IVG dans la Constitution : comment Emmanuel Macron et Gabriel Attal se sont mobilisés en coulisses pour le texte

Selon les informations de franceinfo, l'exécutif a joué un "rôle très actif" dans ce dossier, "soucieux que ça avance vite et bien". Les parlementaires de gauche ont aussi redoublé d'efforts en coulisses pour faire avancer le projet.
Article rédigé par Victoria Koussa
Radio France
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Gabriel Attal et Emmanuel Macron, le 1er septembre 2023. (LUDOVIC MARIN / POOL)

Un jour historique pour les femmes. Et un symbole au monde entier. Le Parlement se réunit lundi 4 mars 2024 en Congrès au Château de Versailles pour faire de la France le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et protéger le droit à l'avortement en recul dans nombre de pays.

Les 925 parlementaires du pays, sénateurs et députés, sont appelés à graver l'avortement dans le marbre du texte fondamental. "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse" : introduite à l'article 34, la phrase fera de la France une pionnière, à rebours de plusieurs pays où le droit à l'avortement recule, aux États-Unis ou en Europe de l'Est. Reste une dernière étape : que les trois cinquièmes des parlementaires présents - qui y sont tous conviés - donnent leur feu vert. Ce qui semble toutefois une formalité vus les derniers votes au Parlement.

L'aboutissement d'une alliance de femmes

Ce vote historique est par ailleurs jalonné de symboles : logée dans l'aile du Midi de la résidence des rois de France, la prestigieuse salle du Congrès s'apprête à accueillir un moment clé. Le palais du roi Soleil va se transformer en palais de la République pendant quelques heures, quand sénateurs et députés s'installeront dans le grand hémicycle, rangés par ordre alphabétique. C'est Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale qui ouvrira la séance. Ce sera alors la première femme à présider un Congrès.

Ce vote marque aussi l'aboutissement d'un travail de co-construction. L'idée du texte part de l'Insoumise Mathilde Panot, appuyée par la Renaissance Aurore Bergé, défendue au Sénat par l'écologiste Mélanie Vogel, la socialiste Laurence Rossignol et la centriste Dominique Vérien. Cafés, coups de fil… Mélanie Vogel a multiplié les prises de contacts au Sénat pour peser sur le vote des sénateurs, qui ont fini par voter conforme mercredi dernier. En coulisses, des sénatrices de la majorité sénatoriale, Dominique Vérien (union centriste) et Elsa Schalck (LR), ont aussi œuvré à convaincre leurs collègues LR et centristes.

Une alliance de femmes au-delà des couleurs politiques. Et ce coup de pouce de taille : Emmanuel Macron qui transforme ce travail en projet de loi pour lui donner plus de chance. Ou quand des adversaires deviennent partenaires pour la cause : un scénario rêvé en situation de majorité relative, au moment où les troupes du président ont du mal à réformer.

"Rôle très actif"

En coulisses, d'ailleurs, on glisse qu'Emmanuel Macron a eu un "rôle très actif", à en croire des conseillers de premier plan, qui parlent de "contacts très réguliers" entre l'exécutif et des sénateurs influents… Initiés notamment par le Premier ministre Gabriel Attal en personne, "soucieux que ça avance vite et bien". D'apres une source au sein de l'exécutif, il "s'est beaucoup impliqué" pour que ce geste fort, deux mois après sa nomination, "soit mis au crédit de son gouvernement".

Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, et Marie Lebec, ministre chargée des Relations avec le Parlement, ont tenté de faciliter un vote conforme au Sénat pour parvenir à tenir les delais pour le Congrès, après le coup de pression en cours de route du patron LR du Sénat Gérard Larcher, qui menaçait de retarder le processus, estimant que la Constitution ne doit pas être "un catalogue des droits sociaux et sociétaux".

"Tous les scénarios ont été mis sur la table, on a rappelé que la date du 5 mars pour organiser le Congrès n'était pas un totem [date annoncée avant le vote du Sénat qui avait braqué les sénateurs]" assure à franceinfo un conseiller de premier plan dans ce dossier.

Emmanuel Macron ne veut pas s'effacer

Dans le déroulé de lundi après-midi, du côté de l'exécutif, c'est le Premier ministre qui s'exprime en tribune. Comme le veut l'usage, à Gabriel Attal de présenter le texte pour inscrire "la liberté garantie" des femmes à avoir recours à l'avortement. Comme il s'agit d'une révision constitutionnelle, il est interdit au président d'y participer. Mais il n'est pas question pour Emmanuel Macron de s'effacer.

Le chef de l'État prévoit de participer à la cérémonie de scellement de la Constitution par le garde des Sceaux, vendredi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, selon son entourage qui parle de "point final au cheminement du texte", avec une prise de parole de sa part. Une façon pour le président de boucler la boucle et de tenir les délais qu'il espérait : une inscription dans la Constitution avant le 8 mars. Un an auparavant, le 8 mars 2023, il promettait de graver ce droit dans le marbre, en opposition à la Cour suprême américaine qui venait de le fragiliser. Cela permet aussi à Emmanuel Macron d'apporter une avancée concrète aux collectifs féministes après une année compliquée, notamment après son soutien à l'acteur Gérard Depardieu mis en examen pour viols.

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