversés et des choses assez sensibles. Mais c'est la première fois que j'ai un tel déferlement de réactions. 

Je n'ai pas écrit ce tweet pour qu'on me vienne à l'aide, il s'agit seulement d'une observation.

Ces réactions montrent à quel point il y a des crispations dans la société française. Et c'est d'ailleurs ce que je voulais montrer dans mon article.

Aida Alami, journaliste

à franceinfo

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