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Qui est Jacques Toubon, le nouveau Défenseur des droits ?

L'ancien ministre RPR, dont la possible nomination avait provoqué une levée de boucliers de la gauche, est parvenu à convaincre les réticents.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'ancien ministre RPR Jacques Toubon, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 2 juillet 2014. (THOMAS SAMSON / AFP)

C'est l'aboutissement d'une longue carrière politique. A 73 ans, Jacques Toubon devient Défenseur des droits. Les commission des Lois ont validé mercredi 9 juin la proposition de François Hollande de nommer l'ancien ministre RPR en remplacement de Dominique Baudis, mort en avril des suites d'un cancer. 

Cette nomination ne s'est pas faite heurts : la gauche s'est largement mobilisée pour torpiller la candidature de Jacques Toubon. Mais sa désignation au poste de Défenseur des droits ne pouvait être bloquée que par une majorité des 3/5e des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat. Dans le détail, l'ex-ministre a rassemblé 32 suffrages favorables à l'Assemblée (19 contre) et 16 au Sénat (14 contre), par un vote à bulletins secrets. Sept bulletins étaient blancs ou nuls à l'Assemblée et 5 au Sénat.

Qui est Jacques Toubon et pourquoi a-t-il divisé la gauche ? Voici trois choses à savoir sur le nouveau Défenseur des droits.

Un pilier de la Chiraquie

Jacques Toubon est un chiraquien pur jus. Ce diplômé de l'ENA "a très vite mis ses pas dans ceux de l'ex-chef de l'État", rappelle Le Figaro. Il intègre les cabinets ministériels successifs de Jacques Chirac : Parlement, Intérieur, Agriculture, Matignon. Et au RPR, il gravit les marches une à une : délégué national du parti en 1977, secrétaire général adjoint en 1978, il devient secrétaire général entre 1984 et 1988. Député RPR de 1981 à 1997, Jacques Toubon devient aussi ministre en 1993. Il a la lourde tâche de succéder à Jack Lang au ministère de la Culture au sein du gouvernement Balladur. On se souvient particulièrement de sa loi de promotion de la francophonie surnommée "All Good", qui impose notamment des quotas de chansons francophones à la radio.

Après avoir activement œuvré au sein de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995, il est nommé ministre de la Justice. En 1998, Toubon tente un coup pour chasser Jean Tiberi de la mairie de Paris. Il échouera. Député européen de 2004 à 2009, Jacques Toubon a depuis été "écarté par Nicolas Sarkozy comme d’autres ex-chiraquiens", écrit Libération. Et depuis, il squatte les "cartes Vermeil de la République : conseiller d’Etat honoraire, administrateur de la Cité de l’architecture et du patrimoine, administrateur de l’orchestre de Paris, secrétaire général de l’association Avec le président Chirac". 

Un profil qui fait grincer les dents à gauche

C'est peu dire que les parlementaires ont accueilli fraîchement la proposition de François Hollande de nommer Jacques Toubon au poste hautement symbolique de Défenseur des droits. Entre stupeur et colère, les élus ont ressorti les "casseroles" de l'ancien ministre RPR. L'affaire de "l'hélicoptère" est déterrée : en 1996, le Garde des Sceaux Jacques Toubon déploie des moyens démesurés pour éviter la mise en examen de l'épouse du maire de Paris, Xavière Tiberi, accusée d'avoir touchée un salaire fictif. Le ministre envoie un hélicoptère dans l'Himalaya, où le procureur d'Evry passe ses vacances. Le but : que le procureur ramène son adjoint qui a ouvert une information judiciaire à la raison. La tentative échoue mais sa révélation fait grand bruit.

Autres griefs reprochés à Jacques Toubon, ses prises de position. "Nommer à ce poste un homme qui s’est prononcé contre l’abolition de la peine de mort [en 1981], contre la dépénalisation de l’homosexualité [en 1982], serait un signal désastreux sur la capacité de cette institution à rendre des décisions propres à favoriser la non-discrimination et la défense des citoyens quelles que soient leurs origines, leurs sexualités, leurs opinions", écrivent deux élus de la Gauche forte, un courant à la gauche du PS. On rappelle également que l'ancien ministre de la Justice s'est opposé en 1996 à un contrat d'union civile pour les homosexuels qui aurait été "contraire à l'ordre public", selon Jacques Toubon. Une pétition est lancée contre sa nomination au poste de Défenseur des droits par un conseiller national du PS et un porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts. Elle a rassemblé à ce jour près de 100 000 signatures.

Un politique habile 

C'est donc un homme attendu au tournant qui s'est présenté le 2 juillet pour son audition par la Commission des lois. Jacques Toubon s'est employé à répondre pied à pied aux critiques. Il n'a rien lâché, réussissant même le tour de force de séduire certains élus PS. "Toujours rond et lisse, toujours droit comme un général de l’armée chiraquienne, il jouait sa peau comme un débutant", raconte Libération. Toubon a tenu à démonter les "caricatures" contre lui. "Je ne suis pas l'homme que certains disent", dit-il d'emblée, ajoutant que les critiques sur des positions d'"il y a plus de vingt ou trente ans" relèvent d'un "anachronisme intellectuel"

Au poste de Défenseur des droits, il promet de faire "la guerre à l'injustice, qui ne peut être vaincue que par une véritable égalité des droits". Il se dit également à titre personnel "favorable depuis longtemps au droit de vote des étrangers aux élections locales". L'auditoire est conquis. Une élue PS salue un "vibrant coming out", le député radical de gauche Alain Tourret met en avant un "sens du punch et de la contre-attaque". "Je me demande si on doit encore voter pour lui !", rigole le député UMP Patrick Devedjian, cité par Libération.

Pas de quoi étonner ceux qui connaissent l'animal politique Jacques Toubon. Si l'homme paraît désormais "sage", "gentil" et progressiste sur les questions de société, c'est un "tueur" en politique, selon un ancien du RPR à la mairie de Paris. Selon Jean-François Legaret, élu UMP à Paris, Jacques Toubon est "une bête politique, qui retombe toujours sur ses pattes".

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