: Reportage "On veut qu'on oblige l'employeur à prendre ses responsabilités" : les pompiers manifestent pour leur santé
Les pompiers manifestent à Paris jeudi 16 mai. Tous les syndicats appellent à la mobilisation. Ils réclament une augmentation de la prime feu qui récompense le courage et le dévouement des professionnels. Ils demandent également un avantage financier pour les sapeurs-pompiers mobilisés pendant les Jeux olympiques. Exactement comme les forces de l'ordre ou les agents de la RATP.
Mais leur principale revendication, c'est d'être mieux protégés contre les substances toxiques. "Un incendie produit environ 200 différents gaz. Et bien sûr, nos tenues ne filtrent pas tout. Elles sont là en priorité pour nous stopper au niveau de la chaleur, explique Michaël, pompier dans une caserne des Yvelines. Beaucoup de choses passent à travers et, malheureusement, arrivent dans notre peau", résume-t-il.
Pour pallier ce problème, les tenues sont traitées à l'aide de produits contenant des PFAS, polluants éternels dont certains ont des effets cancérogènes avérés. "Les imperméabilisants qu'on utilise pour protéger nos tenues incendie contiennent des PFAS, les émulseurs qui servent à faire la mousse possèdent des PFAS. On est confrontés beaucoup plus que d'autres types de populations à ces polluants", affirme Jean-Baptiste Auger, pompier à Châteauroux et représentant du syndicat CGT.
"On passe du temps déjà en dehors de notre famille, si c'est pour récupérer des maladies c'est du temps en moins avec nos proches."
Michaël, sapeur-pompier dans les Yvelinesà franceinfo
"Peu, voire pas" de mesures de prévention
Il se rassure grâce à un protocole de décontamination. Une fois arrivés à la caserne, les agents doivent notamment passer dans le vestiaire feu. "On y met notre tenue de feu avec quelques petites affaires, explique-t-il. Il est fermé des deux côtés. On peut donc se changer directement et prendre notre douche ici, sans monter dans les étages et polluer nos chambres."
Mais cette disposition ne se retrouve pas dans toutes les casernes. C'est bien le problème, selon Sébastien Mallevre, membre du syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels : "Il n'y a que peu, voire pas, d'obligation de préserver la santé des sapeurs-pompiers. On veut qu'on oblige l'employeur à prendre ses responsabilités."
Pour l'instant, aucune étude ne fait de lien entre les cancers développés par certains pompiers et les PFAS, et il n'existe pas de maladies professionnelles spécifiquement reconnues pour les pompiers en France. Sébastien Mallevre aimerait donc que l'on s'inspire du système canadien, qui permet de reconnaître juridiquement une maladie professionnelle dès lors qu'un sapeur-pompier présente certains symptômes prédéfinis.
De nouvelles cagoules sont attendues
Grâce à cette reconnaissance, les pompiers concernés pourraient notamment recevoir une aide financière. Cela permettrait aussi de mieux observer les risques auxquels ils sont confrontés, notamment en élaborant des statistiques : "Si on reconnaît, on commence à compter. Si on commence à compter, on peut mieux analyser, on peut mieux combattre", poursuit Sébastien Mallevre. En ce qui concerne les PFAS, Sébastien Delavoux, pompier animateur du collectif CGT SDIS, demande quant à lui que chaque pompier soit testé "pour savoir le niveau d'exposition".
Le ministère de l'Intérieur affirme entendre ces revendications. Il a déjà lancé de nouvelles cagoules, indique Tiphaine Pineau, directrice des sapeurs-pompiers à la sécurité civile : "Aujourd'hui la cagoule filtre à 10 ou 15%, et la future cagoule atteindra un taux de filtration de 75% environ, ou plus."
Mais évidemment, cela prendra du temps. De nombreuses études sont aussi prévues dans les mois à venir afin de mieux quantifier l'exposition des pompiers français aux substances toxiques.
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