Pourquoi la question de la fermeture de la centrale de Fessenheim est toujours aussi électrique
Un conseil d'administration d'EDF doit se prononcer, jeudi, sur cette promesse phare de François Hollande, lors d'un vote au résultat toujours incertain.
Fessenheim fermera-t-elle ? Le sort de la doyenne des centrales nucléaires françaises doit être au menu, jeudi 6 avril, d'un conseil d'administration d'EDF, l'exploitant de la centrale. Le conseil doit se prononcer lors d'un vote sur cette promesse de François Hollande, attendue par les écologistes mais conspuée par les syndicats.
>> VIDEO. Comment François Hollande s'est contredit sur le sort de la centrale de Fessenheim
Au préalable, l'arrêt de Fessenheim a été surbordonné à trois conditions, toutes réunies fin janvier : l’absence d’opposition de la Commission européenne sur l'indemnisation d'EDF en cas de fermeture, l’autorisation de poursuivre la construction de l’EPR de Flamanville et la possibilité de continuer à exploiter l'un des réacteurs de la centrale de Paluel en Seine-Maritime. Malgré ces accords, le vote du conseil de jeudi reste incertain. Explications.
Parce que les salariés y sont opposés
L'arrêt de la centrale de Fessenhein doit être obtenu lors d'un vote à majorité simple du conseil d'administration d'EDF. Ce conseil est composé de 18 membres : 6 représentants de l'Etat, 6 administrateurs salariés et 6 administrateurs indépendants.
Les 6 administrateurs salariés voteront contre l'arrêt de la centrale. Face au conflit d'intérêt, puisque EDF est détenu à 83,10% par l'Etat, les 6 représentants de l'Etat ne se prononceront pas. L'issue du vote dépend donc des 6 administrateurs indépendants, parmi lesquels le PDG du groupe, Jean-Bernard Lévy, dont la voix compte double en cas d'égalité. "Un seul administrateur indépendant peut faire basculer le vote", résume à l'AFP une source proche du dossier.
"On voit bien qu'il y a une pression qui a été mise depuis plusieurs jours sur les administrateurs indépendants pour qu'ils puissent voter la fermeture, dénonce Marie-Claire Cailletaud, porte-parole CGT de la Fédération nationale de l'énergie à franceinfo. On sait qu'il y a des tractations entre l'Elysée, Ségolène Royal et ses administrateurs indépendants et la direction d'EDF. (...) La pression nous semble assez folle et inacceptable."
Mercredi soir, la ministre de l'Environnement et de l'Energie a mis en garde les administrateurs d'EDF sur le "coup" qu'ils porteraient à l'entreprise s'ils ne donnaient pas leur feu vert pour la fermeture de la centrale. Invitée de CNews, Ségolène Royal a estimé que son maintien mobiliserait des investissements qui "ont mieux à faire dans les énergies renouvelables".
Parce que la proximité de la présidentielle pollue le débat
Le gouvernement espère signer le décret préparant l’arrêt de Fessenheim avant la fin du quinquennat, ce qui permettrait à François Hollande de tenir sa promesse de campagne. Or, selon Le Parisien, EDF chercherait à gagner du temps. L'électricien étudierait une stratégie pour repousser le vote. L'idée serait de faire voter une délibération qui donne mandat à Jean-Bernard Levy pour que lui seul décide de la date de fermeture. Cela permettrait aussi à l'électricien de renégocier le dossier avec le nouveau président de la République, après l'élection présidentielle.
L'avenir de la centrale nucléaire de Fessenheim, mise en service en 1977, fait l'objet de positions divergentes entre les candidats à la présidentielle. François Fillon, candidat Les Républicains, s’est engagé, s’il était élu, à "stopper la fermeture" de la centrale, rappelle Le Monde. La candidate frontiste, Marine Le Pen, promet aussi de revenir sur cette fermeture. Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou se prononcent pour la fermeture de la centrale. Emmanuel Macron propose, lui, l'arrêt, mais uniquement après la mise en service de l'EPR de Flamanville.
Parce que le retard de l'EPR de Flamanville complique le calendrier
Un autre scénario évoqué par l'AFP accorderait une nouvelle marge de manœuvre à EDF : il lie la fermeture de Fessenheim à la mise en service de l'EPR de Flamanville. En effet, la centrale alsacienne pourrait rester ouverte si la capacité de production nucléaire française était amenée à baisser en dessous du plafond prévu par la loi. La loi sur la transition énergétique plafonne la production nucléaire française à 63,2 gigawatts.
Si un réacteur est indisponible sur une longue durée, comme cela pourrait être le cas de Flamanville, Fessenheim pourrait rester ouvert pour pallier le besoin de production. C'est donc pour cela que l'arrêt des deux réacteurs de Fessenheim doit en principe intervenir au moment où l'EPR en construction à Flamanville doit entrer en service, soit à l'horizon 2019. Or, le démarrage de l'EPR est encore dans l'incertitude, en raison notamment de défauts de la cuve.
Face à cette situation, Ségolène Royal rappelle dans Le Figaro : "On ne va pas laisser EDF dans l'incertitude pendant encore deux ans. Je ne peux pas envisager que les administrateurs prennent une décision contraire à leurs engagements et à l'intérêt de l'entreprise."
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