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Attentat dans un lycée d'Arras : on vous explique pourquoi le principal suspect était en situation irrégulière, mais pas expulsable

L'homme soupçonné d'avoir mené vendredi l'attentat au lycée Gambetta-Carnot est un jeune de 20 ans né dans le Caucase russe et arrivé en France à 5 ans. Sans titre de séjour, il n'avait pas fait pour autant l'objet d'un arrêté d'expulsion.
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des policiers devant l'entrée du lycée Gambetta à Arras (Pas-de-Calais), le 14 octobre 2023, au lendemain de l'attentat perpétré dans cet établissement scolaire. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

Pourquoi Mohammed M., soupçonné d'être l'auteur vendredi de l'attaque terroriste au couteau commise au lycée Gambetta-Carnot d'Arras (Pas-de-Calais), n'a-t-il pas été expulsé, alors qu'il était en situation irrégulière ? La question se pose, samedi 14 octobre, au lendemain de la mort d'un enseignant poignardé au sein de l'établissement, où ce principal suspect, un homme de 20 ans, a lui-même été élève. Né en Ingouchie, une République de la Fédération de Russie, voisine de la Tchétchénie et à majorité musulmane, il est arrivé en France en 2008, à l'âge de 5 ans, avec ses parents, ses quatre frères et sœurs.

Sa famille s'installe d'abord près de Rennes (Ille-et-Vilaine), où les enfants sont scolarisés. Puis les parents déposent une demande d'asile, qui est refusée au père par la préfecture d'Ille-et-Vilaine. La famille fait alors l'objet d'une procédure d'expulsion collective vers Moscou début 2014. Mais des associations se mobilisent face à cette décision et la préfecture fait marche arrière.

"Ils sont montés au créneau auprès de mon équipe, a relaté, samedi au Télégramme, l'ancien ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Mon cabinet a alors examiné le dossier et a considéré que cette expulsion ne respectait pas la circulaire dite Valls. La famille était en effet sur le sol français depuis plus de cinq ans et les enfants, dont une en bas âge, étaient scolarisés et parlaient français." Quand Mohammed M. arrive à Arras, il a 12 ans. Leur père est finalement expulsé de France en 2018, a précisé vendredi soir Gérald Darmanin. Samedi, lors d'un point-presse, le ministre de l'Intérieur a demandé l'"expulsion systématique de tout étranger (...) considéré comme dangereux par les services de renseignement".

Une demande d'asile refusée à sa majorité

Jusqu'à sa majorité, Mohammed M. vit donc sur le territoire français de façon légale. Car en France, aucun mineur ne peut faire l'objet d'une expulsion. "Ce sont les seuls étrangers inexpulsables de manière absolue", rappelle à franceinfo Stéphane Maugendre, avocat et ancien président du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti). A sa majorité, en 2021, le jeune homme a fait une demande d'asile, afin de régulariser sa situation. Mais l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ainsi que la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), lui ont refusée, comme le confirme une source policière à franceinfo, sans préciser les raisons de cette fin de non-recevoir.

"Pourquoi cette demande de titre de séjour a-t-elle été refusée ? C'est toute la question."

Stéphane Maugendre, avocat

à franceinfo

Ce titre de séjour, "il y avait droit de plein droit", observe pourtant Stéphane Maugendre. De fait, parce qu'il est arrivé en France avant ses 13 ans, et y "réside habituellement", Mohammed M. ne peut "faire l'objet d'une décision d'expulsion" qu'à certaines conditions, en vertu de l'article L631-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Par exemple, "en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat", ou encore s'il a "des activités à caractère terroriste", ou bien des agissements "constituant des actes de provocation", "à la haine ou à la violence". Pour justifier de tels comportements, "il faut des éléments à valeur administrative et/ou à valeur judiciaire", pointe une source policière auprès de franceinfo.

"Pas connu pour sa radicalisation" à cette époque

De plus, rappelle cette source policière, depuis le début de la guerre en Ukraine, fin février 2022, la France a cessé les expulsions vers la Russie. Surtout, affirme-t-elle, le principal suspect dans l'attentat commis à Arras "n'était pas connu pour sa radicalisation au moment où il a fait sa demande de titre de séjour". Pourtant, Julie Duhamel, secrétaire départementale du Pas-de-Calais du syndicat enseignant Unsa, a affirmé vendredi sur franceinfo "qu'il y avait eu un dossier monté par l'équipe enseignante par rapport à sa radicalisation, il y a maintenant quelques années", quand Mohammed M. était scolarisé au lycée Gambetta-Carnot.

"S'il y a un risque de trouble à l'ordre public, le ministère de l'Intérieur peut procéder à l'expulsion d'un étranger, même s'il est arrivé en France avant ses 13 ans, en respectant la procédure", relève Stéphane Maugendre. Ce qui implique notamment un passage devant une commission, souligne l'avocat. "Il suffit d'une note blanche des renseignements", argue-t-il. Or, Mohammed M. faisait l'objet d'un suivi actif de la part de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avec une mise sur écoute et des surveillances physiques.

Selon les informations de France Télévisions, cet homme était enregistré au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Mais c'est seulement depuis le 30 juillet qu'il était fiché S, avec une surveillance plus active de la DGSI. Néanmoins, être fiché S ne signifie pas être surveillé en permanence. Ce n'est qu'une catégorie, qui ne donne pas la possibilité d'arrêter quelqu'un ou de l'expulser. Ainsi, Mohammed M. avait été contrôlé par la police jeudi, la veille de l'attaque, a rapporté Gérald Darmanin, sans qu'aucune infraction ne puisse lui être reprochée. Il n'y a "pas eu de faille des services de renseignement", a martelé le ministre de l'Intérieur samedi.

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