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Peine de probation : qui sera vraiment concerné ?

Un expert avance que 98% des condamnés pourraient échapper à l’incarcération grâce au mécanisme de "peine de probation" annoncé par Christiane Taubira. Vraiment ?

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un gardien à la porte d'une cellule, le 31 janvier 2006, à la centrale de Clairvaux (Aube). (JACK GUEZ / AFP)

La réforme pénale continue d'alimenter les débats. Christiane Taubira, la garde des Sceaux, a annoncé samedi la création d’une peine de probation comme alternative à la prison, pour les délits punis de cinq ans de prison ou moins. Mercredi 28 août, un expert cité par Le Figaro estime que 98% des condamnés pourraient bénéficier de ce dispositif.

Certains s'alarment de voir tous les délinquants échapper à la prison, tandis que d’autres dénoncent une manipulation des chiffres. Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale du PS aux libertés publiques et à la justice, s’inquiète de la tournure que prend le débat. "Arrêtons la caricature", affirme-t-elle à francetv info. "On ne peut pas laisser croire que la majorité des délinquants vont être relâchés dans la nature". Qu'en est-il vraiment ? Francetv info s'est penché sur la question.

98% : d’où vient le chiffre qui fait débat ?

L’expert en criminologie cité par Le Figaro, Alain Bauer, s’appuie sur un document publié par la Chancellerie en février 2013, répertoriant les condamnations prononcées en 2011. En s’appuyant sur le tableau répertoriant les condamnations à des peines de prisons pour délit (p. 111), il observe que sur les 117 999 condamnations prononcées, seul 1 199 ont été des peines de cinq ans ou plus. Conclusion : les autres, soit 98% des condamnations, sont concernées par le projet de Christiane Taubira.

Ne pas confondre peines encourues et peines prononcées

"C’est de la désinformation !", s’indigne la présidente du Syndicat de la magistrature, Françoise Martre, contactée par francetv info. "Ces chiffres sont fondés sur les condamnations prononcées alors que la garde des Sceaux a parlé des peines encourues", explique-t-elle. Marie-Jane Ody, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats, avance le même argument. 

La peine de probation concernera "les délits actuellement punis par le code pénal de peines inférieures ou égales à cinq ans", a en effet déclaré Christiane Taubira samedi dernier. Or, parmi les 117 999 condamnations utilisées comme base de calcul par Alain Bauer, figurent des délits qui encourent plus de cinq ans de prison, tels que le trafic de drogue, ou le vol avec circonstances aggravées. Ces délits ne seront donc pas concernés par la peine de probation. 

Un manque de statistiques ?

"Les données concernant les peines encourues, on ne les a pas", rétorque Alain Bauer, contacté par francetv info. "Moi je m’appuie sur les données concrètes qui sont à notre disposition, qu’on m’apporte d’autres outils et on pourra débattre." Quant aux délits passibles de plus de cinq ans de prison qu’il a intégrés à son calcul, il estime qu’ils ne représentent qu’"une part infinitésimale".

Sans approuver l’analyse de l’expert, Marie-Jane Ody estime elle aussi qu’il y a un manque d’informations. "Il faudrait en savoir un peu plus sur le projet de Christiane Taubira pour savoir qui sera réellement concerné. En attendant, on parle un peu dans le vide", conclut-elle.

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