Hygiène défaillante, risques d'incendie... Ce que dénonce la contrôleure générale des lieux de privation de liberté dans son rapport annuel

Dominique Simonnot, qui s'est récemment indignée du niveau de surpopulation carcérale en France, présente mercredi son rapport d'activité pour 2023. Elle y dénonce notamment des "failles inquiétantes" dans les prisons ou les centres éducatifs fermés et "l'état alarmant de la pédopsychiatrie".
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une cellule où sont détenus sept hommes, au centre pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 9 juin 2023. (ARNAUD LE VU / HANS LUCAS / AFP)

"C'est toute une chaîne qui déraille depuis trop longtemps." Dans son dernier rapport d'activité, mis en ligne mercredi 15 mai et que franceinfo a pu consulter, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, dénonce des "failles inquiétantes" relevées lors de ses 110 visites effectuées au cours de l'année 2023, notamment dans 31 établissements pénitentiaires, 26 de santé mentale, cinq centres de rétention administrative (CRA) ou encore des centres éducatifs fermés (CEF). Elle formule des recommandations, auxquelles les ministres concernés peuvent répondre, dans le cadre d'une procédure contradictoire. Franceinfo résume l'essentiel de son rapport.

Des risques d'incendie en prison

Pour la troisième année consécutive, la CGLPL s'alarme de la surpopulation carcérale, qui a atteint un nouveau record. Dominique Simonnot affirme ainsi avoir vu, au cours de l'année écoulée, "des cellules collectives prévues pour quatre personnes occupées par sept".

Dans la plupart de ces bâtiments, "l'hygiène est défaillante", lit-on dans son rapport. En outre, la CGLPL se montre "particulièrement préoccupée par les risques d'incendie en détention", dans des établissements gravement touchés par la surpopulation, une situation à laquelle elle a été confrontée deux fois en deux ans au cours de ses visites. "L'administration pénitentiaire fonctionne avec des effectifs de plus en plus tendus", "marqués par leur impuissance professionnelle", souligne, par ailleurs, Dominique Simonnot.

Des établissements psychiatriques en "crise"

"Il n'est pas un seul des établissements visités par le CGLPL qui ne souffre pas, avec plus ou moins d'intensité, de graves problèmes de recrutement de médecins et de personnel soignant", dénonce le rapport annuel de Dominique Simmonot. "Cette crise démographique bien connue atteint aujourd'hui un stade d'extrême gravité", insiste-t-elle.

En parallèle, une hausse du taux de recours aux soins sans consentement est également observée dans les établissements visités en 2023. Or, "les modalités d'exécution des mesures d'isolement et de contention peuvent porter atteinte aux droits des patients", relève le rapport. Pour y remédier, la contrôleure générale propose "trois méthodes" afin de recueillir le consentement "de manière efficace et humaine". Enfin, le rapport insiste sur "l'état alarmant de la pédopsychiatrie", qui "conduit souvent à l'hospitalisation de mineurs en psychiatrie pour adultes".

Dans les centres de rétention administrative, une "carcéralisation croissante"

Au cours de l'année 2023, la CGLPL a observé "avec une grande inquiétude" l'évolution des centres de rétention administrative (CRA), ces lieux fermés où sont conduits les étrangers visés par des mesures d'éloignement. "La volonté d'y placer prioritairement des étrangers 'auteurs de troubles à l'ordre public' a eu pour conséquence, quoique de manière moins systématique qu'on ne le dit, une augmentation de la part des retenus sortant de prison ou de garde à vue", relève le rapport.

Une évolution qui va jusqu'à "susciter une véritable atmosphère de peur dans laquelle se multiplient incidents et violences verbales ou physiques", selon Dominique Simonnot. Si elle critique le CRA 2 de Lyon, celui de Saint-Jacques-de-la-Lande est en revanche loué pour sa "gestion tournée vers la prévention des conflits".

Toujours autant d'atteintes aux droits en garde à vue

Au printemps 2023, en pleine contestation de la réforme des retraites, Dominique Simonnot avait envoyé un courrier au ministre de l'Intérieur pour dénoncer des "conditions d'hygiène indignes" en garde à vue et des "irrégularités", après avoir contrôlé neuf commissariats les 24 et 25 mars.

Ce constat se retrouve dans son dernier rapport annuel : dans les services de police, "l'idée même d'hygiène est illusoire", tandis que dans les unités de gendarmerie, "les conditions bâtimentaires sont très disparates" et "les geôles des tribunaux présentent généralement un caractère spartiate". "Les douches existent rarement", tout comme "les vestiaires de secours", relève la contrôleure générale. "Le retrait des objets prétendus dangereux (lunettes et soutien-gorge) reste le plus souvent systématique et ils ne sont pas toujours rendus pour les auditions", dénonce-t-elle encore.

Des centres éducatifs fermés "précaires"

Enfin, la CGLPL pointe "la grande fragilité" des centres éducatifs fermés (CEF), qui demeure. Créées en 2002, objet d'une évaluation de la Cour des comptes vingt ans plus tard (en PDF), ces structures d'hébergement sont destinées aux mineurs délinquants, qui y sont placés dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'une libération conditionnelle. Dominique Simonnot en a visité quatre en 2023.

Tous rencontrent des difficultés de recrutement. Néanmoins, certains CEF présentent des évolutions positives : pour l'un d'eux, des locaux rénovés ; pour deux autres, "des activités riches et nombreuses". Le rapport souligne néanmoins "l'insuffisance généralisée des heures d'enseignement" et le fait que "de plus en plus de jeunes souffrant de troubles psychiatriques ou cognitifs" se retrouvent en CEF, quand "aucune solution ni structure adaptée à leur cas n'a été trouvée".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.