IVG : pourquoi le Sénat pourrait retarder l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution

Le sénateur LR Philippe Bas a introduit un amendement qui modifie la formulation du projet de loi constitutionnelle voté en janvier par les députés. Or, si le texte est modifié à la chambre haute, il repartira pour une nouvelle lecture à l'Assemblée.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec Julien Nény
France Télévisions
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Le sénateur Les Républicains Philippe Bas à la tribune du Sénat, à Paris, le 1er février 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Tous les regards sont braqués sur le Palais du Luxembourg, mercredi 28 février, où les sénateurs vont se prononcer sur l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. C'est l'étape la plus périlleuse de la révision constitutionnelle promise par Emmanuel Macron. L'exécutif ne pourra la faire aboutir sans un vote majoritaire des 348 sénateurs. Et même dans cette éventualité, le calendrier parlementaire du texte pourrait être chamboulé.

Pour comprendre l'obstacle actuel, il faut se pencher sur le chemin d'une révision constitutionnelle, qui se décompose en trois étapes : le vote du texte par l'Assemblée nationale ou le Sénat ; puis le vote du même texte par l'autre chambre du Parlement ; et enfin l'adoption par le Parlement dans son ensemble, réuni en Congrès. Pour l'heure, le premier tiers du parcours législatif est accompli. L'Assemblée nationale a en effet largement approuvé, fin janvier, le principe d'inscrire dans la Constitution la notion de "liberté garantie" pour les femmes d'accéder à l'IVG. 

"Liberté" ou "liberté garantie" ?

La deuxième étape a donc lieu mercredi avec l'examen du texte au Sénat. Mais avant le vote, un sénateur Les Républicains (LR), Philippe Bas, a déposé lundi un amendement dans le but de modifier le texte, qui comprend pour l'instant un seul article : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse." Avec cet amendement, exit la "liberté garantie" des femmes, pour ne conserver que la "liberté"

C'est ce seul terme de "liberté" qui était présent, en février 2023, dans un précédent texte difficilement adopté par le Sénat. Le gouvernement avait ensuite choisi la formulation "liberté garantie" dans le projet de loi constitutionnelle qu'il avait soumis aux députés. "Cet amendement vise à lever les incertitudes juridiques qui pèsent sur l'utilisation du terme 'garantie'", écrit Philippe Bas pour défendre cette modification. Le mot "garantie" créerait un droit opposable dont "on ne connait pas les conséquences", fait valoir la rapporteure du texte, la sénatrice LR Agnès Canayer, au média Politico.

Si l'amendement de Philippe Bas est adopté par le Sénat, à majorité de droite, le projet de loi constitutionnelle sera donc modifié. Si tel est le cas, il sera impossible de réunir les parlementaires en Congrès pour boucler la troisième étape puisqu'il faut que le texte soit adopté exactement dans les mêmes termes dans les deux chambres. Il repartirait donc pour une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, à une date inconnue. 

Incertitude sur le vote des sénateurs

Cette modification proposée par la droite sénatoriale va-t-elle être adoptée ? Avant le scrutin dans l'hémicycle, la commission des lois du Sénat a, elle, voté en faveur de la formulation de l'Assemblée nationale, le 14 février. Mais "impossible de savoir" l'option que choisiront les parlementaires de droite, mercredi, anticipe un sénateur LR. "Mais la pression sociale et médiatique est forte et beaucoup de nos sénateurs veulent tourner la page le plus vite possible. Quoi qu'ils en pensent sur le fond."

"Sur l'IVG, on a été beaucoup aidé par CNews", estime quant à lui Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des lois à l'Assemblée nationale. Sur la chaîne d'info détenue par Vincent Bolloré, l'IVG a été présentée samedi comme "la première cause de mortalité dans le monde". La séquence en question a été abondamment relayée et critiquée, lundi, tandis que les dirigeants de CNews ont présenté leurs excuses.

A la veille du vote, la Fondation des femmes a rassemblé 95 000 signatures pour une pétition intitulée "Monsieur Larcher, votez pour l'IVG !". Le président du Sénat, Gérard Larcher, s'était déclaré opposé à cette constitutionnalisation, le 23 janvier sur franceinfo. Il avait justifié sa position en déclarant que "la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux". A ce stade, selon les informations de France Télévisions, la réunion du Congrès à Versailles (Yvelines) devrait se tenir lundi 4 mars en début d'après-midi, si et seulement si le Sénat vote mercredi le même texte que l'Assemblée.

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