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Projet de loi immigration : après l'attentat d'Arras, le volet "métiers en tension" pourrait-il passer à la trappe ?

La droite, qui a fait de cette mesure une ligne rouge, voit dans l'actualité récente une raison supplémentaire de s'y opposer.
Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
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L'Assemblée nationale, à Paris, le 11 octobre 2023. (LAURE BOYER / HANS LUCAS / AFP)

"L'article était déjà fortement en difficulté, souffle un député Renaissance. Là, j'ai peur que le populisme l'enterre avant sa naissance." Cet élu de la majorité fait référence à l'article 3 du projet de loi sur l'immigration qui prévoit de créer une carte de séjour pour les "métiers en tension", d'une validité d'un an, pour les étrangers travaillant clandestinement dans des secteurs comme le BTP ou l'hôtellerie, en pénurie de main-d'œuvre. Si le projet de loi est adopté, le dispositif entrera en vigueur "à titre expérimental" jusqu'au 31 décembre 2026. Un bilan de cette mesure sera ensuite transmis au Parlement.

Problème : les membres de LR ont fait de cet article 3 une ligne rouge et menacent de déposer une motion de censure si l'exécutif venait à passer en force. Le gouvernement défend au contraire les deux jambes du projet de loi : le volet "humanité" avec les régularisations et le volet "fermeté" avec le durcissement contre l'immigration illégale. Mais avec l'attentat qui s'est produit à Arras (Pas-de-Calais) vendredi 13 octobre, les cartes pourraient de nouveau être rebattues sur cet épineux dossier, dans les tuyaux depuis une année.

Sur TF1 vendredi soir, le ministre de l'Intérieur a présenté son projet de loi comme le remède à ce type de situation. Cette loi "(...) permettra d'expulser tous ceux qui, même arrivés à l'âge de 2-3 ans, sont étrangers et méritent de retourner dans leur pays d'origine (...) parce que ce sont des dangers en puissance", a assuré Gérald Darmanin. Le principal suspect de l'attentat d'Arras, né dans le Caucase russe, était arrivé en France à l'âge de 5 ans.

"Tout ce qui est pour plus de fermeté (...) nous va"

Dimanche, la Première ministre Elisabeth Borne a enfoncé le clou, assurant que le cas particulier de l'attentat d'Arras légitimait ce projet de loi. "Je compte sur ceux qui nous critiquent aujourd'hui pour qu'ils votent notre texte demain", a-t-elle dit. Un message notamment destiné aux Républicains mais qui devrait résonner – une fois de plus – dans le vide.

Pour la droite, l'attaque terroriste qui a fait un mort et trois blessés justifie au contraire de se focaliser uniquement sur le volet "fermeté". "Nous devons reformer d'urgence la politique migratoire de la France afin de combattre de manière plus efficace l'immigration illégale, assure le député LR Thibault Bazin. La priorité absolue est d'expulser les étrangers radicalisés." Son collègue des Hauts-de-Seine Philippe Juvin enfonce le clou : "L'article 3 ne répond à rien et aggrave les choses." En face, l'aile gauche de la majorité promet pourtant de "continuer à se battre pour le garder". Il faut "rappeler que chaque étranger n'est pas un terroriste ou un délinquant en puissance", assure un député Renaissance. 

L'article 3, déjà menacé, pourrait-il ainsi sauter au regard de l'actualité mais aussi pour emporter le vote des LR ? Le président Renaissance de la commission des Lois, Sacha Houlié, refuse d'envisager ce scénario et livre n'avoir "aucune crainte là-dessus". "L'article 3 n'est pas menacé", affirme ce tenant de l'aile gauche de la macronie, assurant avoir obtenu des garanties des "hautes sphères". "C'est devenu un prétexte pour les LR [de ne pas voter le texte], ce qui est inexplicable et inexcusable de leur part car il prive le ministre de l'Intérieur des moyens nécessaires." Mais du côté du cabinet de Gérald Darmanin justement, on botte en touche sur la question du maintien de l'article 3. "Tout ce qui est pour plus de fermeté et pour une adoption rapide du texte nous va", se contente de répondre l'entourage du ministre. Le projet de loi immigration doit d'abord arriver au Sénat le 6 novembre avant d'être débattu à l'Assemblée nationale. 

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