Affaire Marc Pulvar : quatre questions autour des accusations de pédocriminalité qui visent cette ex-figure du syndicalisme martiniquais
Le père de l'ancienne journaliste Audrey Pulvar, mort en 2008 à l'âge de 71 ans, était une personnalité en Martinique. Trois de ses nièces dénoncent aujourd'hui les actes d'un "pédocriminel" et "violeur", expliquant vouloir "en finir avec cette héroïsation du personnage".
Elle a terminé en larmes. L'ancienne journaliste Audrey Pulvar a accordé un entretien à France Inter, lundi 15 février, pour parler des accusations de pédocriminalité visant son père, le syndicaliste Marc Pulvar. Trois femmes de sa famille ont publié une lettre, le 6 février, dénonçant un "héros martiniquais, pédocriminel et violeur". "Ici, à Paris, ce n'est pas l'affaire Marc Pulvar, ce n'est pas la parole des victimes qu'on a entendue, c'est mon nom qui a été mis en exergue", a déclaré celle qui est désormais adjointe à la maire de Paris et candidate aux élections régionales en Ile-de-France, expliquant être restée en retrait plusieurs jours pour que les victimes puissent s'exprimer. Franceinfo revient sur ces affaires.
Qui est Marc Pulvar ?
Mort en 2008 à l'âge de 71 ans, Marc Pulvar était une personnalité en Martinique. Professeur de mathématiques à l'origine, il a marqué la vie politique de l'île."En 1962, il devient membre de l'Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique et signe le manifeste intitulé La Martinique aux Martiniquais. Ce document sera placardé dans toute l'île", a rapporté Martinique La 1ère en 2018 alors que des hommages se tenaient pour saluer les 10 ans de sa disparition. "En 1973, Marc Pulvar fonde le mouvement La Parole au peuple, qui deviendra, cinq ans plus tard, le Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM). Il s'est ensuite engagé auprès des travailleurs en créant la Centrale syndicale des travailleurs martiniquais (CSTM) en 1974. Il était depuis considéré comme une grande figure du syndicalisme et un leader indépendantiste en Martinique.
De quoi est-il accusé ?
Marc Pulvar est accusé de pédocriminalité par trois de ses nièces. Il s'agit de Karine Mousseau, une femme politique de premier plan en Martinique (élue territoriale et présidente du comité martiniquais du tourisme) et de ses cousines Barbara Glissant (fille de l'écrivain et poète martiniquais Edouard Glissant) et Valérie Fallourd.
"A l'âge de 7 et 10 ans, nos routes ont croisé celle d'un homme", ont-elles écrit dans une tribune (en PDF). "On l'encense aujourd'hui encore en Martinique, parce qu'il a été un militant, syndicaliste, défenseur des opprimés, ajoutent-elles. C'était l'oncle de la famille, le favori, adulé déjà, par tous." Les trois femmes expliquent vouloir "en finir avec cette héroïsation du personnage, ne plus jamais lui rendre un quelconque hommage à l'avenir et désormais penser à lui comme il le mérite".
"Marc Pulvar, alias Loulou pour les intimes, était un prédateur sexuel."
Karine Mousseau, Barabara Glissant et Valérie Fallourddans une tribune
"Les vacances d'été du tout début des années 1980 ont été pour nous le théâtre de ses exactions, racontent-elles, particulièrement le camping sauvage sur l'une des plus belles plages de la Martinique, où il avait la gentillesse de nous emmener, avec la reconnaissance attendrie de nos proches."
"Marc Pulvar, le héros, savait parler, écrivent Karine Mousseau, Barbara Glissant et Valérie Fallourd. Mais quand Marc Pulvar parlait aux petites filles, il s'y prenait autrement. Et cette histoire là, il faut la connaitre. Il leur parlait doucement oui, comme si de rien n'était, pendant qu'il mettait ses mains dans leur culotte, les masturbait", relatent-elles. "Il avait l'art de nous isoler (...) Combien de bains de mer seules avec lui, il aimait nous porter et nous caresser sous l'eau, à quelques mètres d'adultes aveuglés."
Audrey Pulvar avait-elle connaissance de ces accusations ?
L'ancienne journaliste, tête de liste en Ile-de-France aux élections régionales prévues en juin, a expliqué avoir "été mise au courant des crimes commis" par son père "il y a une vingtaine d'années" par ses cousines. Elle assure les soutenir "pleinement" et salue "le courage" dont elles font preuve. "Cela a été un choc très profond pour mes proches et moi. Tant qu'elles ne souhaitaient pas s'exprimer publiquement, ce n'était pas à nous, à moi, de nous substituer à leur parole de victimes", a-t-elle estimé auprès de l'AFP, début février.
"Les faits se sont produits il y a quarante-cinq ans, mais quand j'étais enfant, au moment des faits, je sais qu'il s'est passé des choses confusément. Ma cousine m'avait dit : 'Ton père met sa main dans ma culotte'", a-t-elle déclaré sur France Inter lundi. Mais "il ne m'est pas venu à l'idée de le dénoncer", a-t-elle poursuivi. "Ça n'était pas à moi de le faire", a expliqué l'actuelle adjointe à la maire de Paris, qui a tenu à assurer : "Je suis toujours du côté des victimes."
"Je suis là comme fille d'un pédocriminel. Quand vous êtes la fille d'un monstre, vous vous demandez si vous n'êtes pas un monstre vous-même", a-t-elle également confié.
.@AudreyPulvar : "Je sui là comme fille d'un pédocriminel. Quand vous êtes la fille d'un monstre, vous vous demandez si vous n'êtes pas un monstre vous-même" #MeTooInceste #MarcPulvar #le79Inter pic.twitter.com/baHDLsgVTU
— France Inter (@franceinter) February 15, 2021
Audrey Pulvar a adressé un message à celles et ceux qui avancent l'idée d'une "manœuvre politique" pour la déstabiliser. "À tous ceux et toutes celles qui pensent que l'action de mes cousines, qui aujourd'hui parlent à travers une lettre, c'est-à-dire 45 ans après les faits, serait une manœuvre politique, soit pour m'atteindre moi qui suis candidate, soit pour abîmer la mémoire de mon père : tous ceux-là, ils ont tort", a-t-elle déclaré.
Quelles suites sur le plan judiciaire ?
Six ans avant la mort de Marc Pulvar, en 2002, Valérie Fallourd et Karine Mousseau avaient saisi la justice. Mais les faits étaient déjà prescrits. Pourquoi, alors, s'exprimer publiquement en 2021 ? Outre la volonté de casser l'image du héros, "nous parlons pour libérer la parole des autres victimes" et modifier la loi, a expliqué Karine Mousseau sur le plateau de Martinique La 1ère.
"A un moment, il faut parler. Et au moment où les victimes sont prêtes à parler, il faut qu'elles trouvent quelqu'un pour les croire. C'est la parole de l'enfant contre la parole de l'adulte, mais c'est aussi la parole de l'adulte qui se souvient et qui parfois n'est pas entendu, n'est pas écouté par d'autres adultes", a-t-elle soulevé. "Ce que nous voulons, c'est l'imprescriptibilité des faits [de pédocriminalité]. Une victime, elle peut mettre une vie à parler et à raconter ce qu'elle a subi", a insisté Karine Mousseau.
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