IVG : quelles sont les prochaines étapes avant l'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" d'avorter ?

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les députés après l'adoption de l'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" d'avorter, le 30 janvier 2024. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
Après son adoption par les députés le 30 janvier, le texte va être examiné par le Sénat. En cas d'adoption par la chambre haute, une convocation du Congrès à Versailles est prévue début mars.

Les députés ont largement voté, mardi 30 janvier, le projet de réforme constitutionnelle porté par le gouvernement en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" pour les femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Le texte voulu par Emmanuel Macron va désormais être transmis au Sénat, dominé par la droite et le centre, où il devra être adopté dans les mêmes termes. Une convocation du Congrès constitue le passage final. Franceinfo récapitule le calendrier à venir.

1 Une adoption du texte à l'Assemblée

Dans un contexte de remise en cause du droit à l'IVG dans certains pays occidentaux, notamment aux Etats-Unis, Emmanuel Macron a annoncé fin octobre 2023 qu'il déposerait un projet de loi au Conseil d'Etat pour inscrire dans la Constitution la "liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse". En définitive, le texte du gouvernement prévoit d'inscrire dans la Constitution le fait que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours" à l'IVG.

Cette formulation a été choisie pour tenter de trouver une voie médiane entre deux options. Fin 2022, l'Assemblée nationale avait voté à une large majorité une proposition de La France insoumise (LFI) qui visait à garantir l'"accès au droit à l'IVG". De son côté, le Sénat, avait avalisé début 2023 une version ne mentionnant pas de "droit à l'IVG" mais la "liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".

Le gouvernement a donc repris la version en y ajoutant la notion de liberté "garantie", ce mot devant "créer un bouclier (...) qui protège le droit à l'IVG tel qu'il est défini aujourd'hui (délais, remboursements...)", a précisé à l'AFP le rapporteur du texte, le député Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance). 

L'Assemblée nationale a adopté mardi le texte, avec 493 voix pour. Trente députés ont voté contre, dont 15 élus Les Républicains et 12 membres du Rassemblement national, selon le détail du vote publié sur le site de l'Assemblée nationale. Du côté du Rassemblement national, Marine Le Pen, Sébastien Chenu, Edwige Diaz, Laurent Jacobelli et Jean-Philippe Tanguy ont voté en faveur. Par ailleurs, 23 députés se sont abstenus.

2 Un examen plus risqué au Sénat

Les débats devraient en revanche se révéler plus compliqués au Sénat, où le texte est attendu le 28 février. Il doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres. Les sénateurs de droite s'accommoderont-ils de la notion de "liberté garantie" ? La formule fait tiquer le sénateur Les Républicains (LR) Philippe Bas. Interrogé mi-septembre sur Public Sénat, il avait affirmé qu'il "n'acceptera[it] pas n'importe quoi"

"Je suis pour la reconnaissance d’une liberté encadrée, pas pour la reconnaissance d’un droit illimité, absolu ou opposable."

Philippe Bas, sénateur LR

sur Public Sénat

Le président du Sénat a par ailleurs redit, le 23 janvier, son opposition à l'inscription de l'IVG dans la Constitution. "L'IVG n'est pas menacé dans notre pays. S'il était menacé, croyez-moi, je me battrais pour qu'il soit maintenu. Mais je pense que la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux", a argumenté Gérard Larcher sur franceinfo.

"Dans une réforme constitutionnelle, chaque chambre a en quelque sorte un veto sur l'autre", a reconnu auprès de l'AFP Guillaume Gouffier Valente, expliquant "respecter le travail des sénateurs". "La rédaction proposée est à 90% issue de leur travail", souligne-t-il toutefois.

Si la chambre haute venait à ne pas adopter la réforme fin février, le texte reprendrait la navette parlementaire, bouleversant le calendrier prévu par l'exécutif. Le site vie-publique.fr rappelle que dans le cadre d'une révision constitutionnelle, il ne peut pas y avoir de convocation d'une commission mixte paritaire, cette instance chargée, pour les lois ordinaires, de trouver un compromis entre les deux chambres.

3 Une réunion du Congrès à Versailles pour un vote final

Si le texte est adopté à l'Assemblée et au Sénat dans les mêmes termes, la dernière étape aura lieu au château de Versailles, où les 925 élus sont réunis en Congrès. L'exécutif espère qu'il sera convoqué le 5 mars, trois jours avant la Journée internationale des droits des femmes. 

Pour adopter la révision de la Constitution, les parlementaires doivent se prononcer à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, sans possibilité de modifier le texte. Depuis 1958, sur 24 révisions constitutionnelles, 21 ont été approuvées par le Congrès, lors de 16 réunions, détaille le site de l'Assemblée nationale.

La majorité peut espérer réunir les voix suffisantes. En additionnant tous les votes Renaissance, de la gauche, des groupes Liot et radicaux, elle arrive à 551 voix, à quatre voix des trois cinquièmes nécessaires à l'adoption (et ce, si aucun élu ne choisit de s'abstenir), estimait cet automne une source gouvernementale à franceinfo. La majorité devrait donc avoir besoin de convaincre seulement quelques élus centristes ou LR.

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