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Visite du pape François à Marseille : accueil des personnes LGBT, place des femmes, abus sexuels... Ces dossiers sensibles au sein de l'Eglise catholique

Article rédigé par Capucine Licoys
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Le pape François rencontre les cardinaux élus pour participer au prochain synode, au Vatican, le 29 août 2022. (VATICAN MEDIA / CPP / HANS LUCAS / AFP)
A l'occasion de la venue du souverain pontife en France, franceinfo revient sur les questions de société qui seront abordées en octobre au Vatican lors du synode, une assemblée qui va réfléchir à l'avenir de l'Eglise.

Une visite exceptionnelle de deux jours. Le pape François est à Marseille les vendredi 22 et samedi 23 septembre. Depuis la cité phocéenne, il a regretté une nouvelle fois que la Méditerranée soit devenue "un immense cimetière" de migrants, avant de célébrer une messe au stade Vélodrome. A son retour au Vatican, le chef spirituel de l'Eglise catholique sera confronté à d'autres préoccupations sociétales. Du 4 au 29 octobre, les évêques s'y retrouveront pour un synode – une assemblée réunie pour l'examen des problèmes de la vie ecclésiale – au cours duquel ils vont réfléchir à l'avenir de leur Eglise, fracturée autour des questions de genre et de sexualité.

Les discussions de cette assemblée s'appuient sur un document de travail publié fin juin par le Saint-Siège. Fruit de la consultation d'1,3 milliard de catholiques dans le monde entier, étalée sur deux ans, ses conclusions sont sans équivoque : la Curie romaine (l'administration du Vatican) doit s'interroger sur l'inclusion des "personnes qui ne se sentent pas bien acceptées dans l'Eglise". Notamment les personnes LGBT+, les femmes, mais aussi les victimes d'abus sexuels et spirituels. Voici les sujets brûlants auxquels le synode doit s'atteler au cours du mois d'octobre.

L'accueil des personnes LGBT+ : un sujet encore très clivant

L'Eglise catholique va se pencher sur une question qui la divise : quelle place pour les personnes LGBT+ ? Le catéchisme catholique prône d'un côté l'accueil des personnes homosexuelles "avec respect, compassion et délicatesse", explique le site de la Conférence des évêques de France. Mais de l'autre, il qualifie ces actes d'"intrinsèquement désordonnés", décrit le même site.

"L'Eglise accueille le pécheur, mais pas le péché", résume le sociologue du catholicisme Josselin Tricou, interrogé par franceinfo. Les hommes d'Eglise sont fortement divisés sur le sujet. "Le baptême est rarement refusé", précise le sociologue, "mais il suscite des réticences chez des prêtres si la personne est ouvertement en couple gay ou lesbien et refuse d'y renoncer".

"Il y a une cristallisation très forte sur la question de la sexualité de la part de l’Eglise catholique, dont la position apparaît en décalage avec la société."

Josselin Tricou, sociologue du catholicisme

à franceinfo

Le pape François a distillé des signes d'ouverture depuis le début de son pontificat en 2013. "Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ?", avait-il déclaré, tout juste élu. Sa déclaration, inédite, ne s'est pas traduite par une évolution de la doctrine. En janvier, le souverain pontife a même réaffirmé la doctrine catholique considérant l'homosexualité comme un péché. Cette position s'explique "sans doute par la peur du pape François de polariser les fidèles", intransigeants d'un côté, progressistes de l'autre, selon Josselin Tricou, également auteur d'un livre-enquête sur la masculinité des prêtres.

Mais l'Eglise catholique semble cependant évoluer à la veille du synode. Pour la première fois de son histoire, l'institution mentionne l'existence de la communauté LGBT+ dans un document public, rapporte La Croix. De quoi susciter les espoirs d'un groupe trop longtemps stigmatisé au sein de l'Eglise, estime Jean-Michel Dunand, fondateur de Communion Béthanie, une association chrétienne et LGBT+. "C'est un signal fort, mais il faudra des paroles et des actes concrets pendant le synode", prévient Jean-Michel Dunand. Il espère que certains sujets sensibles seront remis en question lors de l'assemblée, comme l'interdiction de bénir les couples homosexuels, renouvelée par le pape, rappelle La Croix.

La place des femmes : une préoccupation "unanime" des fidèles

"On peut le dire, la décision de donner le droit de vote à 35 femmes [sur environ 300 votants, dont 70 laïcs] pendant le synode est magistrale", exulte la militante féministe catholique Anne Soupa, fondatrice du Comité de la jupe, qui prône une meilleure intégration des femmes dans l'écosystème ecclésial. Et pour cause, la mesure est historique : jusqu'à aujourd'hui, une seule femme était autorisée à voter lors de cette assemblée.

Sous l'impulsion du pape François, un changement de paradigme a été opéré sur cette question. "De manière unanime (...) toutes les assemblées continentales appellent à prêter attention à l'expérience, au statut et au rôle des femmes" est-il indiqué dans l'Instrumentum Laboris (nom traditionnel du document préparatoire du synode).  La nomination de plusieurs femmes à des postes de responsabilité, dont la Française Nathalie Becquart comme sous-secrétaire du synode, ou encore l'octroi du droit de vote à 35 femmes lors de cette assemblée, témoignent d'un regain d'intérêt pour la question.

"Jusque-là, les papes avaient refusé d'accorder ce vote au nom d'une idéologie différentialiste", analyse Anne Soupa. Selon elle, c'est cette même logique qui confine les femmes dans leur rôle d'épouse et de mère. Et rend par la même occasion toute discussion sur l'ordination de femmes prêtres "bouchée, à cause du barrage des conservateurs", avance la militante chrétienne. Dans ce contexte, le droit de vote des femmes au synode est vu comme "un début prometteur, mais pas un aboutissement", nuance-t-elle.

"Les femmes ont des responsabilités administratives et matérielles dans les paroisses, mais elles doivent accéder de plus près à la question des sacrements."

Anne Soupa, fondatrice du Comité de la jupe

à franceinfo

Tous les regards se portent désormais sur la possibilité de nommer des femmes diacres. "Peut-on l'envisager, et comment ?" interroge le texte préparatoire du synode. Ce statut, exclusivement réservé aux hommes, autorise à célébrer des sacrements tels que le baptême, le mariage et les funérailles, mais pas la messe. Dans les faits, des femmes assurent déjà certaines de ces fonctions, sans que l'Eglise leur accorde le titre de diacre. La perspective de son ouverture aux femmes ponctue régulièrement la vie de l'Eglise catholique : elle a même fait l'objet d'une commission en 2016.

Malgré ces efforts, la question reste en suspens et le pape s'y est opposé à plusieurs reprises. "Plusieurs écrits font mention de femmes ordonnées prêtres et diacres au premier siècle, oppose le théologien et prêtre britannique James Alison. Rien dans le Nouveau Testament ne l'interdit, ce n'est donc pas une question de textes institutionnels", souligne-t-il.

Le traitement des abus perpétrés par des membres du clergé : un chantier un cours

Autre sujet de controverse au sein de l'Eglise catholique : les abus commis par des membres du clergé. Qualifiée par les auteurs de l'Instrumentum Laboris de "plaie ouverte, qui continue d'infliger des souffrances aux victimes et aux survivants, à leurs familles et à leurs communautés", la question provoque toujours des remous au sein de l'institution. En mars 2021, la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus dans l'Eglise (Ciase) avait été une déflagration. Environ 330 000 personnes auraient été victimes de violences sexuelles dans l'Eglise catholique depuis 1950 en France, selon une "estimation minimale".

>> "Je ne veux pas de cet argent" : quand des victimes de violences sexuelles au sein de l'Eglise désertent les instances de réparation

"Je crains que ce synode soit un flop", augure Isabelle Chartier-Siben, médecin et présidente de l'association d'aide aux victimes C'est à dire. Un pressentiment qui se base sur la réception par l'Eglise des travaux de la Ciase : fin 2022, une rencontre prévue entre des membres de la commission et le pape a été annulée au motif d'un agenda trop chargé, rapporte Le Parisien. Au vu de la levée de boucliers suscitée par la publication du rapport – notamment attaqué sur sa méthodologie par l'Académie catholique de France – elle doute qu'il s'agisse d'une question de temps et évoque plutôt des antagonismes profonds au sein de l'institution. "Mon souhait, c'est que cette question n'aboutisse pas à un schisme dans l'Eglise", déclare Isabelle Chartier-Siben.

A l'échelle de la France, les effets de certaines réformes pourraient se faire ressentir dans les prochaines années. La création d'un tribunal pénal canonique national en décembre 2022 – une initiative inédite dans le monde, relève Télérama – est censée contrecarrer la toute-puissance des évêques dans les affaires d'agressions sexuelles sur majeurs. "Jusqu'à récemment, les évêques avaient tous les pouvoirs, explique Isabelle Chartier-Siben. Donc, si quelque chose se passait dans leur diocèse, ils étaient les seuls à pouvoir traiter les plaintes."

Désormais, ces ecclésiastiques ne devraient plus être "juges et parties", selon la médecin, puisqu'ils "ne seront plus les seuls à pouvoir juger et/ou transmettre des informations au Vatican". Cette réforme semble de nature à répondre aux attentes des catholiques français. Selon un sondage Ifop-La Croix, ils étaient un an plus tôt près de neuf sur dix à souhaiter que les pouvoirs soient mieux répartis au sein de l'Eglise. Autre mesure suscitant des espoirs : la levée du secret pontifical, actée en 2019. Celle-ci, souligne Le Monde, doit permettre aux victimes d'être mieux informées des sanctions décidées à l'encontre de leur agresseur.

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