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Marc Trévidic : "On aurait tort de penser que tous ces djihadistes sont à mettre dans le même panier"

Un mois après les attentats en région parisienne, les avocats de djihadistes présumés regrettent la mise en détention provisoire "systématique" de leurs clients. Pour Marc Trévidic, juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris au pôle antiterrorisme, "mettre en détention provisoire toutes les personnes interpellées et soupçonnées de djihadisme n'est pas une bonne chose".
Article rédigé par Sophie Parmentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Le juge Trévidic est pour l'isolement de ceux qui font du prosélytisme et qui sont tellement radicalisés qu’il n’y aura pas de retour en arrière © MaxPPP)

Un mois après les attentats en région parisienne, des avocats de djihadistes présumés constatent que la détention est devenue quasiment systématique dans ce type d'affaires. "La détention est une mesure d'ordre public, quasiment. Elle est systématique. Sans doute parce que l'opinion publique le réclame ", analyse Thomas Klotz, jeune avocat parisien qui a été très ébranlé par les attentats. Lui défend une dizaine de djihadistes et s'inquiète des risques de cette détention provisoire systématique, au fil des interpellations qui se multiplient depuis un mois. Le juge antiterroriste Marc Trévidic, lui-même, comprend l'inquiétude de ces avocats qu'il côtoie fréquemment dans son bureau de la galerie Saint Éloi au Palais de justice de Paris - où travaillent huit juges d'instruction antiterroristes.

"Mettre en détention provisoire toutes les personnes interpellées et soupçonnées de djihadisme n'est pas une bonne chose, car elles ne sont pas toutes au même niveau ", estime Marc Trévidic. "On aurait tort de penser que tous ces djihadistes sont à mettre dans le même panier. Il y en a des très dangereux, des récupérables et une grande masse beaucoup moins dangereuse et pour lesquels il y a des espoirs de déradicalisation. "

Pour faire la différence entre quelqu'un de très radical et un jeune moins radicalisé, Marc Trévidic essaye "de voir l'ancienneté de la radicalisation. C'est l'enquête qui me le dit. J'essaye de savoir s'il est déjà allé sur une terre du djihad ou s'il a essayé, combien de temps il est resté, au sein de quel groupe il a fait sur place. Cela permet d'apprécier la dangerosité et le degré de radicalisation. Pour cela, il faut faire des enquêtes assez poussées ."

Le danger du regroupement des détenus islamistes radicaux

À Fresnes, depuis le mois d'octobre, une vingtaine de détenus considérés comme des islamistes radicaux et liés à des affaires de terrorisme, sont regroupés dans la même aile de la première division sud. Une expérience que le gouvernement a décidé d'étendre à Fleury-Mérogis, et peut-être à la prison d'Osny (Val d'Oise), où des détenus radicalisés seront regroupés, dans des quartiers spécifiques, avec des heures de promenade à part, notamment. Et ce regroupement n'est peut-être pas une si bonne idée non plus, estime Marc Trévidic.

Il faut "savoir si on veut que ces gens ressortent au bout de 4 à 5 ans de prison encore plus radicalisés ou est-ce que l'on veut qu'ils soient moins dangereux pour la société ? Si on les met dans un bain radical pendant 4 à 5 ans, ils ressortiront plus dangereux. "

Le juge Marc Trévidic conseille d'isoler "ceux qui font du prosélytisme et qui sont tellement radicalisés qu'il n'y aura pas de retour en arrière ." Il ne faut surtout pas que les autres soient en contact avec eux. "Il faut faire attention à ce regroupement qui m'inquiète, " conclut-il.

 

Marc Trévidic estime que les détenus djihadistes ne sont pas tous les mêmes
 

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