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Islam : en Alsace, une école pour former des imams capables "de répondre aux attentes de la société française"

Parmi les priorités du Forum de l'islam de France (Forif), qui se réunit pour la première fois samedi à Paris, la formation des imams. La France ne compte que trois écoles, dont une qui a récemment ouvert près de Strasbourg, où franceinfo s'est rendu. 

Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une demi-douzaine d’étudiants sont assis autour d’une table en U dans de grands locaux de la banlieue de Strasbourg. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

"La parole est à toi, cher Tareq !" Une demi-douzaine d’étudiants sont assis autour d’une table en U dans de grands locaux à Ostwald, dans la banlieue de Strasbourg. Une poignée d’autres suivent le cours depuis chez eux, à Marseille ou même à La Réunion, en visioconférence. Le grand imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, qui enseigne ce jour-là à cette toute première promotion de l’École nationale des cadres religieux et aumôniers musulmans (Encram), nouvellement ouverte à Strasbourg, est lui aussi à distance.

Alors que le Forum de l’islam de France (Forif) se réunit à Paris, samedi 5 février, en prenant en quelque sorte la suite d’un Conseil français du culte musulman (CFCM) totalement paralysé, la question de la formation des imams et des aumôniers figure parmi les dossiers prioritaires. Beaucoup sont aujourd’hui liés à des pays étrangers, essentiellement la Turquie, l’Algérie et le Maroc, car la France compte trop peu de lieux de formation : trois seulement, dont cette nouvelle école située en Alsace.

"La langue est un facteur d’inculturation"

Tareq Oubrou, le grand imam de Bordeaux, déroule son cours de théologie : "Oui, la langue est un facteur d’inculturation : c’est-à-dire que parler de Dieu en français, c’est déjà le vivre et le penser autrement !" Hanane Lamouri, jeune femme de 32 ans, responsable de l’aumônerie musulmane des hôpitaux universitaires de Strasbourg, prend des notes :

"La théologie, ce n’est pas quelque chose de poussiéreux ! Voyez, ce soir avec Tareq Oubrou : on a vraiment un contenu qui est réfléchi, et qui est en phase avec ce qu’on vit en France. C’est cela qui est important !"

Hanane Lamouri

à franceinfo

Comme beaucoup ici, dans cette toute première promotion de l’Encram, la jeune femme – qui ne porte pas le voile - ne veut pas forcément devenir imame, mais souhaite perfectionner son approche de l’islam. "Je le vis chaque jour à l’hôpital, avec les personnes que l’on accompagne, poursuit Hanane Lamouri. Certains n’ont jamais mis les pieds dans une mosquée, ou alors pas depuis très longtemps. Ils ont en tout cas avec l’islam une relation très distendue ! On les accompagne, mais pas comme le feraient certains pays qui ont une vision rigoriste. On le fait avec une vision d’ouverture, puisqu’on est en France. Il faut vivre dans le contexte français !"

Derrière la création de cette école, une figure locale, très impliquée dans le dialogue inter-religieux, mais aussi docteur en physique nucléaire : Abdelhaq Nabaoui, 57 ans, ancien président du Conseil régional du culte musulman en Alsace. "Aujourd’hui, il n’y a pas assez de structures pour former des aumôniers et des imams, indique ce dernier. Il faut agir au niveau de la pensée. Un imam doit être capable de répondre aux attentes des musulmans, de la société française, mais aussi de jeter des ponts avec les autres religions."

L'école ne reçoit pas de financements étrangers

Un pasteur, un rabbin, d’ailleurs ont été récemment invités en classe. Les cours sont bien sûr intégralement en français, et attirent jusqu’à de jeunes retraités, comme Nejib Lejri, ancien chef de service en pédiatrie. Il veut continuer à transmettre, cette fois en parlant d’islam : "Je pourrais éventuellement animer des cercles de discussion pour les jeunes, parce qu’ils ont beaucoup de questionnements : comment pratiquer l’islam en Europe ? Comment s’adapter sans faire de vagues ?", expose Nejib Lejri. "Je suis convaincu que l'islam s'adapte à tout." L’école insiste par ailleurs : ici, pas de financement venu de l’étranger : ce sont les élèves qui payent, pour se former : 800 euros l’année. Abdelhaq Nabaoui espère une promotion de quarante personnes à la rentrée prochaine et d’ici cinq ans, jusqu’à 500 étudiants, dont certains deviendront les imams des 2 500 mosquées françaises.

En Alsace, une école pour former de futurs imams capables "de répondre aux attentes de la société française"- Le reportage d'Agathe Mahuet

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